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Lorsque le couple de caucasiens descendit du bus sur le bord du chemin boueux à Ramal, il constata avec une surprise modérée qu’aucun moyen de transport ne se trouvait sur place pour les amener à Cachora, situé 16 kilomètres plus loin, en contrebas.
La femme au terminal de Cuzco leur avait pourtant assuré qu’il se trouverait à cet embranchement précis des taxis et des bus. Mais comment lui en vouloir ? Elle aura facilement pu confondre la vieille dame y vendant du maïs avec un autobus voyageur.
– On fait tu du pouce ?
– Ouin… Quelqu’un va sûrement finir par passer…
Ce fut plutôt le temps qui finit par passer, et bien sûr il les doubla sans même regarder derrière.
Face à cette impasse, le couple s’affaira à trouver une solution. L’option de descendre par la route en zigzag de 16 kilomètres ayant été rapidement écartée, il décida donc de piquer en ligne droite à travers les champs abruptes en suivant la ligne électrique, qui devait nécessairement mener au village. Une heure et demie, deux averses et quatre lamas plus tard, le couple arriva effectivement à la bourgade de Cachora.
Enfin, leur plan pouvait se mettre en branle : trouver l’hospedaje Los Tres Balcones où quelqu’un les aiderait à trouver un guide fiable et une mule pour partir vers Choquequirao le lendemain matin. Comme il n’existe aucune carte du village, le couple tergiversa quelques temps avant d’enfin trouver les trois balcons en question, trônant fièrement au deuxième étage d’un immeuble… désert. Voyant s’effondrer tout ce sur quoi il était fondé, le plan du couple profita d’un bref moment d’inattention pour disparaître.
– Qu’est-ce qu’on fait ?
– …
Dieu, qui se trouvait lui aussi à Cachora cet après-midi là, mit sur leur chemin Mama Queta, une tenancière d’hospedaje caractérielle d’une soixantaine d’années et d’une cinquantaine de pouces. Cette femme d’action mène sa vie selon trois principes très clairement définis. Le premier consiste à ne jamais s’exprimer autrement qu’en criant. Le deuxième, à ne jamais laisser son interlocuteur terminer ce qu’il a à dire. Et finalement, à être terriblement efficace pour organiser une expédition.
– Bonjour, on cherche une ch…
– ICI UNE PETITE CHAMBRE PAPI. UNE PETITE CHAMBRE, SANS PLUS.
– On cherche aussi un guide qui s’appelle Clim…
– CLIMACO PEREZ ! IL SERA ICI À 5 PETITES HEURES. À 5 PETITES HEURES, SANS PLUS.
– ON VEUT AUSSI… Pardon. On veut aussi une tente et une m…
– OUI UNE PETITE TENTE ET UNE PETITE MULE PAPI. UNE PETITE TENTE ET UNE PETITE MULE, SANS PLUS.
– Pour demain m…
– BIEN SÛR POUR LE PETIT MATIN. POUR LE PETIT MATIN, SANS PLUS. DÉPÊCHONS! DÉPÊCHONS !
Et c’est ainsi qu’à la tombée de la nuit, grâce à la très colorée Mama Queta, le couple de caucasien était fin prêt pour le lendemain avec un guide, une mule, une tente et les vivres nécessaires pour l’expédition.
Certains diront que le guide était ivre et qu’il cuisinait comme un gardien de prison, que la mule était instable mentalement ou encore que la tente n’était pas imperm…
– ASSEZ PAPI. ASSEZ. LA PETITE HISTOIRE EST FINIE. ELLE EST FINIE, SANS PLUS.
Fin