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360 jours autour du globe: Les séismes

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Mine de rien, au Canada, la nature est pas super hostile.

Oui, nos hivers peuvent être une source de traumatisme pour un Haïtien nouvellement débarqué, mais le phénomène étant attendu et prévisible, il n’y a rien là qu’une tuque, des mitaines et un peu de déni ne peuvent régler. Bref, rien de vraiment menaçant ne fait partie de notre quotidien et notre système d’alarme interne face à l’adversité est, par conséquent, pas mal au neutre. Tout simplement parce qu’après trente ans sans incident, n’importe quel gardien de sécurité dormirait un peu au gaz.

C’est quand on visite des coins du monde un peu plus éprouvés par les éléments qu’on réalise pleinement notre inaptitude à reconnaître le danger avec la promptitude d’une sentinelle sur les amphétamines. On en est à notre quatrième tremblement de terre digne de ce nom depuis l’Inde (sans compter les secousses plus légères) et on peine encore à développer des réactions un peu vraisemblables face à la chose.

* * *
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La première fois, on était au quatrième étage d’un hôtel de Delhi. L’immeuble s’est mis à tanguer, un peu comme une chaloupe, pendant une bonne minute :

– Kessé ça ?

– Je sais pas, c’est donc ben weird.

– C’est tu comme un tremblement de terre ?

– Ben, je pense pas… Y a pas de bruit. Me semble que ça ferait du bruit. En tout cas, dans les films, ça fait du bruit.

– Faut tu se mettre dans le cadre de porte ou queq’chose ?

– Ben non !

– …

– Sérieux ?

*

La deuxième fois que c’est arrivé, nous étions encore en hauteur, au cinquième étage d’un immeuble de Darjeeling. Le même phénomène s’est produit, notre auberge s’est mise à valser en silence pendant une trentaine de secondes :

– Kessé ça ?

– Je sais pas, c’est donc ben weird.

– C’est tu comme un tremblement de terre ?

– Ben, je pense pas…

– C’est comme la fois à Delhi, on dirait.

Comme dans les deux situations, on était seuls, nous et notre inexpérience en la matière, c’est finalement l’Internet qui nous apprendra la vie. On comprendra que ce qu’on venait de ressentir à Darjeeling était bel et bien un tremblement de terre qui avait créé une panique générale à Kolkata, que l’alerte au tsunami avait été donnée sur les côtes et que, bref, si on avait eu un tant soit peu d’expérience dans le domaine, on aurait dû avoir au moins un peu la chienne. Faisant le rapprochement entre ce qui venait de se passer et notre première expérience à Delhi (on est néophytes, pas caves), on a un peu fouillé et, effectivement, un tremblement de terre avait secoué Delhi pendant notre séjour. Les tubes d’Internet nous apprirent que les gens, paniqués, étaient sortis en catastrophe des immeubles alors que nous dissertions, bienheureux, de la nature de l’étrange phénomène en train de se produire, dans le confort de notre chambre. Eh ben.

*
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La troisième fois, quand notre chambre à Sagada s’est mise à voguer sur des vagues imaginaires – toujours dans un silence complet – fiers de notre nouvelle expertise en la matière, on a affirmé sans la moindre hésitation :

– Tremblement de terre !

Et on avait raison. Voilà. Nous étions devenus des pros. Richter serait fier de nous.

*

Quand quelques jours plus tard, une énorme et unique secousse s’est produite dans un immense fracas, on s’est trouvés perplexes devant ce nouveau phénomène. On a cherché une explication : c’était sûrement la pelle mécanique qui creuse juste en bas qui avait frappé notre auberge. C’était comme si quelque chose venait d’entrer en collision brutale avec la bâtisse… Rien à voir avec le lent tangage qu’on avait expérimenté les autres fois. Et le bruit ! Un vrai coup de tonnerre. C’est sûr que quelque chose nous est rentré dedans. Pis ça s’est passé tellement vite…

*

Deux jours plus tard, quand notre serveur nous a demandé où on était pendant le tremblement de terre, on a – avouons-le – un peu eu l’air de deux demeurés quand on lui a demandé :

– Quel tremblement de terre ?

– Euh… Le GROS tremblement de terre d’avant-hier…

– Oh…

– Vous l’avez pas senti ???

– Ben oui, mais euh… on pensait que c’était la pépine… (malaise)

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À voir son regard qui sous-entendait Calvaire, sont donc ben limités, les Canadiens, on a compris que notre éducation sismique n’était peut-être pas exactement au top comme on l’avait pensé. Ceci dit, on ne tient pas à la parfaire plus que ça. J’ai failli faire une crise cardiaque, pensant que c’était la pépine, alors un tremblement de terre, vous imaginez…