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Étant donné que le temps des fêtes est pour moi un arrêt forcé de toute cogitation constructive, j’ai pu assister en m’en foutant au crépuscule de 2011.
Alors que s’achevait la deux mille onzième circonvolution planétaire depuis l’avènement de ce brave Jésus (lol), commentaires et railleries d’anthologie annuelle ont fusé jusqu’à plus soif sur les Internets.
Mes fils Facebook et Twitter ont été placardés de « revues » en tous genres, formulées par des blogueurs plus ou moins opiniâtres, plus ou moins pertinents. Tous les tribuns ont profité de la fin d’année pour se gâter un Bye Bye personnalisé, cherchant (semble-t-il) à remporter la palme du plus cinglant. Une véritable parade de paons à savoir qui aurait le mieux haï l’année 2011.
Eh bien qu’on se le dise, j’ai parfois grincé des dents. Constat: sérieux, les gens cool d’Internet, va falloir en revenir de votre hype parce que non, on ne peut pas se permettre d’élitiser quelque chose d’aussi profondément démocratique qu’Internet ou que les réseaux sociaux.
Qu’on se permette de critiquer vertement des faits d’actualités, soit. Mais j’ai observé un tout autre trend qui m’a profondément agacée : basher les soi-disant « épais » anonymes qui « osent » s’exprimer sur le Net. En effet, aux yeux de ceux qui jouent les caïds sur la toile, il semblerait que le droit de s’exprimer ne soit plus donné à tout le monde.
Certaines voix notables des plateformes courues m’ont profondément agacées avec leurs prétentions moralisatrices épouvantablement snob à l’endroit de monsieur et madame tout le monde. Eh non, ç’a l’air que les Ginette de Mascouche et les Jessika de Deux-Montagnes n’ont plus le loisir de partager leur opinion sur la gadoue, l’intimidation ou Stephen Harper sans se faire rabrouer publiquement. Maintenant qu’Internet est reconnu comme une manne d’opinions et que certains y ont gagné une certaine notoriété, voilà qu’on reproche aux quidams de s’exprimer.
Je ne compte plus les montées de lait que j’ai lu, sur Facebook, Twitter ou sur des blogues au sujet du mépris pour la « non-pertinence sur Internet ». Exemple le plus patent : le Détesteur (dont j’apprécie généralement la virulence) qui publiait à la mi-décembre un article qui démolissait les « citoyens-vlogueurs », i.e ces internautes qui tentent de se faire entendre dans la jungle du Web.
Mais au nom de quoi, je vous le demande, peut-on se permettre de mépriser la parole du citoyen, même s’il s’exprime à grands coups de « TaBarNakkKKK » et de « LOLLL XD » ?! Même si ces gens qui pètent des coches sur le Net n’ont pas nécessairement l’éloquence pour le faire, il n’en demeure pas moins que leur parole reflète une opinion qui doit d’être prise en considération.
Certains n’ont les outils que pour formuler des critiques primaires et assez peu articulées; mais s’ils ont le droit de voter au même titre que ceux qui s’expriment avec brio, pourquoi devrait-on lever le nez sur ce qu’ils publient sur le Net?
Il serait au contraire profondément irresponsable d’encourager l’autocensure pour ceux qui ne s’expriment pas de manière exemplaire, ou qui s’intéressent à des débats trop mainstream. Après tout, ce sont eux qui font de la viralité ce qu’elle est, et qui permettent de repérer les lieux communs qui font patauger le dialogue en surface. S’ils n’étaient pas là, les « surfaceurs » des débats populaires, eh bien on ne saurait pas plus par où l’approfondir!
Attention, je n’encourage pas la bêtise. Ben oui, moi aussi ça me met en #)*@#()!*# quand les gens publient des tissus d’âneries. Ben non, je trouve pas ça constructif qu’on me traite de hipster mal baisée (meilleure insulte reçue sur Internet en 2011) au lieu de réfuter convenablement mon propos. Mais l’idée est là : une contestation.
Maudit qu’on est snob. On a passé deux mille ans à appeler de nos vœux un moyen de donner une voix équitable à tous… Mais paradoxalement, on se permet de discriminer ceux qu’on juge trop noob pour participer au débat? C’est être un peu cave, honnêtement.
Aujourd’hui, on a démontré l’efficacité du réseautage pour engager les mouvements populaires et rallier les masses. On a suscité un engouement pour la réaction et pour le partage en créant des réseaux de plus en plus vastes. C’est la culture de la discussion dans toute son exaltation. Même Facebook qui, essentiellement, était voué au partage de la quotidienneté est désormais lieu de débats en tous genres. Personnellement, moi, je trouve ça beau.
Pis j’me dis que les sans-culottes étaient loin d’être tous membres de l’élite lettrée, mais fudge, ils l’ont portée pareil, la Révolution française! De la même manière, 2011 aura sans contredit été l’année de la Parole. Ce serait bien qu’on ne la tue pas avec notre mauvaise foi, parce que c’est un peu tout ce qu’il nous reste.