Portrait
De la Norvège à la France: 4200 km à vélo avec un canva
Plus tôt cette année, Lucas Lajoie a décidé de faire de l’art un peu différemment. En embarquant dans un périple de 4 200 km à travers l’Europe avec un vélo et une toile, l’artiste n’a utilisé aucun moyen traditionnel pour créer son œuvre.
L’art du voyage sans contrôle
« Je me sentais un petit peu trop dans ma zone de confort. » C’est ce constat, presque banal pour un artiste, qui a poussé Lucas Lajoie à troquer le calme de son studio pour le chaos de la route. Artiste-peintre montréalais au style physique et instinctif, Lucas a décidé de fusionner ses deux passions : le vélo et l’art. Son projet ? Traverser l’Europe avec une toile vierge accrochée à sa bécane, sans pinceaux ni peinture, pour laisser le paysage et les rencontres dicter l’œuvre finale.
La toile comme carnet de bord
Le périple commence à Kirkenes, en Norvège, tout près de la frontière russe. Devant lui, des milliers de kilomètres jusqu’à Nice, dans le sud de la France. Mais contrairement à ses habitudes de création, Lucas est parti sans « médium » classique. Pas de tubes d’acrylique, pas de bombes aérosol. Son canevas, enroulé sur son porte-bagages, allait devenir une éponge à expériences.
Pendant des semaines, la toile a servi de tout : bâche pour se protéger de la pluie, tapis de sol sous la tente, ou nappe improvisée. Chaque kilomètre parcouru a laissé une trace. La poussière des routes scandinaves, le pollen des champs français et même les intempéries ont imprégné la fibre. « Je voulais chaque kilomètre transcende sur la toile d’une façon que je ne pouvais pas prévoir », explique-t-il. Sa première « tache » ? Une goutte de sang, après s’être coupé en sortant son vélo de sa boîte à l’aéroport. Le ton était donné : l’œuvre serait organique ou ne serait pas.
L’humain derrière la trace
Si Lucas pensait d’abord être inspiré par la rudesse des paysages, ce sont finalement les humains qui ont fini de colorer son voyage. Tout au long de sa traversée, il a ouvert son canevas aux inconnus croisés en chemin. En Finlande, après 220 km de pédalage intense, il se retrouve sans eau ni nourriture devant une épicerie fermée. C’est Jouni, un vieux « backpacker » local, qui le sauve en lui offrant des repas déshydratés. En guise de remerciement, Jouni signe la toile.
À Nice, point d’arrivée de son expédition, Lucas croise un ouvrier qui marque le sol à la canette de peinture aérosol. Il lui demande d’intervenir directement sur son œuvre. Cette ligne orange fluo, purement industrielle, vient clasher avec les tons terreux et naturels accumulés pendant le voyage. C’est ce contraste entre l’organique et l’intervention humaine qui donne à ses toiles une profondeur unique.
Une texture faite de souvenirs
Pour Lucas, la beauté de l’œuvre ne réside pas dans sa perfection esthétique, mais dans son évolution. La texture la plus importante de son projet ? Les plis. Chaque pli raconte un campement, un rangement matinal, un moment de fatigue ou d’exaltation. « Sur cette toile-là, chaque pli a une histoire au final. »
Fort de cette expérience libératrice où il a accepté de perdre le contrôle, l’artiste a réitéré l’expérience en Tasmanie, cette fois en réintroduisant quelques médiums, mais en gardant la même philosophie : l’art n’est pas une destination, c’est le mouvement. Ses œuvres sont désormais recto-verso, offrant deux visions d’un même trajet.
À travers ses canevas froissés et tachés, Lucas Lajoie nous rappelle que parfois, pour créer quelque chose de vrai, il faut accepter de sortir du cadre et laisser la vie, et la route, faire le reste du travail.
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