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Un an, c’est long. Il peut s’en passer, des affaires, en douze mois. Le Pérou, la Bolivie, l’Équateur, l’Espagne, l’Inde, la Thaïlande, les Philippines, le Cambodge…
Les images, les saveurs, les musiques et les parfums se bousculent dans nos têtes. Tellement qu’on a peine à croire que tout ça a pu rentrer dans une seule petite année de rien du tout. Mais quand on se fait dire Déjà ? Me semble que vous venez juste de partir ! à l’annonce de notre retour imminent, on réalise aussi qu’un an, c’est normalement vite passé dans une vie.
À l’université, un professeur de l’École de design que j’aimais beaucoup avait un jour dit, dans une envolée philosophique s’étant éloignée du Bauhaus, quelque chose qui avait fait sursauter la naïve jouvencelle que j’étais. Il parlait, avec une pointe de condescendance avouons-le, des gens qui se plaignent que la vie passe trop vite. Il affirmait qu’ils avaient cette impression tout simplement parce qu’ils ne faisaient rien. Que quand on a une vie bien remplie, eh bien désolé, mais ça ne passe pas si vite que ça.
C’est drôle parce que mon amoureux – avec qui j’ai étudié – se souvenait lui aussi de cette affirmation qui l’avait lui aussi agacé à l’époque : Ben voyons, vieux débile, c’est complètement le contraire. Ça passe ben plus vite quand on fait quelque chose que quand on fait rien ! Je dois avouer que je me disais exactement la même chose. Dans des termes légèrement plus polis.
Dix ans plus tard, nous comprenons enfin ce que ce professeur voulait dire et lui donnons, rétrospectivement, entièrement raison. C’est vrai qu’un après-midi occupé passe plus vite qu’un après-midi à ne rien faire. Mais les années passées à faire la même chose, jour après jour, se fondent les unes dans les autres pour ne devenir qu’une masse lisse sur laquelle l’esprit ne peut s’accrocher à aucune aspérité. Le temps s’écrase alors en un condensé de routine. La même semaine qui se répète à l’infini ne laisse que le souvenir unifié de toutes ces semaines identiques.
On réalise présentement la vérité de la chose à sa pleine mesure. Dans la dernière année, on dirait que le temps a repris ses droits pour englober une quantité d’évènements beaucoup plus importante qu’à son habitude. J’ai l’impression d’avoir accumulé en douze mois de voyage autant de souvenirs que je ne l’aurais fait en trois ans à la maison. Si ce n’est pas cinq.
Comme quoi c’est toujours un peu chiant de se faire dire Tu comprendras plus tard, mais il reste que c’est parfois vrai.
Nos hommages, M. Bochud.