Monétiser sa passion pour le luxe

« Si tu fais ça uniquement pour l’argent, tu vas t’épuiser. » Assis dans son superbe appartement du Vieux-Montréal, le jeune homme originaire de l’Ontario Nolan Daniel White en convient : ce conseil peut parfois sembler paradoxal.

Parce que je ne serais pas là, dans son salon, à lui parler de succès et d’argent s’il n’avait pas réussi à percer comme créateur de contenu sur TikTok dans les deux dernières années. Mais il demeure catégorique : oui, il faut un sens de l’entreprenariat et du côté business, mais il faut en premier lieu faire quelque chose qui te passionne.

Ce mélange de discours digne d’un « coach de vie » et d’une vision rationnelle de son entreprise personnelle, c’est ce qui semble faire son succès.

Dans son cas, ce qui le passionne, c’est la mode, et en particulier donner des conseils à son auditoire sur la façon de faire des bonnes affaires – surtout sur des produits de luxe, comme des montres ou des vêtements vintage.

Exemple à l’appui : pendant l’entrevue, il porte un pull en cachemire qu’il acheté sur eBay pour une soixantaine de dollars. « Neuf, il aurait probablement coûté 1000$. »

« Je suis toujours à la recherche de trucs qui passent entre les mailles du filet. Il peut y avoir des choses qui sont chères sur papier et qui demeurent une bonne affaire, comme il peut y avoir des vêtements qui sont bon marché mais qui sont malgré tout surévalués », indique-t-il.

Sa chambre, et surtout son walk-in, occupent toute la mezzanine de son appart. C’est là qu’il nous présente avec enthousiasme ses dernières montres coup de cœur, le pull designé par son ami et le manteau d’aviateur porté par son grand-père pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le jeune homme semble avoir un faible pour une esthétique à la fois vieillotte et épurée, plus Instagram que TikTok-friendly – et, pourtant, c’est sur cette dernière plateforme que son auditoire se trouve.

C’est pendant une période creuse de la pandémie, alors qu’il faisait ses études en économie à l’Université Queen’s de Kingston, il y a un peu moins de trois ans, qu’il a commencé à créer ce genre de contenu éducatif à propos de la mode sur TikTok. Il a maintenant 262 000 abonné.e.s, surtout des hommes.

« Je fais beaucoup de topos sur certains articles ou marques que les gens ne connaissent peut-être pas, qu’il s’agisse d’articles neufs ou vintage. Je parle d’histoire, d’histoire des montres, de la mode, en plus de donner des conseils et astuces généraux que j’aurais aimé connaître quand j’ai commencé à me lancer là-dedans », résume-t-il. Les montres sont d’ailleurs un de ses dadas, et le premier type d’article fashion sur lequel il a commencé à jeter son dévolu pendant son adolescence.

Nolan n’explique pas son succès grâce à quelques vidéos qui ont explosé, mais plutôt grâce à sa constance (la clé, à son avis) et sa proposition homogène. « Ça s’est fait lentement, mais je pense que ce qui m’a fait réaliser que c’était faisable, c’est de rencontrer d’autres personnes de l’industrie qui étaient plus avancées que moi et qui avaient gagné leur vie en faisant [de la création de contenu]. »

Il l’admet lui-même : il a la chance d’être passionné par un milieu qui est hautement monétisable. « La mode est une industrie qui est très axée sur le produit. » C’est maintenant en faisant des vidéos sponsorisées qu’il génère du revenu grâce à sa chaîne, à hauteur d’environ 16 000 $ par mois en 2023 (en moyenne, parce que ça varie grandement). Je vous évite de sortir la calculatrice ici : ça fait un revenu annuel de 192 000 $ (!).

Nolan crée beaucoup de contenus, mais il ne fait pas que ça. Depuis quelque temps, il est aussi consultant. Il aide en premier lieu des entreprises qui veulent créer du contenu et avoir une portée sur les réseaux sociaux. Il fait aussi de la consultation dans le domaine du design avec celui qu’il appelle son mentor, Aaron Levine.

Pourtant, être consultant lui prend plus de temps et lui rapporte moins d’argent que gérer sa carrière de créateur de contenu. Alors pourquoi mettre des efforts là-dedans?

« C’est important de se diversifier. J’adore les médias sociaux, mais je suis aussi conscient que c’est un milieu volatile », admet-il. C’est par ailleurs ce que doivent se dire beaucoup de médias canadiens depuis que Meta bloque leurs contenus.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il redirige beaucoup son auditoire sur son site web, où il rassemble ses recommandations. « [Le site web], c’est quelque chose sur lequel tu as plus de contrôle, surtout au niveau de la présentation, de l’image de marque, de ce qui est affiché, de comment le tout est présenté », explique-t-il.

Se concentrer sur la création de contenu pourrait le forcer « à être devant la caméra pour plusieurs années », ce qu’il n’est pas encore sûr de vouloir faire. Une question qu’il est normal de se poser à 22 ans, en pleine période de recherche intérieure.

Et puis, il avoue que la création de contenu n’a pas besoin d’un énorme investissement de temps, ce qui lui permet d’accepter d’autres mandats sans nécessairement devoir sacrifier sa source principale de revenu et de notoriété.

De Nolan Daniel White se dégage un calme et une confiance que peu de gens ont à son âge. Pour atteindre son niveau de succès, il lui a fallu de la chance (comme il l’a dit, il adore une industrie qui se prête bien à l’exercice de la création de contenu), beaucoup de travail et les acquis d’études en économie.

Quand je lui demande ses conseils pour des jeunes qui voudraient suivre dans ses traces, l’influenceur me parle à nouveau de l’importance combinée de la passion et du sens des affaires. « La façon dont vous allez monétiser votre contenu est une considération très importante, mais je ne laisserais pas cela être votre force directrice. Il doit s’agir d’un sujet qui vous passionne, dont vous pourriez parler à l’infini. »