.png)
Manille, ça craint un peu. Comme toute grande ville avec pas mal de pauvreté, une vague odeur de crime flotte dans l’air. C’est pas la fin du monde, mais disons que c’est pas la ville que je choisirais pour une promenade solitaire au clair de lune. Ni pour travailler de soir dans un dépanneur.
Terminal de bus de Manille. Il est tard, on arrive de Sagada. On repère le seul hôtel listé dans notre guide qui entre dans notre budget et on attrape un taxi.
Le chauffeur, qui parle un peu d’anglais, nous fait la conversation. Il nous demande d’où nous arrivons. Quand on lui dit qu’on arrive de Sagada, il sursaute. On lui demande s ’il y est déjà allé. Non-non-non ! répond-il avec empressement. Après quelques secondes de silence, il nous demande Mais vous n’aviez pas peur de vous promener là-bas ?
Sagada est un petit village de mille habitants où tout le monde se connaît. À neuf heures du soir chacun est bien sagement rentré à la maison et le taux de criminalité du village avoisine probablement celui de l’ensemble des Résidences Soleil dans une bonne année. Mettons que la terreur n’est pas le premier sentiment inspiré par l’endroit.
Quand on répond au chauffeur que non, nous n’avions pas peur, il nous regarde en secouant la tête comme si nous étions soit des trompe-la-mort, soit totalement inconscients. Il est catégorique, jamais il n’oserait s’aventurer là-bas, es-tu malade toi. Il tient à sa vie plus que ça. Tout ce qui est loin de Manille est à ses yeux automatiquement dangereux, le niveau de menace augmentant avec les kilomètres. Il a grandi à Manille et ici, il est en sécurité.
On a un peu eu le goût de lui faire remarquer qu’être chauffeur de taxi à Manille est probablement soixante-treize mille fois plus dangereux que de se promener à Sagada en pleine nuit avec un jacket en diamants, mais bon. On n’a pas voulu péter sa bulle.
Visiblement, un danger connu sera toujours moins inquiétant que l’inconnu, aussi inoffensif soit-il.