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1 million de likes et notre père nous achètera un chien. 1 million de likes et je pourrai coucher avec cette fille. 1 million de likes et nous irons à Disney World. 1 million de likes et quoi encore?
Si vous avez passé quelque temps sur les réseaux sociaux ces temps-ci, vous avez probablement vous aussi été inondés de ces requêtes d’approbation farfelues. Le phénomène est trop neuf pour juger qui que ce soit, et qui plus est, qui que ce soit qui fait pitié, mais il crée néanmoins un malaise.
L’origine de ce malaise provient sûrement de nos bonnes vieilles racines judéo-chrétiennes. Personnellement, je n’ai tout simplement pas été éduquée comme ça. Lorsque j’étais jeune, pour obtenir ce que je voulais, un chien, mettons, je devais fournir un certain effort et présenter une série d’arguments solides et étoffés. À 10 ans, des arguments étoffés, ça peut avoir l’air de ça : «Maman je veux un chien pour développer mon sens des responsabilités. Voici un plan d’action officiel de promenades de chien, que nous allons nous diviser, mes sœurs et moi. Merci». Ma mère savait très bien qu’en réalité, je voulais un chien juste parce que c’est beau un chien, mais au moins, j’avais fait l’effort de réfléchir aux conséquences d’avoir à s’occuper d’un être vivant. Et je méritais peut-être d’avoir un chien (un chien que ma sœur adolescente avait décidé d’appeler Zigzag, ma mère n’a jamais réellement su pourquoi).
Mais surtout, l’effort fourni était en lien direct avec la requête soumise: pour avoir un chien, je devais démontrer que j’avais la maturité nécessaire pour m’en occuper. En quoi obtenir un million de likes démontre votre aptitude à vous occuper d’un chien? En rien.
Évidemment, ce n’est pas la fin du monde, c’est fait avec humour et chaque parent demeure souverain dans sa façon de prendre les décisions qui regardent sa famille. Mais ça en dit beaucoup sur notre société.
J’avais un prof de cinéma qui expliquait que les caméscopes avaient créé le «fléau de la téléréalité». À force d’apparaître dans la caméra de papa, on aurait développé un besoin fondamental d’être exposé, d’être dans la télé. On peut être d’accord ou non avec cette théorie, mais surtout, on est en droit de se demander, si le caméscope a créé la téléréalité: quelle sorte de monstre est-ce que ce besoin de s’en remettre au jugement des autres est en train de créer?
Manquons-nous de confiance en notre propre jugement au point de soumettre à l’assentiment populaire d’aussi grandes décisions que l’adoption d’un animal de compagnie dont la durée de vie dépassera sans doute l’existence de Facebook?
Manquons-nous de confiance en notre propre jugement au point de donner le droit de vote à Georges, Annette et Martial quant à notre première relation sexuelle?
Manquons-nous de confiance en notre propre jugement au point de croire qu’un million de personnes savent mieux que nous si nos finances nous permettent d’aller à Disney World?
Ou peut-être qu’au fond, cette idée qu’une puissance supérieure, en l’occurrence Facebook, puisse nous donner ce que l’on désire découle aussi de nos bonnes vieilles racines judéo-chrétiennes. Ça et une prière au petit Jésus, finalement, ça se ressemble pas mal.
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