La grande histoire du petit bagel St-Viateur
La grande histoire du petit bagel St-Viateur
Pour Joe Morena, les bagels, c’est une affaire de famille.
Il est 9h quand nous rejoignons Joe Morena devant la boutique originale de l’entreprise familiale St-Viateur Bagel, au cœur du Mile-End. C’est une belle journée d’été qui garantit le passage d’une masse de touristes, que l’homme de 74 ans attend, le sourire aux lèvres.
Il n’a même pas le temps de passer le cadre de la porte de la boutique que déjà, il est intercepté par des habitué.e.s qui veulent le saluer – c’est d’ailleurs ce qui se produira pendant toute la durée du tournage.
Une fois les salutations faites, Joe Morena nous invite à le suivre dans son petit bureau, dissimulé derrière la caisse et le grand four à bagel de la boutique. C’est dans cette toute petite pièce aux murs tapissés de portraits de famille que l’on trouve finalement un peu de quiétude me permettant de mener mon entrevue.
La famille d’abord
Aux yeux de Joe Morena, un Italien arrivé au Québec à 10 ans pour s’installer dans le quartier, St-Viateur Bagel est un projet familial d’abord, une entreprise commerciale ensuite. Celui-ci a commencé à y travailler à ses 14 ans et aujourd’hui, ses fils ont repris les reines de la marque, et ça, c’est sans compter ses quatre petits-enfants qui prennent à l’occasion des shifts sur le plancher de la boutique. « Je suis fier, parce qu’on travaille ensemble », lâche Joe.
Sa femme, qui a épaulé son mari et ses fils dans la croissance de l’entreprise, se fait toutefois un point d’honneur de maintenir les discussions commerciales hors de la maison : « Arrête de parler business, on parle pas de bagels ici », lance-t-il pour l’imiter.
Des poignées de main qu’on n’oublie pas
« Les moments marquants, pour moi, ce sont les gens que j’ai rencontrés », explique Joe, alors qu’il nous pointe du doigt toutes les personnes qui ont ponctué l’histoire de St-Viateur Bagel. « Céline est rentrée ici, elle avait 14 ans », se remémore Joe en pointant les archives de journaux relatant le passage de la grande chanteuse à la boutique originale. « Leonard Cohen était ici 3, 4 fois par semaine », ajoute-t-il.
Et mon équipe n’échappe d’ailleurs pas à cette habitude qu’a Joe de prendre le temps de passer un bon moment avec chaque personne qui s’intéresse à son entreprise familiale. Aussitôt le tournage en boutique terminé, il me lance un regard complice et me demande : « Quelle sorte t’aimes? ». Il empoigne 4 bagels au sésame et nous invite à le suivre vers un restaurant italien, quelques coins de rue plus loin, pour partager un dîner avec Cloé, la réalisatrice, Édouard, l’assistant-caméra, et moi, préparé par ses amis. « Cameras off », insiste-t-il.
C’est en regardant un match de soccer en silence, graines de sésame au coin de la bouche, que je me rappelle la phrase pleine d’humilité avec laquelle Joe a conclu notre entrevue : « En réalité, je suis seulement un bagel maker. »