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Toujours dans la catégorie Les-affaires-que-je-tiens-pour-acquis-dans-la-vie (sous-catégorie Se-nourrir), Voir-ce-que-je-mange n’avait été ébranlé que par l’existence du restaurant O.Noir.
Dans cet établissement où ce sont des aveugles qui assurent le service, on propose une expérience de repas dans l’obscurité complète. Disons qu’on a eu droit à la version plus… hum… comment dire… champêtre? rustique? spartiate? du concept pendant une semaine.
Pendant notre dernière randonnée, la tente en ruine n’était, semblerait-il, pas la seule économie de bouts de chandelles qui avait été faite. Lesdits bouts de chandelles eux-mêmes avait été jugés superflus. C’est donc assis par terre dans une tente, où la seule lumière ambiante était la faible lueur bleutée du petit poêle au gaz, que nous partagions les repas que notre guide – individu, soit-dit en passant, à l’air louche et aux yeux injectés de sang – nous avait préparés.
Ça peut sembler banal, mais voir ce qu’on mange, surtout quand c’est un repris de justice qui l’a concocté, ça a quelque chose de rassurant. Tenter de déterminer du bout de la dent si ce qu’on vient d’attraper est un morceau de gras ou un œil, un ongle ou un une tige de thym et bien, c’est un jeu qui ne met pas particulièrement en appétit. Les soirées au goulag ne devaient pas être beaucoup plus glauques.
Quand enfin, la dernière journée, on a dormi dans une espèce d’auberge au look hésitant entre la piquerie et le bordel désaffecté et qu’une ampoule nue trônait au-dessus de la table, on était comme deux enfants hyperactifs, le matin de Noël : De la lumière ! Malade ! Tu te rends compte? Non mais tu te rends compte !
Comme quoi ça fait du bien d’apprécier à nouveau ce qu’on tenait pour acquis.
Mais ça fait surtout du bien de le retrouver.