Un avocat donne l’heure juste sur les droits des locataires
Un avocat donne l’heure juste sur les droits des locataires
« C'est vrai que les locataires subissent des réno-évictions et de la discrimination, même si c'est techniquement illégal. »
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Mythe ou réalité, c’est une série qui va à la rencontre de ceux et celles qui se spécialisent dans des domaines mal compris pour voir ce qu’il en est vraiment. Entre les clichés tenaces et les réalités qui surprennent, on démêle le vrai du faux en laissant parler ceux et celles qui savent : les premier.ère.s concerné.e.s.
Antoine, avocat spécialisé en droit du logement, consacre son quotidien à défendre les droits des locataires et à naviguer dans les complexités légales de la location. Mais être avocat dans ce domaine, c’est bien plus que connaître les lois sur les baux et les loyers. Loin du tribunal, il nous révèle les enjeux humains et sociaux qui façonnent son métier, ainsi que les batailles qu’il mène pour garantir à chacun un accès à un toit.
Un propriétaire peut demander un dépôt de sécurité à la signature du bail
C’est faux. Ça peut être surprenant parce que c’est le seul endroit, presque, au monde où ce n’est pas permis. Tout ce qu’on peut demander, c’est un premier mois de loyer payé d’avance, et c’est tout.
Un propriétaire peut évincer un locataire pour des travaux majeurs
C’est faux. On peut lui demander de partir temporairement de son logement, mais il a le droit de revenir. S’il faut qu’on parte pour faire des travaux, premièrement, le propriétaire doit envoyer un avis d’avance et il doit vous offrir une indemnité pour payer tous les frais. Ça doit être à coût nul pour le locataire. Malheureusement, il y a beaucoup de gens qui pensent que c’est permis. C’est ce qu’on appelle les réno-évictions. Par contre, vous avez le droit de refuser de partir, c’est dans vos droits.
Un propriétaire peut reprendre son logement n’importe quand
C’est faux. Un propriétaire, tout ce qu’il peut faire, c’est le reprendre à la fin du bail. Vous devez être avisés six mois avant la fin du bail. Il faut savoir qu’on peut reprendre son logement pour soi-même, pour ses parents ou pour ses enfants. Donc, ça peut pas être pour les oncles, les nièces. Ça pourrait aussi être une personne dont on est le principal soutien, dont on est proche aidant.
Un locataire peut céder son bail n’importe quand
C’est vrai. Par contre, il y a un processus à faire. Il faut aviser le propriétaire et le propriétaire a 15 jours pour vous donner une réponse. C’est important, lorsqu’on pense faire une cession de bail, d’aviser notre propriétaire le plus rapidement possible pour que si jamais il refuse ou qu’on veut contester son refus, on ait assez de temps pour qu’on puisse quitter, puis que la nouvelle personne puisse arriver. Ce qui a changé, dans la dernière année, c’est que le propriétaire n’a plus besoin d’avoir un motif sérieux pour refuser la cession. Par contre, s’il refuse pour un motif qui n’est pas vraiment sérieux, ce que ça va occasionner, c’est que vous allez pouvoir quitter, ça va mettre fin à votre bail. Par contre, la cession de bail n’aura pas lieu, la nouvelle personne ne pourra pas arriver.
Il n’y a pas de recours contre la discrimination
C’est vrai et c’est faux. On ne peut pas discriminer, refuser de louer à quelqu’un à cause de sa race, de son origine ethnique, de son expression de genre… Par contre, dans les faits, dans le contexte de pénurie de logement, c’est extrêmement difficile de prouver qu’on a été refusé pour cette raison-là. Par contre, si vous croyez que vous avez été victime de discrimination, le meilleur recours, c’est de vous adresser à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Eux peuvent vous assister dans votre recours, faire enquête, puis s’ils jugent que votre recours est fondé, ils peuvent même vous représenter devant les tribunaux sans frais. Vous ne pourrez pas avoir le logement et par contre, vous pourriez avoir une compensation financière à la suite de ce que vous avez subi.
Un propriétaire n’est pas obligé de suivre les recommandations d’augmentation de loyer du TAL
C’est vrai que le propriétaire peut vous envoyer une augmentation à peu près de n’importe quel montant. Techniquement, il devrait suivre les recommandations du TAL. Ce qui est important de savoir, c’est que si vous trouvez que c’est trop, vous avez toujours le droit de refuser l’augmentation. L’important, c’est de répondre à l’avis dans un délai d’un mois après le moment où vous avez reçu l’avis. Si vous ne répondez pas, c’est comme si vous dites oui.
Refuser une augmentation de loyer, c’est compliqué
Je dirais que c’est faux. Quand on refuse une augmentation de loyer, la seule chose à faire, c’est d’envoyer un avis à son propriétaire. Par contre, c’est que quand on refuse l’augmentation, le propriétaire, après lui, il a la possibilité d’aller au TAL pour demander une fixation de loyer. Refuser une augmentation de loyer, ça ne veut pas nécessairement dire qu’on va se rendre au tribunal. Il y a toujours de la place à la négociation et souvent, les dossiers vont se régler de cette façon-là.
Ça peut être long passer au TAL
C’est vrai que ça peut être long. Par contre, ça dépend du type de dossier. En général, il faut compter entre 6 et 10 mois pour avoir une audience. Dans bien des cas, on n’a pas nécessairement le choix de passer par cette étape-là si on veut faire valoir nos droits.
Avoir un dossier au TAL nuit à un locataire
Malheureusement, c’est vrai. Les dossiers au TAL sont publics, donc un propriétaire peut faire une recherche puis voir qu’on a déposé une demande au tribunal. Techniquement, c’est illégal de refuser un locataire pour cette raison-là. Malheureusement, c’est difficile de savoir qu’on est refusé pour ça. Et souvent, ça va être considéré par un propriétaire comme quelque chose de négatif.
Un propriétaire peut demander un relevé d’emploi à un potentiel locataire
Je dirais que c’est globalement vrai. Il faut toujours se rappeler que le propriétaire ne peut vous demander que les renseignements personnels qui sont nécessaires pour déterminer votre capacité à louer le logement, et votre identité. Ça peut se faire par son dossier de crédit, un relevé d’emploi. Il ne peut pas vous demander des renseignements superflus. Le numéro d’assurance sociale, il y a plein de situations où, normalement, le propriétaire ne devrait pas le demander. La problématique que vous allez peut-être avoir, c’est que dans le contexte de pénurie de logement, si vous refusez de fournir certains renseignements, le propriétaire va tout simplement passer à la prochaine personne dans sa liste.