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À Hauteur d’homme: devant les géants

Quand une entreprise de Montréal décide de faire des meubles en bois local, à l'ombre des géants.

Par
Pier-Luc Ouellet
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URBANIA et le Collectif pour une forêt durable s’unissent pour découvrir ceux qui innovent avec le bois.

L’autre fois, je suis allé me promener dans une grande surface de meubles à assembler soi-même que je ne nommerai pas, mais qui vient d’ouvrir une succursale à Québec.

Mon père était en visite du Bas-Saint-Laurent, et il était curieux de voir ça.

Parce que oui, quand tu vis en région éloignée, aller visiter le Ikea, c’est une activité culturelle.

Oups, je viens de nommer l’entreprise.

En me promenant entre les faux salons et les piles de passoires en plastique, une réalisation m’a frappé; tous les meubles de mon appartement viennent de cette mégasurface.

Pourtant, on en a plein de bois au Québec. Comment ça j’ai pas de meubles québécois, moi?

Heureusement, une entreprise de Montréal a décidé de prendre la situation en main, et de valoriser le bois d’ici en fabriquant les plus beaux meubles qui soient.

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Rencontre avec Louis-Philippe Pratte, fondateur d’À Hauteur d’homme.

Un homme contre les géants

Louis-Philippe Pratte a beau avoir fondé une entreprise qui s’appelle À Hauteur d’homme (« une entreprise de mobilier en bois, du bois local et c’est fabriqué à Montréal »), il se bat contre des entreprises de géants.

Pourquoi se lancer dans cette folle entreprise de fabrication de meubles? Ce sont ses études en Allemagne qui lui ont donné l’idée : « Il y a dix ans, je revenais d’Allemagne, et je trouvais qu’il n’y avait pas de marques au Québec qui mettent le bois en valeur. C’est étrange ».

Surtout qu’en Allemagne, on était plus emballés par la forêt québécoise que les Québécois eux-mêmes : « En Allemagne, j’avais beaucoup ça comme feedback : “Wow, la forêt canadienne!” Oui… mais on va tous chez Ikea! »

Curieusement, le parcours de monsieur Pratte ne le prédestinait pas à l’ébénisterie; il est formé en design automobile. Pourquoi changer ainsi de domaine?

« Comme designer, on peut se retrouver à faire des cochonneries. […] J’avais envie d’avoir un impact positif ».

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Du ben beau bois

Louis-Philippe Pratte aime vraiment beaucoup le bois : « Le bois a toujours été au cœur de l’entreprise, des produits qu’on fait, et de notre signature. Je pense que je ne pourrais même pas nommer un produit où y a pas de bois ».

Et pas n’importe quel bois; le bois du Québec : « Moi, ça a toujours été clair, je ne ferai rien avec du bois exotique. Je l’ai déjà dit à mes clients, c’est même pas négociable ».

Ce n’est pas nécessairement une question de qualité : il m’explique que chaque essence a ses qualités particulières, de toute façon. C’est davantage une question d’écologie, et de mettre en valeur le patrimoine naturel d’ici.

Mais pourquoi le bois à tout prix? Pourquoi pas du béton québécois, ou du plastique québécois (si ça existe)?

« On ne va pas porter un jeans “éthique” s’il ne nous fait pas bien. »

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Ce n’est pas nécessairement une question de marketing, même si le marketing vert peut sembler à la mode : « C’est pas juste un choix rationnel, il y a des gens qui choisissent “Hh” parce qu’ils veulent cette esthétique-là aussi. Le côté éthique et environnemental, ça peut avoir un attrait jusqu’à une certaine limite, mais on sait très bien, on ne va pas porter un jeans “éthique” s’il ne nous fait pas bien ».

Une entreprise proche… des humains

Louis-Philippe Pratte a beau être dans la business de la fabrication de bibliothèques et de tables, ce qui l’intéresse vraiment, c’est l’humain.

C’est pourquoi il a décidé que son entreprise serait écologique et éthique : « Je voulais faire quelque chose qui a plus de sens, qui pourrait contribuer à une nouvelle façon d’être en affaires, de participer à l’économie d’une manière qui est éthique. Pour moi c’est important ».

Et comment ça s’incarne? D’abord, avec des meubles durables : « c’est de faire les produits les plus écologiques, mais aussi les plus durables. […] T’auras beau avoir le matériau le plus écologique, ce qui est le plus écologique c’est d’être durable. Si t’as un produit dans un matériau écologique, mais qu’il dure deux ans, ben c’est pas si écologique ».

« Ce qui est le plus écologique c’est d’être durable. »

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Mais en plus, À Hauteur d’homme, même s’ils fabriquent des meubles luxueux, a décidé de s’impliquer auprès des enfants défavorisés : « On a un projet social qui s’appelle le Grand pupitre, Léa Clermont-Dion est la porte-parole officielle du projet, en collaboration avec la maison d’édition La Pastèque, on a fait deux éditions et là on est en train de préparer la troisième. On crée un pupitre unique qui est remis à des familles défavorisées qui n’ont pas d’espace de travail à la maison pour les études de leurs enfants. »

Leurs bureaux sont si beaux, j’ai envie de revenir au primaire (j’aurais tellement des bonnes notes en plus, je fais des full belles boucles de lacets).

En définitive, Louis-Philippe Pratte est simplement passionné par le bois : « c’est une matière renouvelable. […] Il y a une qualité intrinsèque au bois. Si on laisse une chaise en bois sur le bord de la rue, il y a probablement quelqu’un qui va la ramasser. Il y a tout le temps quelque chose à faire avec ça, à réparer, à resabler. Il y a une chaleur qu’il n’y a pas avec le plastique. C’est une matière qui se bonifie avec le temps ».

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Mais surtout, le bois répond à la motivation fondamentale qui l’a poussé à délaisser le design automobile :

« J’ai pas l’impression de faire de la cochonnerie ».

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Vous pouvez voir les beaux meubles de Louis-Philippe chez Maison Pépin dans le Vieux-Port, ou au hh.ca.

Mais le bois du Québec cache aussi une foule d’autres possibilités, que vous pouvez découvrir sur uneforetdepossibilites.com.