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À 1000 pieds dans les airs avec un pilote de brousse

On a jasé avec Simon Contant, le protagoniste de la série documentaire « Pilotes de brousse », là où il est le plus à l’aise.

Par
Benoît Lelièvre
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Simon Contant en a beaucoup sur les bras par les temps qui courent.

Il est devenu papa pour la deuxième fois le 6 janvier dernier, il est la vedette d’une série documentaire et mercredi dernier (la journée où on devait s’envoler avec lui), il s’est fait voler sa voiture pour la deuxième fois en 2025.

Gardez l’œil ouvert pour un VUS GMC Arcadia, il offre une récompense. Les voleurs sont également partis avec ses deux sièges de bébé et il se passerait bien d’avoir à tout racheter.

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Rien toutefois pour l’empêcher de nous offrir une balade en avion cet après-midi, parce qu’il est un homme de parole et, surtout, parce que c’est ce qu’il fait le mieux.

On peut voir Simon dans la série Pilotes de brousse, qui lève le voile sur les enjeux et les secrets de son métier. On y voit Simon et son équipe visiter plusieurs communautés éloignées comme celles de Chisasibi et Mistissini et on y découvre les multiples facettes de ce métier qui ne consiste pas simplement à piloter des avions.

Quel meilleur moyen de comprendre les enjeux et secrets du métier que de monter dans les airs avec le principal intéressé? Ce que je ne ferais pas pour vous amener ailleurs™.

Crédit : Raffaella Szilagyi
Crédit : Raffaella Szilagyi
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Terreur en haute altitude

L’aérogare d’Air Tunilik est jonchée d’un nombre à peu près égal d’aéronefs fonctionnels et de carcasses aux couleurs disparates. « On refait chaque avion pièce par pièce à des intervalles précis. Après un certain nombre de miles parcourus ou après un certain nombre d’années, dépendamment du modèle », m’explique Simon Contant pendant l’inspection de l’appareil.

Même si les circonstances le boudent, Simon est exactement le genre de personne qu’on souhaite avoir comme pilote d’avion. Pragmatique, taciturne, mais passionné par son métier, il s’exprime en termes clairs et pratico-pratiques. Il rôde autour de son avion avec l’aisance et la confiance d’un papa qui nettoie son auto par un samedi matin ensoleillé.

Crédit: Raffaella Szilagyi
Crédit: Raffaella Szilagyi
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« C’est important de tester chaque fonctionnalité de l’avion avant de partir », explique-t-il, assis dans le siège du pilote, en tirant une manivelle dont j’ignore l’usage.

« Tu veux pas être rendu dans le ciel pis te rendre compte que ça marche pas. »

C’est pas non plus le genre de besogne dont l’intelligence artificielle peut s’occuper. La technologie de l’avion Otter C-ZAFX à bord duquel nous nous apprêtons à grimper date des années 1960. Tout y est analogue. Le tableau de bord est truffé de cadrans et de jauges dont seul Simon comprend le sens. Par chance pour nous, rien ne semble l’inquiéter. « L’huile s’en vient à la bonne température, ça sera pas trop long. Une journée comme aujourd’hui, on n’a pas le choix de faire préchauffer les systèmes. »

Avant même que j’aie le temps de paniquer, on s’élance dans les airs. La piste de décollage/atterrissage a beau faire 2 000 pieds de long, Simon n’a même pas besoin d’en faire la moitié avant de prendre d’assaut le ciel. On quitte Laval par la voie des airs et on se retrouve au-dessus de Rivière-des-Prairies pour admirer la grande région métropolitaine à vol d’oiseau. J’aimerais bien vous dire que j’ai eu une épiphanie sur la fragilité de notre écosystème et la petitesse de notre rôle dans l’univers, mais j’étais beaucoup trop terrifié pour réfléchir.

Crédit : Raffaella Szilagyi
Crédit : Raffaella Szilagyi
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« Là-bas, c’est la Rivière-des-Mille-Îles. Avant, je me posais dessus en skis avec cet avion quand ça gelait l’hiver, mais ça doit faire au moins cinq ans que ce n’est plus possible », déplore mon conducteur, gérant son appareil tel un camionneur chevronné.

Simon me confie qu’il songe à vendre son avion. Il a d’ailleurs reçu une offre d’un homme d’affaires en Alaska.

« C’est pas de l’aviation de brousse qu’il va faire avec ça. Il va embarquer des vacanciers en bateau et les emmener faire de petites balades ici et là. Moi aussi, j’vais peut-être avoir à faire ça éventuellement si je veux passer à travers les prochaines années », raconte l’entrepreneur.

Crédit : Raffaella Szilagyi
Crédit : Raffaella Szilagyi
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Les coureurs des bois du ciel

Un aviateur de brousse, c’est un pilote d’avion qui fait le lien avec les communautés inaccessibles par les voies terrestres, soit celles situées dans le Nord-du-Québec. Leur rôle est de transporter des gens, mais aussi des victuailles et des matériaux de toutes sortes.

Simon Contant est propriétaire de Air Tunilik depuis 2014, mais il prend l’avion depuis toujours. « Mon père faisait de l’aviation de brousse dans les années 1970. J’ai fait mon premier vol à l’âge de deux ou trois semaines environ », raconte Simon.

Crédit : Raffaella Szilagyi
Crédit : Raffaella Szilagyi
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Si la nécessité de l’aviation de brousse peut sembler abstraite pour le commun des mortels, Simon m’explique qu’il en va de l’accessibilité du territoire. « Il y a plein d’endroits plus reculés où il n’y a aucun incitatif économique à construire un chemin routier, mais année après année je ferme quand même des points de service. J’en avais une vingtaine au départ et maintenant il ne m’en reste que huit », précise-t-il.

Il m’explique qu’à l’époque, le réseau routier du Québec était beaucoup moins développé qu’aujourd’hui et qu’il fallait recourir aux services d’aviateurs de brousse pour se rendre à des endroits comme Mont-Tremblant. D’ailleurs, c’est peut-être pour cette raison que les gens appellent encore ça « avoir un chalet dans l’Nord ».

Les besoins pour l’aviation de brousse diminuent d’année en année, et ce, pour un paquet de raisons. « La chasse au caribou est devenue illégale au Québec en 2018 et c’était notre principale source de revenus. J’ai donc fermé Air Tunilik en 2019, mais ça n’a duré qu’environ trois semaines. Air Saguenay a fermé ses portes en même temps que moi. C’était la grosse compagnie qui desservait tout le Québec, alors j’ai racheté leurs actifs et je suis reparti », explique l’entrepreneur de 35 ans.

Vous l’aurez peut-être deviné, mais les changements climatiques affectent beaucoup le travail de Simon.

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Ça fait quelques années qu’il tente une collaboration avec la nation Crie pour la saison de la chasse, mais chaque fois, il doit faire une croix sur le projet à cause des conditions climatiques.

Crédit : Raffaella Szilagyi
Crédit : Raffaella Szilagyi

Alors que nous sommes toujours dans les airs, Simon interrompt notre conversation pour me demander si je veux conduire. Le moment étant sans doute mal choisi pour lui révéler que j’ai jamais possédé de permis de conduire, j’agrippe le gouvernail (qui n’est pas un manche à balai, mais plutôt une sorte de volant en forme de W) à deux mains et écoute attentivement les instructions de Simon. « Tourne à gauche », lance le pilote.

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Bien sûr, je tourne à droite. La réactivité de l’avion est impressionnante, j’ai l’impression de conduire une auto tamponneuse. Simon éclate de rire et reprend le contrôle de l’appareil en m’assurant que c’était pas grave.

Une chance, parce que s’il avait eu un malaise, on se serait ramassés quelque part en Ontario.

Après une balade autour de l’île de Montréal d’environ quarante minutes, Simon fait atterrir son appareil exactement là où il s’était envolé, quelques instants plus tôt. Même si ça a beaucoup moins brassé que ce à quoi on m’avait préparé, ma photographe Raffaella et moi retrouvons la terre ferme avec la peau verdâtre, un mal de cœur carabiné, mais l’esprit rempli de beaux souvenirs.

Si ça vous intéresse d’en apprendre plus sur l’univers de Simon, Pilotes de brousse est diffusé sur les ondes de Télé-Québec le jeudi à 20h et est disponible en rattrapage sur leur site web.

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Si vous aimez les voyages et les road-trips, tout un pan du territoire québécois attend encore d’être découvert et votre intérêt sera peut-être crucial au fil des prochaines années pour qu’il demeure accessible.

Un petit voyage en avion de brousse, ça vous tente?