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Le respire

Par
Véronique Grenier
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Chers p’tits qui dorment.

Y’a votre respire qui se fait aller profond et doux. Je le sais parce que j’ai passé de longues minutes à vous le regarder faire. J’arrivais pas, moi, à dormir. La nuit était noire et mon sommeil semblait s’y être égaré. J’tais trop lâche pour le chercher. Fa’que je suis allée vous retrouver, chacun votre tour parce que pas de jaloux parce que je dois vous prendre du temps égal parce que je m’ennuie de vous, souvent.

Je suis restée jusqu’au trois ou quatrième coup dans le ventre, jusqu’aux dents qui grincent, jusqu’au frette du pas de couvarte que vous aviez tirée vers vous. Vous saviez semi que j’étais là. Ça me fascine toujours ce quasi réflexe que vous avez à mon approche, celui de vous blottir, petit paquet automatique de vous contre moi. Pour être pris, tenuEs, enveloppéEs. Des fois, c’est là que je vous chuchote des affaires juste à nous. Pas c’te nuit, par exemple. Non, c’te nuit on a fait silence. Honnêtement, j’tais lâche jusque-là, jusqu’au pas de paroles.

Mais des fois, le corps suffit pour dire.

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J’vous ai serréEs, mais pas trop pour ne pas risquer de faire des vagues dans vos rêves, pis j’pense qu’on s’est compris.

On s’a.

Même si y’a des jours de vide, des jours de loin. Des jours où ne se voit pas.

On s’a.

Je peux pas trop vous le dire que vous me manquez à chaque esti de seconde de la journée, surtout ces journées où je ne peux que me tourner en boucle dans la tête votre routine et où vous en êtes dedans parce que je ne la partagerai pas avec vous. Je devrai attendre mon tour. Mes jours. Qui une chance arrivent aussi vite qu’ils ne partent.

Aux deux jours.

J’ai peur que mon ennui alimente le vôtre, si je vous le nomme trop. J’me gâte dans le content, par exemple, quand je vous retrouve. C’pour ça que mon nez reste un moment dans votre joue, que je mets de la musique fort dans l’char pour qu’on se fasse un party. C’pour ça que je vous regarde avec le sourire mou jusqu’au coucher. C’pour ça. Que je vous regarde le respire, c’te nuit.

Un jour on m’aurait dit que vous seriez mon refuge, mon calme, j’aurais ri de “voyons don’”. Mais là, j’attends le matin avec impatience pour vos voix, pour nos rires, pour vous enrouler dans une doudou chaude sur le divan. Y’aura ben une ou deux crises, y’a toujours une ou deux crises. Mais on va se gérer.

Le doux va prendre le dessus. Y prend toujours le dessus.

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Pendant que mon sommeil joue à cachette, je tiens le vôtre dans mes bras. Pis je vous promets, mes humains préférés, que je voudrais pas avoir fait autre chose de ma nuit. Veiller la vie qui vous souffle le corps.

Dehors, la neige tombe me dit la fenêtre. Je sais déjà que vous sortirez la langue pour attraper des flocons, tantôt. Faudra que je pense à sortir un peu plus tôt qu’on prenne le temps de faire ça bien, de faire ça long. Parce que ça nous fera rire et que ce sera en échos dans ma tête, toute la journée. Nos rires. Qui tueront un peu le reste, un peu l’absence, un peu le loin.

Mais là, je vous regarde le respire. Et j’y accorde le mien.

***

Pour lire un autre texte de Véronique Grenier : “C’correct”

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