Dominique a été chauffeur d’autobus à la STM pendant 12 ans, et est retraité depuis 2 ans. Il peut vous le dire : c’est un métier pour les passionné.e.s de la route, et qui consiste en plus que tenir un volant. C’est composer avec les horaires décalés, les agressions, la pression constante de la sécurité. Dans ce témoignage brut, drôle parfois, dur souvent, Dominique nous fait découvrir l’envers du décor : les quartiers qui brassent, les passagers imprévisibles, les règles à faire respecter… et tout ce qu’on ne voit pas quand on monte à bord.
Mythe ou réalité | Quatre95
Un ex-chauffeur d’autobus de la STM déconstruit les mythes sur son métier
« Tu travailles fort pour ton salaire. »
Mythe ou réalité, c’est une série qui va à la rencontre de ceux et celles qui pratiquent des métiers mal compris pour voir ce qu’il en est vraiment. Entre les clichés tenaces et les réalités qui surprennent, on démêle le vrai du faux en laissant parler ceux qui savent : les premier.ère.s concerné.e.s.
Tu t’es déjà fait agresser
Oui, pour des banalités. C’était pas isolé parce que des agressions, il y en a, à la STM. Il y en a de différentes sortes, pis c’est pas toujours agréable.
Y’a des quartiers où ça brasse plus que d’autres
Effectivement, il y a des quartiers qui brassent plus que d’autres. Par exemple, où est-ce qu’il peut y avoir énormément de bars, énormément de brouhaha, de brassage. Effectivement, dépendamment des heures que tu travailles, tu peux avoir des quartiers qui sont beaucoup plus durs à travailler, ça, c’est certain. Il y a des quartiers qui sont plus agréables à travailler. Au début d’une soirée, aller reconduire du monde qui vont s’amuser au centre-ville, c’est le fun. Des fois, la fin de soirée est moins le fun.
T’es mieux payé que ce qu’on pense
Tout le monde est mieux payé que ce qu’on pense, ça, c’est sûr. Je crois que la première année, on peut gagner aux alentours de 30 000 par année. Et au niveau de la quatrième, cinquième année, ces choses-là, on peut facilement aller jusqu’à, peut-être, 50, quelques mille.
Tu fais juste conduire
Non, c’est pas juste conduire. T’es à ton arrêt, tu t’apprêtes à repartir, la lumière est encore rouge : le gars qui est en vélo à côté de toi pis qui se tient après ton miroir, ça, tu peux pas partir avec ça. Les gens qui sont sur le trottoir ou qui parlent avec quelqu’un qui est dans l’autobus et qui se pendent après le châssis de l’autobus, j’peux plus partir. C’est la sécurité qui fait que c’est énormément de pression.
Tu fais toujours les même trajets
Non, on a des horaires qu’on peut changer trois, quatre fois par année. Ces horaires-là, oui, ça nous amène sur une route qui peut être répétitive, mais la route n’est pas répétitive, dans le sens que tout ce qui peut arriver dans une journée, c’est pas répétitif, c’est pas les mêmes choses, c’est pas le même trafic, c’est pas les mêmes températures, c’est pas la même chaussée.
Tu choisis pas tes trajets
Oui, quatre fois par année, on choisit, on appelle ça « passer aux listes ».C’est toujours par ancienneté. Plus que t’as de l’ancienneté, plus que tu passes plus vite, plus que t’as des choix.
Ta job est facile
Non, pas du tout. Il faut vraiment que t’aimes conduire. C’est dur, travailler comme chauffeur d’autobus. Si t’es pas capable d’être patient dans le trafic, tu peux pas faire cette job-là. Si t’aimes pas la température, la glace pendant l’hiver, tout ça, t’es pas à la bonne place, ça, c’est sûr. Les gens qui vont travailler dans cette job-là, il faut qu’ils l’aiment en partant. Si tu l’aimes pas, tu la garderas pas.
Personne lave les bus
Les autobus sont nettoyés, c’est vrai. Peut-être pas à la vitesse que la clientèle le voudrait ou même que le chauffeur voudrait.
Des usagers s’endorment dans le bus
Ça arrive. Tu peux avoir tout simplement une personne qui a travaillé très, très fort, qui était énormément fatiguée. C’est plate parce que quand tu le réveilles, quand tu t’en aperçois, t’es rendu au bout de ta ligne. Il est peut-être 6 kilomètres plus loin de son arrêt. On va lui offrir de rester et de le reprendre en chemin. J’ai déjà vu, même se rendormir sur l’autre bord. Ce qui est plus difficile pour nous autres, c’est quelqu’un qui a soit des problèmes de consommation ou quoi que ce soit, parce qu’il faut toujours être délicat quand on réveille une personne, parce qu’on sait pas à qui on a affaire, jamais, dans un autobus.
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