Le vidangeur Simon Paré-Poupart déconstruit les mythes sur son métier
Le vidangeur Simon Paré-Poupart déconstruit les mythes sur son métier
« J'ai des collègues qui ont perdu la vie, des gens qui ont été estropiés. »
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Mythe ou réalité, c’est une série qui va à la rencontre de ceux et celles qui pratiquent des métiers mal compris pour voir ce qu’il en est vraiment. Entre les clichés tenaces et les réalités qui surprennent, on démêle le vrai du faux en laissant parler ceux qui savent : les premier.ère.s concerné.e.s.
Simon Paré-Poupart est vidangeur et auteur du livre Ordures! Journal d’un vidangeur. Chaque jour, il sillonne les rues, ramasse nos déchets et encaisse bien plus que des sacs-poubelle : regards condescendants, conditions de travail brutales et un sentiment d’invisibilité. Entre blessures, trouvailles improbables et respect (trop rare) du métier, il nous raconte sans détour la réalité de ceux qui portent nos ordures… et pourquoi il faudrait arrêter de les traiter comme si elles leur appartenaient.
Ton métier est dangereux
Vrai. J’ai des collègues qui ont perdu la vie, des gens qui ont été estropiés. Moi, je calcule que je me blesse une fois par année. Il y a seulement 10 % des vidangeurs qui restent dans le métier longtemps.
Tu n’es pas scolarisé
C’est plutôt vrai, même très vrai. En fait, la particularité d’être vidangeur, c’est qu’on n’a besoin d’aucune scolarité, mais y a aussi des gens qui sont scolarisés, mais c’est plus une minorité.
Tu gagnes mal ta vie
C’est faux. Je crois qu’on se compare avantageusement, au travers de la construction.
Tu te sens méprisé par la société
Vrai, constamment. C’est plutôt la norme.
Tu te sens invisible
C’est tout à fait vrai. Il fallait justement peut-être écrire un livre là-dessus parce que je crois qu’on se sent invisibilisés, on se sent ignorés, jusqu’à se faire lancer des sacs, parce qu’ils nous confondent avec les vidanges qu’on ramasse.
Ta job est simple
C’est faux. C’est simple dans la description des tâches, mais dans l’exécution, c’est très complexe.
Tu te blesses souvent
Vrai. Très, très souvent. J’ai eu plusieurs hospitalisations.
Tu insultes les citoyens
C’est plutôt faux. J’ai insulté beaucoup avant. Là, j’ai beaucoup plus de contrôle, mais je dis vrai parce que ce matin, je l’ai fait. Il y en a un qui est passé à côté de moi, il a failli me frapper, il m’a éclaboussé de slush. Je l’ai envoyé chier.
Les citoyens peuvent faciliter ton travail
Oui, ça, c’est vrai, continuellement. Notamment de pas mettre, comme ça m’est arrivé ce matin, un bac vide dans une tempête de neige. Ça, c’est le moindre geste. Mais ça pourrait être aussi de pas mettre des sacs de 50 livres avec de la céramique ou de pas mettre des sacs avec des couteaux à l’intérieur.
Ton travail est exigeant physiquement
Vrai. Une partie des vidangeurs que j’ai côtoyés, c’est des sportifs manqués. C’est, de tous les emplois que je connais, le plus exigeant. Moi, il y a des gens que j’amène, avec qui je fais du sport, une rue, puis y vomissent tout à terre.
Tu ramasses beaucoup de choses dans les poubelles
Vrai. Je suis ce que j’appelle un freegan. Je recueille les déchets de la société de consommation, puis j’en vis. Moi, j’achète plus rien. Aucun bien de consommation, c’est très rare. Je viens de faire une run, j’ai des belles bottes, j’en avais plus. J’ai trouvé des belles bottes Sorel.
T’as des problèmes de consommation
De drogue? Non, faux. C’est vrai, pour la plupart, j’crois, des vidangeurs. On tolère beaucoup. En même temps, les gens consomment beaucoup, donc ça peut être difficile de décrocher. Voyant ça, voyant les écueils, j’ai décidé, moi, j’touche à rien.
T’es un ancien prisonnier
Faux, mais c’est vrai, j’pense, pour quelques collègues. Il y a une époque, littéralement, où Bordeaux fournissait quasiment des vidangeurs constamment aux différentes compagnies. Parce qu’encore une fois, puisqu’il n’y a pas de seuil d’acceptabilité, il y avait pas de discrimination pour les personnes qui avaient un casier. Alors, c’était vraiment une belle place pour eux pour se réhabiliter.
Tu es habitué à l’odeur des déchets
Oui. Si je suis sur une terrasse à Montréal, je vois un truck passer, je trouve qu’il pue. Mais une fois que t’es en arrière, on le sent pas.
Ta garde-robe sent les vidanges
Vrai et faux. J’ai une garde-robe vidange qui ne rentre pas dans la maison, mais d’ordinaire, le reste de mes vêtements que je trouve dans les vidanges, par ailleurs, comme le chandail que j’ai ici, ça sent pas les vidanges. On se lave (rires).