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18 ans et plus

Par
Pascal Henrard
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Pouvez-vous croire qu’en 2012, dans nos contrées dites civilisées, des pans entiers de culture sont interdits aux jeunes?

Comme à l’époque de la ségrégation qui défendait l’accès de certains lieux aux noirs, il y a aujourd’hui des tas d’endroits interdits aux mineurs.

Ils peuvent conduire un char, mais ne peuvent pas aller voir un groupe indépendant chanter dans un bar. Ils peuvent jouer avec des fusils, mais ils n’ont pas la permission d’assister au lancement d’un livre si ça se passe dans une taverne. Ils peuvent travailler dans une mine d’amiante ou une usine de produits chimiques, mais il leur est interdit d’assister à un vernissage où l’on sert du champagne. Ils peuvent voir n’importe quelle débilité à la télé ou n’importe quelle cochonnerie sur Internet, mais ils ne peuvent pas franchir les portes d’une petite salle de spectacle underground qui aurait un permis d’alcool.

La faute à cette maudite boisson, à des règlements antédiluviens qui rappellent la prohibition et aux frileux qui les appliquent au pied de la lettre.

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Il y a une peur phobique de l’alcool en Amérique du Nord. Le tabou total. Presque pire que le sexe. Pire en fait, car on tolère plus facilement le «touche-touche» dans les dortoirs que le «et glou et glou» dans les opérations de financement ou les fêtes d’écoles. Bien pire en tout cas que les armes, la violence et la guerre.

Nous vivons encore sous le joug de l’intégrisme des censeurs d’autrefois qui, sous prétexte de vouloir protéger les générations futures des dérapages incontrôlés et de l’ivresse contagieuse, procure à l’alcool une aura aguichante teintée d’interdit aux yeux, et surtout aux papilles, de ceux qui n’ont légalement pas encore le droit d’y toucher.

Au Québec, il faut 18 ans pour commander une Maudite ou même se trouver dans un établissement qui sert de la Fin du Monde même si on a l’intention de prendre une verveine ou un lait-grenadine. Et chez nos voisins du Sud qui inspirent tant nos voisins de l’Ouest, c’est pire. Dans certains états, il faut avoir 21 ans pour toucher à une Budweiser qui a, il faut le reconnaitre, plus à voir avec la pisse de chat qu’avec la bière. À cet âge-là, il y en a plusieurs qui ont déjà tué tout à fait légalement leur quota de Talibans. Sans parler de ceux qui ont pissé dessus.

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Aujourd’hui, ces lois antiques empêchent donc un papa attentionné d’amener sa fille de 16 ans voir le spectacle d’un band qui sera peut-être demain mondialement connu. Elles interdisent les parents d’aller socialiser avec leurs amis et leurs enfants autour d’un petit verre ou, quand le temps le permet, sur une terrasse branchée. Figurez-vous qu’on a même déjà vu des poussettes se faire mettre à la porte d’établissements licenciés sous prétexte que leur occupant n’avait pas l’âge légal pour boire de l’alcool…

Il y a pourtant un peu d’espoir. Le projet de loi 68 moins connu que son collègue 78 a été déposé alors que tout le monde était plutôt préoccupé par la quantité de Sangria que peuvent boire les étudiants avant d’avoir droit aux honneurs du Journal de M.

Cette nouvelle loi veut assouplir les règles sans, bien entendu, encourager les gens à consommer plus d’alcool. Elle permettra par exemple de ramener chez vous une bouteilles entamée au restaurant. Comme quoi, tout n’est pas pourri dans ce gouvernement. Elle permettra aussi aux mineurs accompagnés d’un adulte de rester sur la terrasse d’un bar jusqu’à 23h, ceci dit sans boire d’alcool, faut pas rêver. Mais elle ne vous permettra cependant pas d’emmener votre petite sœur au lancement d’Urbania.

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On se choque que dans certains pays, les femmes sont tenues d’être cachées sous un tas de draps et que dans d’autres contrées la ségrégation raciale existe toujours, mais chez nous, il y a encore des endroits où des couches entières de la société sont interdites de séjour. Est-ce normal? Censé? Logique? Juste?

Exclure les jeunes c’est les inciter à l’abus.

Au lieu de leur apprendre à boire de façon civilisée, on leur fait peur, on les exclut, ils sont bannis et condamnés à se cacher pour picoler.

Et après on s’étonne que les lendemains de majorité (je parle de l’âge) ressemblent souvent à des lendemains de veille.

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