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3 choses que vous ne saviez pas sur le parc La Fontaine
Plus facile d’accès à pied que le mont Royal, le parc La Fontaine est l’un des meilleurs endroits à Montréal pour lire un livre sous un arbre, manger une poutine en gang l’été et prendre des photos des arbres dans la brume l’hiver.
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1. Il a déjà été plus funkay que maintenant
En ce moment, le parc La Fontaine est très beau, mais il est aussi pas mal clean cut. Il ne faudrait pas oublier que ce terrain a connu des époques plus… étonnantes.
Mais ce qui a probablement le plus marqué les esprits, c’est le réaménagement du parc dans les années 50 avec le fameux Jardin des merveilles.
D’abord, la romantique : peu après son aménagement, le parc a abrité de grandes serres où on cultivait toutes les fleurs qui décoraient les squares de Montréal, une résidence pour le gardien de parc (M. Bernadet, qui a habité l’endroit pendant 60 ans avec sa famille) et une piste de course entourait le parc pour les promenades des chevaux.
On y trouvait aussi un jardin zoologique (avec quand même des ours noirs et des renards), et on pouvait louer des barques pour se promener sur l’étang, activité populaire à un point tel qu’on aurait pu jouer au canots tamponneurs.
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Mais ce qui a probablement le plus marqué les esprits, c’est le réaménagement du parc dans les années 50 avec le fameux Jardin des merveilles. On y trouvait des installations hétéroclites (genre Humpty-Dumpty côtoie l’Arche de Noé), et des animaux. On est loin de la fermette traditionnelle : y avait carrément un éléphant.
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Malheureusement, le Jardin a été détruit en 1988. Après, un concours international de châteaux de sable s’y est quand même tenu pendant une dizaine d’années, avant que son financement soit coupé en 2004. L’événement était sur le point de déménager de toute façon, parce que les résidents des alentours se plaignaient du volume trop élevé de la musique lors du concours. Vous l’avez deviné : l’époque insouciante du parc La Fontaine venait de toucher à sa fin.
On croyait que la beauté des lieux inspirerait aux gens des comportements responsables. Belle naïveté.
2. Il y a toujours eu des chicanes au parc La Fontaine
Là, on vient de parler de la fois où des résidents du Plateau ont gâché le plaisir de dizaines de milliers de personnes qui se réunissaient pour voir des châteaux de sable (ont-ils déménagé à Saint-Lambert depuis?), mais en général, le parc ne semble jamais avoir été un haut lieu de criminalité. Les petits larcins y ont toutefois été assez fréquents — et un peu drôles avec le recul.
Lors de la création du parc, il n’y avait pas de surveillance mise en place : on croyait que la beauté des lieux inspirerait aux gens des comportements responsables.
Belle naïveté.
Ça n’a pas pris beaucoup de temps avant que la ville engage ses premiers gardiens de parc, et établisse un règlement municipal avec des comportements à suivre dans les parcs!
Il faut dire que les Québécois du 19e siècle n’étaient pas trop habitués encore au concept de « parc public ». Les mots « Ouvert à tous » étaient un peu perçus comme « open-bar ». Des citoyens y prenaient du gazon ou des fleurs, et en 1900, la ville a entrepris des démarches contre un propriétaire de chèvres qui refusait d’assumer les coûts que ses animaux ont engendrés en endommageant les arbres du parc!
Faut dire que même les employés municipaux ne respectaient pas trop le parc : la voirie creusait parfois le sol pour y prendre du sable ou dompait sa neige là. La Compagnie de tramway, en construisant ses lignes, endommageait les platebandes du parc.
Depuis 1865, la population francophone est redevenue majoritaire à Montréal et tente de se réapproprier la ville.
Mais le comble est probablement survenu lorsque la Ligue du Sacré-Cœur de la paroisse Immaculée-Conception a déposé une pétition qui dénonçait non seulement les problèmes d’hygiène du parc, mais aussi ses problèmes de mœurs : « (…) le Parc, le soir, est un lieu de désordre et présente souvent aux yeux de la jeunesse des spectacles dangereux. Pour y obvier, nous vous prions : (…) d’édicter un règlement qui défende de pénétrer dans les bosquets, de s’asseoir et s’étendre sur les pelouses, comme cela se pratique habituellement, parfois dans une promiscuité inconvenante. »
Pénétrer dans les bosquets : une tare qui n’est peut-être pas encore tout à fait réglée un siècle plus tard.
3. Le parc La Fontaine fut le rival français du mont Royal
À peu près à la même hauteur dans la ville de Montréal (rue Rachel) on retrouve à la fois le parc du mont Royal et le parc La Fontaine. Le premier est à l’ouest de Saint-Laurent et le deuxième à l’est : à une époque plus dichotomique qu’aujourd’hui, on les associait respectivement à la communauté anglophone et à la communauté francophone.
Ce désir d’appropriation par les Montréalais francophones se retrouve jusque dans le nom du parc. Jusqu’au début des années 1900, l’endroit conservait le nom de l’ancien propriétaire de la ferme qui s’y trouvait plusieurs années auparavant : on disait donc le parc Logan.
Depuis 1865, la population francophone est redevenue majoritaire à Montréal et tente de se réapproprier la ville, en passant notamment par la toponymie. Pour le parc qui nous intéresse, trois noms sont recommandés au départ : parc national, parc Laurier ou parc Saint-Jean-Baptiste. Comme rien n’est vraiment convaincant, on pousse un peu plus la recherche, et on finit par se fixer sur parc La Fontaine. Ce n’est pas à cause de la grosse fontaine dans l’étang (d’ailleurs pas présente à l’époque) ni en l’honneur du fabuliste : c’est pour Louis-Hippolyte La Fontaine, premier Premier Ministre francophone du Canada-Uni, reconnu pour sa capacité de faire concorder les anglophones et les francophones.
Pour le parc qui nous intéresse, trois noms sont recommandés au départ : parc national, parc Laurier ou parc Saint-Jean-Baptiste.
Des Anglo-Montréalais se sentent dépossédés de l’endroit et sont tristes, mais trop peu nombreux pour faire modifier la décision.
Le parc La Fontaine devient ainsi le lieu numéro 1 pour fête la Saint-Jean-Baptiste, et les monuments historiques qui y sont installés sont chargés de sens, dont celui de Dollard Des Ormeaux, controversé « sauveur de la Nouvelle-France ».
Toutefois, vers la fin des années 1930, l’association du parc avec le nationalisme s’estompe, en même temps que celui du mont Royal, longtemps associé aux élites anglo-protestantes, se francise.
Depuis, on y cohabite plutôt en paix.
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Pour lire un autre texte de Camille Dauphinais-Pelletier : «La banlieue serait-elle en train de devenir le fun ?»