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À coeur ouvert avec Couple ouvert

Rencontre avec Thomas Levac et Stéphanie Vandelac, le duo derrière le podcast.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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« C’était un gros club vidéo et il y avait une grosse section internation…. »

L’écrivain Jean-Philippe Baril Guérard est en train de vanter les quelques bienfaits de sa jeunesse à Plessisville dans mes oreilles lorsqu’un policier agite le bras vers moi.

Je viens de brûler la rouge à vélo au coin Rachel et Molson. Le crime ne paie pas.

Je range ma bécane sur le terre-plein, où m’attendent le policier et sa consoeur. Je plaide ma cause. « J’étais distrait par l’excellent podcast de Thomas Levac, que je vais de ce pas rencontrer avec Stéphanie Vandelac pour un reportage dans URBANIA… »

Le policier se montre empathique. « Je pourrais te donner une contravention supplémentaire pour les écouteurs, mais vu que t’écoutes un podcast très instructif et divertissant, je vais te donner une chance! », lance-t-il (il me semble).

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Ça fait cher du podcast

Anyway, 128$ plus tard (80$ infraction + 28$ frais + 20$ contribution ?!?), je roule vers le centre-ville en respectant la signalisation, pour rejoindre le tandem derrière l’excellent podcast Couple ouvert.

Thomas et Stéphanie viennent me chercher en ascenseur pour me conduire sur un étage de coworking futuriste comme dans le film Minority Report.

C’est ici que se trouvent les bureaux de Concertium, l’agence de spectacle où Stéphanie travaille comme directrice de projets (et agente artistique).

Ça fait un petit moment que je souhaite faire un reportage sur Thomas Levac. Je le suis depuis un moment et ses statuts Facebook quotidiens de plus en plus populaires (trois par jour depuis six ans) m’accrochent souvent un sourire dans la figure.

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Son podcast (pas celui que j’écoutais à vélo) roule sinon depuis juin 2019 et compte une centaine d’invités et non les moindres.

Mike Ward, Katherine Levac, Marc Brunet, Arnaud Soly, Martin Matte, Rosalie Vaillancourt, Louis T, les Denis Drolet etc. : tout le monde y est passé ou presque.

Mais ce qui est encore plus impressionnant, c’est qu’en pleine pandémie, alors que la plupart des esprits créatifs étaient engourdis par le languishing, Thomas et Stéphanie, qui forment un couple, ont décidé de sortir un nouveau podcast, le bien nommé Couple ouvert, qui a à ce jour une quarantaine d’invités au compteur (plusieurs reçus à celui de Thomas, mais bon, c’est un petit milieu quand même).

La table était enfin mise pour une rencontre à trois.

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D’emblée, le duo admet que le booking est vraiment un jeu d’enfant et ce depuis leur premier épisode avec le gérant d’artistes Michel Grenier (Mike Ward, Guillaume Wagner etc). « Ma blonde a tous les contacts, mais je passe souvent simplement via Instagram », souligne Thomas, calé dans le fauteuil d’une salle de conférence spacieuse.

« Je pense que les gens qui viennent au podcast voient qu’on est différents, qu’on s’accueille dans nos différences et qu’on aime aussi raconter des histoires sur nous-mêmes », renchérit Stéphanie.

Une des forces de leur podcast (et du podcast en général), c’est la longueur des entretiens (entre une heure trente et deux heures), permettant d’apprendre une foule d’anecdotes et de choses inédites sur les invités, et pas juste des affaires niaiseuses. Les animateurs se racontent aussi pas mal (par exemple le fétichisme de Thomas pour le sexting en message audio), ce qui dynamise les échanges.

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Un couple est né

Mais bon, l’objectif principal est évidemment de faire rire. Pas pour rien qu’on invite presque essentiellement des humoristes et pas des gens plates comme des dentistes ou – pire – des journalistes.

Thomas Levac raconte la genèse du projet conjugal.

« Couple ouvert est en fait une réponse à mon autre podcast. J’étais fatigué de faire ça tout seul, c’est très exigeant et pas toujours drôle. Je ne voulais pas devenir Josélito Michaud », avoue ce décrocheur finalement diplômé de l’École nationale de l’humour, qui aimait aussi sa dynamique avec ses invitées féminines.

Le casting n’a pas été trop compliqué. Stéphanie a fait de l’impro, étudié en théâtre, gravite dans le milieu de l’humour et a surmonté le syndrome de l’imposteur qui la freinait plus jeune.

À 34 ans, elle a déjà un enfant et une double relation avec Thomas (amoureuse et agente), pourquoi pas avoir un show en plus. « Je suis la fille la plus drôle que je connaisse », a-t-elle plaidé à son chum qui voulait son avis sur de potentielles partenaires de podcast, mais qui avait évidemment pensé à elle.

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La recette fonctionne et leur complicité s’entend. Fous rires sincères et contagieux, anecdotes conjugales à des années-lumière des proverbiales chicanes de couple, histoires d’ex.

La mayonnaise prend, on s’attache et on pardonne la trajectoire parfois broche à foin des épisodes.

« On ne se dit jamais: ça sera ça l’épisode! On le fabrique en chemin. J’ai commencé en télévision (En mode Salvail) où tout est planifié en avance. Là, on verra », explique Thomas, qui souhaitait au départ un concept où la « blonde de l’humoriste » est plus drôle que lui.

Ses vœux sont pas mal exaucés puisque Stéphanie tire admirablement son épingle du jeu, impressionne par sa répartie et nous accroche avec ses éclats de rire contagieux.

Et en coulisses? Le couple n’est pas en compétition et ne se pitche pas d’assiettes une fois rendu à la maison. « On se trouve bien drôle, on rit beaucoup, on s’aime », résume avec tendresse Stéphanie. De toute façon, renchérit Thomas, avec leurs nombreux projets en commun, les chicanes ne peuvent pas s’éterniser.

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Avec la popularité de leur podcast (30 000 écoutes par épisode en moyenne toutes plateformes confondues), le couple goûte à la reconnaissance. En pandémie, celle-ci s’exprime parfois de manière touchante. « Lundi, je jouais au basket au parc et une dame m’a dit: hey Thomas, merci d’avoir été là dernièrement Stef et toi, j’avais un moment tough », confie, touché, Thomas.

Stéphanie, elle, reçoit aussi son lot de bines sur l’épaule. « Une fille m’a dit: j’ai l’impression que vous êtes mes colocs tellement elle nous écoute. Je pense qu’on accompagne beaucoup de gens seuls, en télétravail ou travailleurs de nuit », souligne Stéphanie, flattée d’accompagner ces gens dans leur quotidien.

Thomas Levac se garde toutefois d’imputer son succès à la pandémie, même s’il s’est mis davantage sur la map durant cette période. Il constate plutôt des boums d’intérêt après la diffusion de l’épisode avec Martin Matte et lorsqu’il s’est mis à partager des extraits sur les réseaux sociaux. « Ma page Facebook a explosé quand j’ai mis un extrait de Roxane Bruneau sur son coming-out », souligne-t-il.

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« On peut rire de tout, sauf de moi »

Thomas Levac estime que le fait de coanimer avec sa blonde lui permet d’être plus corrosif. Comme si cette touche féminine à ses côtés l’empêchait de basculer vers le côté « André Arthur avec un gros nez » (il parle beaucoup de son gros nez by the way).

Mais attention, Stéphanie n’a pas la langue dans sa poche pour autant.

Elle a d’ailleurs récemment eu une sorte de beef virtuel avec Louis Morissette (pas la grosse controverse quand même) en marge de la sortie de son dernier film. « J’étais dans un Boston Pizza, ça ne s’invente pas, et j’ai tweeté: Chaque film de Louis Morissette : j’haïs ma famille et la meilleure amie de ma femme est tellement belle. Il m’avait répondu : Je t’invite à aller voir le film… Ma mère était partie dans un chalet et au retour, elle m’avait dit : Pourquoi tu te chicanes avec Louis Morissette! », raconte Stéphanie, qui assure avoir beaucoup de respect pour le principal intéressé. « On a beaucoup de facilité à rire de nous, mais on aime aussi beaucoup fesser par en haut. Louis Morissette, il est tellement grand, talentueux, c’est plus amusant », souligne-t-elle.

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Paradoxalement, Thomas aime se foutre de la gueule des gens ou de la collection de vêtements de Jay Du Temple, mais deal assez mal avec les critiques dirigées contre lui. « On peut rire de tout, sauf de moi », résume en riant Thomas Levac, ajoutant que la clé est de penser les énormités qu’on dit.

On sent dans le fatalisme des blagues et leur absurdité un humour satirique rappelant South Park, où on n’hésite pas à balancer tout le monde sous le train dans la bonne humeur.

« Moi je veux juste divertir. Tu ris, tant mieux, sinon tu peux aller ailleurs, c’est grand, Internet », résume Thomas.

« On ne fait pas de chroniques ou d’éditoriaux, c’est un podcast humoristique. L’humour est censé être fait pour dédramatiser », précise Stéphanie. « Ce qui nous dédouane, c’est qu’on n’a souvent pas la même opinion, mais on respecte nos processus intellectuels et on n’essaie pas de faire changer nos idées », ajoute Thomas.

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Le privilège d’être choisi

Sans s’étendre sur les chiffres, les podcasts génèrent suffisamment d’argent pour permettre à Thomas d’en vivre.

Ses sources de revenus proviennent de la plateforme payante Patreon (qui propose le contenu en primeur), la publicité sur YouTube et les commanditaires. C’est sans compter les spectacles en présentiel qui ont commencé à rouler, même si ça ne représente qu’une infime portion des revenus. « Je suis beaucoup plus libre dans mes stand-up, je gagne ma vie, donc ça m’enlève de la pression. Il y a deux ans, il fallait être booké en spectacle », raconte Thomas.

Il tire d’ailleurs une grande fierté de cette façon très contemporaine d’exercer son métier. « Quiconque nous écoute et nous regarde nous a choisi, nous a “cliqué dessus”. À la radio ou à la télé, on nous impose encore des choix. Si au contraire tu ne veux pas me voir, tu me bloques et je disparais de ta vie. C’est ça la plus grande liberté d’Internet », affirme l’humoriste.

Le couple adore l’idée qu’avec le web, il y a de la place pour tous et qu’on sort de la logique télévisuelle ou radiophonique de parts de marché.

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L’arrivée de nouveaux joueurs est même une bonne chose, croit Thomas. « On s’additionne et on s’aide. Ça me fait plaisir de voir un François Bellefeuille arriver avec son podcast », souligne l’humoriste, qui a lui-même commencé à faire le sien grâce à Mike Ward, qu’il considère comme un mentor. « Chaque fois que je le croisais, il me demandait: pis? As-tu sorti ton podcast? Puis, il repartait. J’ai voulu le faire pour pouvoir lui parler d’autre chose.»

NON, ce n’est pas un vrai couple ouvert

Avec un titre comme Couple ouvert, on s’attend évidemment à parler un peu de sexualité, d’abord en posant la plus évidente des questions.

Eh non, le duo n’est pas un vrai de vrai couple ouvert « On en parle de façon amusante et non pédagogique. Ça fait du bien de parler de ça en rigolant avec toutes les histoires d’horreurs entendues dans ce milieu », souligne Stéphanie.

Le couple se tient d’ailleurs à bonne distance des scandales qui ont éclaboussé l’industrie de l’humour, sans se défiler pour autant.

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« Nos épisodes durent longtemps. Quand c’est le temps de rire, on rit. Si quelqu’un parle d’agressions sexuelles, on lève le pied sur l’humour et on écoute », assure Thomas.

Stef, elle, a une position bien claire sur le sujet : « N’agressez pas vos collègues.»

Si les grosses pointures défilent à leur micro et répondent parfois même « enfin! » en recevant leur faire-part, le couple aime aussi recevoir des gens inconnus ou presque. « Je ne me suis jamais infligé un artiste avec lequel j’ai pas envie de m’asseoir. On aimerait que Couple ouvert devienne un passage obligé pour des artistes, au même titre que des émissions de radio et de télé », souligne sérieusement Thomas.

Si leur tableau de chasse est déjà bien garni, Stéphanie aimerait bien recevoir Sugar Sammy, André Sauvé ou Mariah Carey.

De son côté, Thomas aimerait vraiment faire la tendresse avec Ginette Reno.

J’abandonne les animateurs après une laborieuse séance photos prises avec mon iPhone, avec cette impression qu’on a pas fini d’entendre parler du duo.

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Ça me fait presque plaisir de payer 128$ de contravention à cause d’eux.