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Vous pensez à blesser votre bébé? C’est normal.

Un phénomène courant, mais dont on parle trop peu dans l’espace public.

Par
Laurence Niosi
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« J’ai peur de devenir fou », « J’ai peur qu’on ne me fasse pas confiance avec mon propre enfant ». Sur les réseaux sociaux, des parents se confient sur des pensées négatives qui les inondent après la naissance de leurs enfants.

Bébé mort dans un terrible accident de voiture, attaqué par une meute de chiens, noyé dans le bain ou tombé de plusieurs étages… Des pensées indésirables peuvent tourmenter les nouveaux parents et les faire douter de leurs capacités à prendre soin de leur enfant. Elles peuvent à l’occasion devenir envahissantes et répétitives.

Sans nécessairement être de nature violente, ces pensées « non voulues et automatiques » peuvent « nous porter à se concentrer sur l’aspect négatif d’une situation », explique Tina Montreuil, psychologue spécialisée dans le développement des enfants et directrice du groupe de recherche du Laboratoire d’anxiété et de régulation des émotions de l’enfance.

Nathalie Martin, mère d’une fillette de deux ans, a eu des pensées intrusives dans le cadre d’une dépression post-partum. Ses symptômes sont apparus plusieurs mois après son accouchement, soit au moment de son retour au travail, ce qui l’a menée à l’épuisement professionnel.

Remise en doute de ses capacités à élever son enfant, regrets maternels, Nathalie a même considéré mettre fin à ses jours.

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« Je me suis demandé si j’étais capable. Est-ce que je suis faite pour être faite pour être mère? Est-ce que j’ai fait la bonne chose? Et si je n’y arrive pas, c’est quoi, la solution? », raconte-t-elle à Mollo.

Personne n’y échappe

Au moins 70 % des nouvelles mamans déclarent avoir eu des pensées indésirables et intrusives en lien avec des préjudices causés à leur nourrisson, selon une étude publiée dans la revue scientifique BMC Psychiatry en 2019. Parmi elles, 50% disent avoir eu des pensées intrusives liées au fait de nuire intentionnellement à leur bébé.

Selon Tina Montreuil, autant les mères, affectées par les débalancements hormonaux après la grossesse, que les pères peuvent avoir des pensées intrusives. Ces derniers peuvent être perturbés par les changements de routine ou les cris stridents et les coliques d’un enfant, par exemple. Tous des bouleversements environnementaux qui peuvent avoir des incidences sur l’équilibre hormonal et la santé mentale d’un nouveau parent.

Il arrive aussi que des individus ayant subi des maltraitances de leurs parents aient si peur de répéter ces mêmes gestes sur leurs propres enfants – ce qu’on appelle la transmission intergénérationnelle de la maltraitance – qu’ils se retrouvent envahis de pensées intrusives.

Bref, personne n’y échappe, estime Tina Montreuil. Et ces pensées sont normales.

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« Si on en n’a pas [des pensées intrusives] c’est qu’on est très déconnectés de la réalité ou qu’il y a des troubles neurodéveloppementaux », dit la professeure associée aux départements de psychopédagogie et de psychologie du counseling ainsi que de psychiatrie de l’Université McGill.

Quand faut-il consulter ?

Même si elles sont normales, il faut commencer à s’inquiéter quand on accorde une importance démesurée à ces pensées, comme s’il s’agissait de faits. « C’est là que la pensée intrusive peut devenir malveillante. On fait une fusion entre pensée et fait. Et là, ça peut nous amener à passer à l’action », affirme la psychologue.

Selon elle, il faut consulter du moment qu’il y a une récurrence et une chronicité de ces pensées. « Quand on risque de passer à l’acte, quand on a une pensée violente à plus d’une reprise, il faut aller chercher de l’aide, consulter un professionnel. Appeler un psychologue, un médecin, un obstétricien », poursuit-elle.

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Ces ressources pourront aider la personne à normaliser ce genre de pensées, ainsi qu’à surmonter sa honte. Elles lui permettront également d’accorder moins d’importance à la pensée intrusive, et de transformer cette pensée en quelque chose de plus rationnel.

« Il faut se dire que ce n’est pas parce qu’on a eu cette pensée violente que ça fait de nous une personne violente », souligne Tina Montreuil, qui déplore l’absence de suivi postnatal des mères.

Elle suggère un « plan post-partum », semblable à un plan de naissance, pour préparer les femmes non pas à l’accouchement, mais à la période qui le suit.

Après plusieurs mois à penser qu’elle était le problème, Nathalie Martin a réussi à se déculpabiliser. En consultant des ressources en santé mentale, et en faisant notamment des lectures sur le regret maternel.

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Finalement, celle-ci s’est rendue compte qu’elle était parfaitement normale. « Ça m’a vraiment enlevé une épine du pied », dit-elle.

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