.jpg)
10 romans contemporains pour faire changement des grands classiques québécois
Développer une bonne culture générale en lisant des classiques littéraires est un objectif absolument noble. Mais trop souvent, la découverte des classiques québécois se fait par le biais de lectures obligatoires à l’école secondaire : dans ce contexte, difficile d’en garder un bon souvenir. Obligation et plaisir vont rarement de pair. Et en tant que jeune femme de 21 ans, je l’avoue, j’ai de la difficulté à m’identifier à Ovide Plouffe.
Voilà pourquoi, avec quatre libraires et une autrice, et inspirée par cet article, j’ai confectionné une liste de dix livres contemporains susceptibles de capter l’attention de jeunes lecteurs et lectrices qui ne veulent pas uniquement lire les œuvres d’hommes issus d’une autre époque. Et on y trouve d’excellentes suggestions de cadeaux de Noël à offrir à vos ami.e.s qui dÉtEsTeNt La LEcTuRe.
Ça part.
Suggestion d’Émilie Bolduc, libraire à la librairie Le Fureteur
Le classique
.jpg)
L’odeur du café – Dany Laferrière, Typo, 1991
Le remplaçant
.jpg)
Là où je me terre – Caroline Dawson, Remue-Ménage, 2021
C’est avec beaucoup de tendresse que l’auteur Dany Laferrière nous livre une partie très importante de sa jeunesse dans son roman L’odeur du café. Il nous raconte cette période de naïveté auprès de sa précieuse Grand-mère avant que les problèmes politiques de son pays le poussent à immigrer au Canada.
Dans Là où je me terre, Caroline Dawson doit quand à elle fuir le Chili à cause de la dictature de Pinochet. Elle apprend à se forger une toute nouvelle identité dans un quartier de Montréal-Nord sans oublier son pays natal.
La question de culture, de déracinement, mais surtout de cette nouvelle vie en terre étrangère est au cœur de ces deux merveilleux romans québécois.
Suggestion de Marie-Hélène Vaugeois, libraire à la librairie Vaugeois
Le classique
.png)
Ces enfants de ma vie
Gabrielle Roy, Boréal, 1977
Le remplaçant
.webp)
Manikanetish – Naomi Fontaine, Mémoire d’encrier, 2017
Plusieurs s’extasient encore devant les enfants de Gabrielle Roy, et pourtant, ceux que Naomi Fontaine nous présente sont faits de chairs. Avec eux, nous vivons dans une réserve et nous ressentons leur désespoir, et surtout, leur fierté.
Suggestion de Magalie Lapointe-Libier, Librairie Paulines
Le classique
.png)
Refus global – Collectif dirigé par Paul-Émile Borduas, Typo, 1948
Le remplaçant
.png)
Ce qui nous lie – Collectif, Écosociété, 2021
Refus global et Ce qui nous lie sont des manifestes de révolte revendiquant une nouvelle structure politique québécoise. Là où Refus global, publié en 1948, a cherché, par l’art, l’émancipation de son passé clérical, Ce qui nous lie est un appel au rassemblement.
Le texte classique s’est défini dans l’opposition et cherchait à éveiller le libre arbitre en chacun.e alors que Ce qui nous lie puise sa force dans la collectivité. Le projet d’avenir de ce dernier est porteur des réalités des communautés minoritaires (autochtones, racisées et la classe sociale plus pauvre) : une réelle indépendance au Québec ne peut se faire qu’en le décolonisant.
Suggestion de Philippe Fortin, libraire à la librairie Marie-Laura
Le classique
.jpg)
Bonheur d’occasion – Gabrielle Roy, Pascal, 1945
Le remplaçant
.png)
Morel – Maxime Raymond-Bock, Le Cheval d’août, 2021
Tout en jouant sur les mêmes tableaux que le célèbre Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, classique toujours pertinent mais dont les combats thématiques pourraient sembler passablement datés aux yeux d’un lectorat contemporain, Morel, de Maxime Raymond Bock, renouvelle habilement la mise en scène de la dure réalité du monde ouvrier dans le Montréal du milieu du XXe siècle.
Roman historique, roman de mœurs, voire roman d’une certaine lutte des classes, il s’agit incontestablement d’un digne héritier du grand roman social québécois.
Suggestion d’Alexandra Pierre, autrice de l’essai Empreintes de résistance
Le classique
.jpg)
N*gres blancs d’Amérique – Pierre Vallières, Éditions Parti pris, 1968
Le remplaçant
.jpg)
NoirEs sous surveillance – Robyn Maynard, Mémoire d’encrier, 2018
Dans N*gres blancs d’Amérique, Vallières établit un lien entre l’oppression des Canadiens français et celle des descendant.e.s d’esclaves aux États-Unis. Comme beaucoup de nationalistes, Vallières semble peu se préoccuper des 15 000 personnes noires alors présentes dans la province. Lire NoirEs sous surveillance. Esclavage, répression et violence d’État au Canada, c’est se rappeler que de vrais esclaves existaient ici à l’époque et depuis longtemps. Avec de nombreux exemples, Maynard souligne que, contrairement au récit national fantasmé, le Québec est loin d’être une société distincte quand il s’agit de racisme anti-noir.
Remplacer Vallières par Maynard aurait moins d’intérêt que de se plonger dans son essai pour éclairer autrement la (re)lecture de N*gres blancs d’Amérique et saisir les angles morts d’une certaine mythologie québécoise.
Mes suggestions personnelles
Le classique
.jpg)
Maria Chapdelaine – Louis Hémon, éditions BQ, 1913
Le remplaçant
.png)
Folle – Nelly Arcan, Seuil, 2005
Tant Maria Chapdelaine que Nelly Arcan sont des femmes soumises au regard des hommes, à la différence près que Maria subit le tout docilement alors que Nelly s’analyse constamment avec une lucidité déconcertante. Maria noie sa peine dans la religion et la passivité, Nelly a plutôt recours aux raves, au sexe et à la cocaïne. Une chose est sûre, Nelly Arcan exploite avec beaucoup plus de nuance la complexité de sa protagoniste que Louis Hémon a su le faire au début du XXe siècle.
Le classique
.jpg)
La petite fille qui aimait trop les allumettes – Gaëtan Soucy, Boréal, 2011
Le remplaçant
.jpg)
Anabiose – Claudine Dumont, XYZ, 2013
N’eut été des patientes explications de mon professeur de littérature au cégep, je crois que je n’aurais jamais vraiment compris l’histoire de La petite fille qui aimait trop les allumettes. C’est une lecture difficile et mystérieuse. Si vous voulez une lecture tout aussi mystérieuse, mais beaucoup moins hermétique, allez-y pour Anabiose, où la protagoniste se retrouve prisonnière d’une pièce sans qu’elle sache comment elle y est atterrie. Vous allez voir, c’est presque aussi anxiogène que d’écouter un épisode de Squid Game.
Le classique
.jpg)
L’Enfirouapé – Yves Beauchemin, Éditions 10/10, 1974
Le remplaçant
.jpg)
Haute démolition – Jean-Philippe Baril-Guérard, Ta mère, 2021
Vous me pardonnerez d’utiliser cet article comme exutoire pour mes traumatismes de jeunesse, mais la lecture de L’Enfirouapé est l’un des souvenirs les moins agréables de ma quatrième secondaire.
Une version romancée des évènements de la crise d’Octobre, c’est bien. Une version romancée d’une crise sociale moderne comme la vague de dénonciations d’agressions sexuelles dans le milieu de l’humour, c’est mieux. Garrochez-vous sur Haute démolition. Ce livre est addictif et hautement contemporain.
Le classique
.jpg)
Zone – Marcel Dubé, Leméac Éditeur, 1953
Le remplaçant
.jpg)
La déesse des mouches à feu – Geneviève Pettersen, Le Quartanier, 2014
Honte à moi de proposer de remplacer une pièce de théâtre par un roman, mais l’esprit des deux œuvres est similaire : il dépeint la réalité de bandes de jeunes aux émotions à fleur de peau et aux tendances un peu trash. Mais contrairement à Zone, La déesse des mouches à feu offre une perspective féminine forte sur le passage à l’âge adulte et sur la sexualité. Même si vous avez déjà vu l’adaptation cinématographique réalisée par Anaïs Barbeau-Lavalette, je suis convaincue que le roman saura vous toucher.
Le classique
.webp)
Les Plouffe – Roger Lemelin, Éditions 10/10, 1948
Le remplaçant
.webp)
Nirliit – Juliana Trudel-Léveillé, La Peuplade, 2015
L’œuvre de Roger Lemelin est incontournable dans l’histoire culturelle du Québec, mais elle n’est probablement pas la plus sujette à interpeller des jeunes qu’on tente d’initier à la littérature. Bien plus contemporaines que la famille Plouffe, les familles inuites que dépeint Juliana Trudel-Léveillé dans Nirliit sont touchantes et offrent une perspective sur une réalité trop peu racontée, celle des Autochtones dans le Grand Nord.