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Il n’y a pas grand-arme qui accote la créativité des étudiants.
Vous êtes une entreprise de vélos en libre-service. Vous vous levez un matin et plus de la moitié de votre flotte a été vandalisée. Un faux communiqué a été émis sur un site reproduisant en touts points votre image de marque. C’est à s’y méprendre, tellement que des médias d’information relaient la bonne nouvelle : la poésie circulera dorénavant librement sur vos vélos, à la place de la publicité qui vous rapportait des revenus. Que faites-vous?
Pour de vrai, vous êtes fourré.
La réaction traditionnelle, c’est d’émettre un communiqué clarifiant qu’il s’agit d’un canular dont vous avez été victime, d’envoyer une escouade nettoyer tout ça, puis de poursuivre les petits vlimeux qui ont fait ça.
Le problème, c’est que la nouvelle a déjà eu le temps de faire le tour d’Internet, et votre clientèle, elle, trouvait que c’était franchement une bonne idée, la poésie sur les Bixi. Mais pire, toute une bande de jeunes vous dit que vous avez mal réagi sur les réseaux sociaux. Que vous auriez dû tirer profit de cette histoire au lieu de réagir par la défensive.
«Mais que voulaient-ils que je fasse?», vous demandez-vous. «On n’est quand même pas pour laisser gagner les pirates! C’est bien beau la poésie, mais on a besoin de cet argent-là». Vous ne vous retrouvez pas en gestion de crise, mais en gestion de crise 2.0.
Et le 2.0, les jeunes le maîtrisent beaucoup mieux que n’importe quel chef d’entreprise (sauf, mettons, Mark Zuckerberg) ou que n’importe quel gouvernement.
On a dit toutes sortes de choses sur la grève étudiante, et surtout sur les étudiants. On a dit qu’ils étaient éloquents, qu’ils savaient se tenir debout, qu’ils nous rappelaient ce qu’est une démocratie. Ils nous donnent aussi des leçons de créativité je trouve.
Pendant qu’ils produisent un lip dub viral, le gouvernement se paie une pub radio traditionnelle faisant la propagande promotion de son offre aux étudiants. Pendant qu’ils hackent le site du Ministère de l’Éducation et envoient des messages en rafale à Line Beauchamp, par courriel, par fax, par téléphone, par pagette, le gouvernement tente de ne pas capoter. Pendant qu’ils produisent massivement des mèmes se moquant de Charest et Beauchamp, le gouvernement se demande «c’est quoi un mème?». Pendant que le gouvernement accuse les manifestants d’être violents, les étudiants marchent en silence avec des chandelles. C’est beau.
Bon, c’est sûr, il y a aussi chez les manifestants des partisans d’une approche plus traditionnelle : casser des vitres et lancer de la peinture. La vieille école, quoi. Mais ce que l’on retiendra surtout de ce printemps érable, c’est que pour une fois, les jeunes maîtrisent mieux les canaux de communications que les générations qui les précèdent.
Hier soir, Michel Philibert, le directeur des communications et du marketing chez Bixi admettait sur Facebook qu’il avait été impressionné par l’ampleur de l’opération vandale et avait même apprécié quelques citations. Il invite les utilisateurs de Bixi à lui faire part de leurs citations préférées. Voilà un homme qui a compris que la grande entreprise ne se battait plus à arme égale contre les petits chenapans. À moins que son compte n’ait été hacké.