Achat local en baisse : les entrepreneurs d’ici à bout de souffle
Achat local en baisse : les entrepreneurs d’ici à bout de souffle
La propriétaire et fondatrice de SELV RITUEL, Sarah Laroche, lance un cri du cœur.
Pandémie, et maintenant l’inflation, catégorie dans laquelle le Québec est d’ailleurs sacré champion par rapport à la moyenne canadienne en raison de son taux, provoquant chez certain.e.s entrepreneur.euse.s un épuisement professionnel et une santé mentale en lambeaux. Et c’est sans compter la pénurie de main-d’œuvre, qui touche à peu près tous les secteurs et toutes les régions de la province, l’explosion du prix des baux commerciaux, qui donnent certainement un bon mal de tête à ceux et à celles qui en subissent les conséquences…
Ces quelques phrases vous donnent probablement un léger vertige. Pourtant, je ne fais que vous décrire la réalité des entrepreneur.euse.s d’ici.
La propriétaire et fondatrice de SELV RITUEL, une entreprise montréalaise de produits pour le corps, Sarah Laroche, peut en témoigner.
C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait cet été en lançant un cri du cœur, partagé via le compte de son entreprise qui a plus de 70 000 abonné.e.s : « Je prends ce moment-là aujourd’hui pour adresser un sujet qui n’est pas super plaisant, mais qui est réel. […] Il se passe une réalité au Québec : on est tous frappés par la crise économique. Et ça touche SELV », expliquait Sarah, avec un sourire malgré la situation critique, dans sa vidéo qui a récolté plus de 60 000 vues au moment d’écrire ses lignes.
L’entrepreneuse a senti les effets de l’essoufflement de l’achat local qui s’est amorcé en 2022. « Les PME ressentent plus que jamais la fin de la mobilisation, si forte et soutenue il y a à peine quelques mois. […] En réponse à l’inflation, plusieurs consommateurs et consommatrices se tournent vers les multinationales pour acheter à moindre coût et maintenir un semblant de qualité de vie », peut-on lire dans une lettre ouverte signée par des entrepreneur.euse.s, et publiée en mai 2022 dans La Presse.
L’inflation n’a lui non plus pas épargné les PME québécoises : SELV RITUEL fait partie des plus de 95 % d’entre elles qui ressentaient les effets sur leurs activités, d’après un rapport publié en février 2023 par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante :
augmentation du prix des produits, des heures travaillées au sein de leur compagnie et de leur endettement. Les propriétaires de ces entreprises tentent de s’adapter au nouveau climat économique, et certaines n’y arrivent simplement pas, à bout de ressources.
Ce qui mène à cette année, 2023, qui a été marquée par la montée du nombre de faillites et de dossiers d’insolvabilité de particulier.ère.s et de compagnies, autant au Québec qu’au Canada, rapportait le Journal de Montréal en août. Ce sont 16 268 cas qui sont survenus durant les six premiers mois de l’année, soit une augmentation de 17,7 % comparativement à la même période en 2022. La hausse fulgurante des taux d’intérêt et le ralentissement des dépenses des consommateurs.trice.s, qui, eux aussi, souffrent des contrecoups de l’économie actuelle.
Choisir la transparence
« Ce n’est pas une période facile. Je me suis exprimée parce que je tenais à avoir une transparence là-dessus. Je ne suis pas la seule qui vit ça. Après le post, au moins 300 personnes m’ont écrit pour me dire qu’elles vivaient la même chose », témoignait Sarah dans sa vidéo, affirmant qu’elle n’est pas un cas isolé.
Créée en pleine pandémie, il y a trois ans, SELV RITUEL était sur une belle lancée, d’après sa propriétaire.
« On avait une croissance de 459 % par mois, ce qui est faramineux, on capotait. Maintenant, on a baissé nos ventes de 70 %. C’est vraiment la crise économique. On a vraiment tout essayé », constate-t-elle.
Envisager la fermeture
« À cause de notre croissance, on était déjà un peu brûlés. C’est drainant être en startup. T’appliques des méthodes qui ne vont pas nécessairement durer. […] On est arrivés en pleine crise économique en étant fatigués. On doit retourner en stratégie, en opération, faire des coupures. Notre plus grand enjeu en tant qu’équipe, c’est d’être fatigués. Et on dirait que c’est gênant de le dire », fait remarquer Sarah.
Même si Sarah est déterminée à faire en sorte « que [sa] compagnie survive », elle semble sereine à l’idée de fermer son entreprise, si cela devait arriver.
« Mon instinct me dit que ça va aller et toutes nos actions aussi. […] Si on ferme, je suis persuadée que tous mes employés vont se trouver un emploi. Je suis sécurisée par rapport à ça. »
« Au niveau de mon image, si on doit fermer, j’ai zéro stress. Je vais être transparente. Ça va être correct », croit la gestionnaire.
Qu’aurait Sarah à dire aux autres entrepreneur.euse.s qui vivent la même situation qu’elle ? « Il faut aller chercher de l’aide. Après avoir mis la vidéo, j’ai eu beaucoup d’aide. On est en financement, donc on rembourse des prêts tous les mois. Les banques nous ont appelés pour nous donner une pause de six mois. Si j’avais été orgueilleuse, on aurait fermé », souligne-t-elle.