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Mindhunter et la vraie violence
Netflix a lancĂ© en grande pompe la sĂ©rie Mindhunter, le 13 octobre dernier. Produite et co-rĂ©alisĂ©e par le lĂ©gendaire David Fincher, elle porte Ă lâĂ©cran une version dramatisĂ©e des exploits des profileurs du FBI John E. Douglas et Mark Olshaker relatĂ©s dans le livre Mindhunter : Inside the FBIâs Serial Crime Unit.
En gros, câest une sĂ©rie sur du monde habillĂ© corpo qui parlent Ă des tueurs en sĂ©rie en prison et qui se servent de leurs apprentissages pour parler Ă de « potentiels » tueurs en libertĂ© prĂ©sĂ©lectionnĂ©s par leur mĂ©thode de profilage, et leur soutirer des confessions. Dit comme ça, Mindhunter a lâair plate Ă souhait, mais câest vraiment excellent.
Pourquoi est-ce fascinant, du monde en complet qui parle? Câest que Mindhunter est une sĂ©rie qui remet en question la reprĂ©sentation de la violence dans les mĂ©dias et ça, câest vraiment trĂšs cool.
Je mâexplique.
La plupart des films, séries ou romans policiers fonctionnent selon la logique suivante :
- Le mĂ©chant commet un crime violent pour une raison X (justifiĂ©e ou non, mais plus souvent quâautrement injustifiĂ©e)
- Une enquĂȘte est dĂ©clenchĂ©e par le gentil.
- Le gentil dĂ©couvre qui a fait le crime et confronte le mĂ©chant plus souvent quâautrement de façon violente. Avec des guns. Souvent mĂȘme, il le tue.
Notre rapport Ă la violence dans la fiction quâon consomme se rĂ©sume, la plupart du temps, à ça. Ce nâest pas stupide ou simplet, mais on est conditionnĂ© Ă croire que la violence se rĂ©sout par la violence. Et ça va au-delĂ de la fiction: combien de fois a-t-on enseveli le Moyen-Orient sous une pluie de balles en pensant rĂ©soudre le problĂšme de lâextrĂ©misme religieux?
Câest ça.
Mindhunter prĂ©sente la violence dâune autre façon. Le seul gun quâon voit tirer dans la sĂ©rie est dans la premiĂšre scĂšne, lorsquâun preneur dâotages se fait sauter la caboche avec un .12. Câest pas beau tout de suite, mais câest dĂ©jĂ une premiĂšre prise de position : la violence, câest laid et ça ne rĂ©sout rien. Le hĂ©ros Holden Ford est dâailleurs fortement marquĂ© par lâĂ©vĂšnement. Plus tard dans lâĂ©pisode, il affirme devant une classe dâĂ©tudiants: « Notre but, câest de nâenvoyer personne Ă la morgue. »
Regarder des photos dâune maman et de son fils mutilĂ©s ce nâest pas votre idĂ©e du gros fun? Câest bien, parce que câest exactement ce que les crĂ©ateurs de Mindhunter veulent que vous ressentiez.
La sĂ©rie nâest, bien sĂ»r, pas sans violence. On voit des corps pourrissants, des photos de scĂšnes de crimes horrifiantes et on entend des histoires qui glacent le sang. Une des premiĂšres scĂšnes de crime examinĂ©e provient du double meurtre dâune mĂšre et de son enfant, perpĂ©trĂ© par lâinfĂąme tueur BTK, Dennis Rader. Parce que oui, les tueurs dans Mindhunter ont existĂ©. Certains mĂȘme, comme Rader ou Ed Kemper, sont encore vivants. Regarder des photos dâune maman et de son fils mutilĂ©s ce nâest pas votre idĂ©e du gros fun? Câest bien, parce que câest exactement ce que les crĂ©ateurs de Mindhunter veulent que vous ressentiez.
La violence, la vraie violence, elle nâest pas le fun Ă regarder.
Les gens qui commettent des actes violents ne sont pas beaux ou charismatiques non plus. Ils sont unilatéralement représentés par Mindhunter comme étant des mésadaptés sociaux, incapables de toute gouvernance sur leurs impulsions. Je pense entre autres à Dwight Taylor (3e épisode), un homme laid, faible et apathique, demeurant encore chez sa mÚre.
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Ou encore Ă Benjamin Barnwright, un impotent hypersensible, incapable dâaccepter sa propre faiblesse.
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Yâa pas dâHannibal Lecter en complet trois-piĂšce sexy qui Ă©coute de la musique classique en mangeant du monde dans cette Ă©mission.
LâidĂ©e derriĂšre un portrait si unique et diffĂ©rent de la violence et des gens qui la commettent est la suivante : que tu sois un policier avec une arme de service ou un ermite qui vit dans sa crasse, il faut que tu sois vraiment fuckĂ© pour tuer un autre ĂȘtre humain et si tu passes Ă lâacte, il va y avoir des rĂ©percussions psychologiques et lĂ©gales.
Mindhunter nâessaie pas dâĂ©radiquer la violence, au contraire. Elle la prĂ©sente pour ce quâelle est vraiment : le problĂšme et non pas la solution.
Vous croyez que je lis trop dans la sĂ©rie? La procureur gĂ©nĂ©rale du dernier meurtre rĂ©solu affirme elle-mĂȘme les valeurs de Mindhunter : « Oubliez la tĂ©lĂ©. Elle ne vous montrera jamais lâexpĂ©rience des victimes. Vous nâentendrez jamais les pleurs dâune femme qui se fait violer dans Rockford Files. Vous ne sentirez pas sa chair qui brĂ»le lorsque son agresseur Ă©teint ses cigarettes sur son corps. »
Mindhunter, câest ça.
Ăa fesse et surtout, ça confronte.
Câest une sĂ©rie qui montre la violence sous son vrai jour.
Les personnes bien ajustĂ©es ne tuent pas. Ils ont des boulots, des carriĂšres et des vies mouvementĂ©es, mais bien remplies. Ils nâont pas besoin dâassouvir une vengeance biblique sur les gens qui nâobĂ©issent pas Ă leurs souhaits et dĂ©sir. Avouez que câest un sacrĂ© changement de rhĂ©torique comparĂ© Ă ce Ă quoi la tĂ©lĂ©vision nous as toujours habituĂ©.
Mindhunter nâessaie pas dâĂ©radiquer la violence, au contraire. Elle la prĂ©sente pour ce quâelle est vraiment : le problĂšme et non pas la solution. Je ne vous dis pas que câest un modĂšle soutenable en terme dâĂ©criture de fiction. Les films de cowboys ont leur charme aussi, mais câest en regardant des sĂ©ries comme Mindhunter quâon en vient Ă comprendre que câest une logique quâon nous impose.
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