Qui aurait prédit que 2018 allait plus ou moins être l’année du troll rap? C’est le genre de détour surprenant que prend sans cesse la grande Histoire de la musique qui nous rappelle que l’humanité créative a sans cesse de quoi nous étonner.
Par contre, en ce début d’année 2019, les dés ne sont pas encore vraiment jetés. Si le web regorge de prédictions at large sur l’industrie de la musique, on ne peut pas en dire autant sur les genres plus spécifiques qui marqueront notre imaginaire au cours des prochains mois. En suivant de près les microtendances musicales et les phénomènes de sociétés, c’est cependant possible d’arriver à certaines conclusions avec plus de précision. Par exemple, 2019 ne sera PAS l’année du come-back de la Macarena. Outre cette conclusion risquée, voici d’autres pistes à suivre.
Le juke 8-bit japonais à la conquête du monde
Il y a de ces genres qui font fureur depuis déjà longtemps au sein de certaines communautés sans ne jamais avoir trouvé de véritable tremplin mainstream. C’est le cas du juke et du footwork, évolutions dégourdies et électrisantes du house et du drum and bass caractérisées par un tempo avoisinant les 160 pulsations par minute, des boîtes à rythme à la bonne franquette et une pléthore d’échantillons découpés plus serrés que les coupons rabais de ma tante Gisèle.
Depuis la fin des années 90, mais surtout à partir du début des années 2010, les pieds se font aller dans les hangars et usines désaffectés d’un Chicago qui a vu le genre venir au monde avant de propager le son partout sur la planète. Depuis, la scène nippone est particulièrement agitée par le mouvement et y contribue en faisant preuve d’une inventivité digne de Léonard de Vinci.
En 2018, le chiptune fait son entrée dans l’équation tel Godzilla dans les rues de Tokyo. Gnyonpix lance un EP qui sonne vaguement comme une game de Megaman sur le dancefloor. Par un étrange concours de circonstances, la musique de jeu vidéo made in Japan est en train de vivre un retour en force ces dernières années. La revanche des geeks qui s’effectue depuis le début du millénaire se combine à la vitalité sans cesse renouvelée de la musique dance pour attiser un feu nouveau. Ma prédiction : ça s’en vient direct sur nous autres, cette affaire-là.
Du extratone à 1000 bpm : gare au speedcore
En 2019, il est fort à parier que le speedcore deviendra un genre acceptable pour monsieur-madame tout le monde. Cette branche hyperrapide de l’électro fait résonner les tympans de fans consentants depuis le milieu des années 90. Si « pas écoutable » sont les premiers mots qui vous viennent en tête après avoir cliqué sur ce lien, je tiens à mentionner que ce sont aussi les premiers mots qui me sont venus en tête à ma première écoute de cette chanson de J Balvin écoutée plus de 2 milliards de fois sur YouTube.
Il semblerait que cette année en soit une de tous les possibles. Rien de tel que les 10 000 pulsations par minute qu’atteint parfois l’extratone pour donner le ton. Avec des pseudos d’artistes tels que Cornhole Crucifixion et Skat Injector, des textures râpeuses qui semble gratter le fond des oreilles et une approche aux abords de l’art conceptuel, le genre a tout pour plaire au même public cible que, disons, le dernier festival Juste pour rire? Ouin, à peu près.
Les plantes à l’écoute
Quiconque s’est égaré dans les méandres de YouTube au cours des trois dernières années est sans doute tombé sur ce bijou du Néo-Brunswickois Mort Garson, produit au milieu des années 70. On parle ici d’un vieux classique oublié dédié à nos amies vertes, remis au goût du jour par le web 2.0 et beaucoup, beaucoup de procrastination.
Bien qu’on la croyait en jachère, la musique pour les plantes n’est jamais vraiment passée mode et s’apprête à reconquérir nos pots en terre cuite. Avec la récente légalisation du pot, les pouvoirs de la musique deviennent soudainement très intéressants pour les agriculteurs. Des artistes attentionnés de la trempe de Brendan Wells et Katie Shlon composent sans aucun doute avec le pouce vert, mais aussi avec beaucoup de talent et d’affabilité.
Sans être moi-même un pothos ou un oxalis pourpre, j’éprouve tout de même un fulgurant plaisir au contact de leur musique. Avec leur conscience environnementale allumée par l’urgence d’agir, gageons que les signataires du Pacte risquent de se partager à foison des playlists de chansons pour plantes au cours de 2019.
La musique de film sur la musique, ça vous dit quelque chose?
Bohemian Rhapsody et A Star Is Born ont été deux gros incontournables cinématographiques en 2018, tout comme leur trame sonore respective. Sans appartenir à une esthétique particulière, il est impossible de ne pas voir un certain tronc culturel commun dans le retour des chansons de Queen au sommet des palmarès de streaming et la popularité de Shallow, la ballade en duo de Lady Gaga et Bradley Cooper. 2019 nous prépare un film sur Mötley Crüe, une version cinématographique de Cats, et Dieu sait quel autre blockbuster qui pourrait marquer à jamais notre choix de refrains à chanter à tue-tête dans les embouteillages. La musique de film sur la musique? Une entité en soi qui est là pour rester et risque de frapper fort dans les mois à venir.
Et au Québec? Tout pointe vers le glam-rap
Vous rappelez-vous de Yes Mccan? Alias utilisé par l’acteur Jean-François Ruel à une époque éloignée, le nom a connu ses lettres de noblesse alors que l’artiste faisait valoir son talent dans un collectif intitulé Dead Obies. C’est lointain dans ma mémoire, mais si je me rappelle bien, les Dead Obies auraient mis le franglais sur la carte au Québec, quelque part au milieu des années 2010.
Quelque chose me dit que la collaboration entre Yes et Hubert Lenoir, ébruitée du bout des lèvres par les deux artistes l’année dernière, va frapper dans le mille en comblant un vide sur la scène québécoise. Une part de rap léché aux rimes choisies avec soin et aux grillz fraîchement polis, une part de glam éclaté et fougueux à en déchirer son coat en faux-cuir, et nous voilà en présence d’un nouveau genre, 100% fleurdelisé, prêt à frapper la province comme un tsunami de fromage en grains.