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Vouloir un enfant quand l’autre n’en veut pas

On fait comment ? Une childfree se confie.

Par
Bettina Zourli
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Moi, c’est Bettina, j’ai 29 ans, et je suis childfree : je ressens le désir de ne pas être mère. C’est un sujet encore incompris par beaucoup, un « choix » perçu comme anormal d’un point de vue sociétal. Je m’interroge donc au quotidien sur ces sujets, notamment via mon compte Instagram, que j’alimente depuis bientôt deux ans. Mon objectif ? Offrir des pistes de réflexion, faire cogiter, et ouvrir la voie à de nouveaux modèles sociétaux.

La famille, dans son sens le plus traditionnel, est encore une valeur centrale en France, pays dans lequel 81% des habitants disent que leurs moments favoris sont ceux passés en famille, selon une étude Ipsos parue en 2011.

La famille, c’est l’ensemble des personnes vivant sous le même toit, mais c’est surtout un modèle construit socialement depuis environ 2500 ans, composé de deux adultes (de sexe opposé en général), accompagné idéalement de deux enfants, eux aussi de sexe opposé. C’est en effet pendant la période du néolithique, qui a amené la sédentarisation de l’humain, que la notion de patrimoine, de possession, est apparue, et avec elle la notion de famille, telle qu’on la connaît encore largement aujourd’hui.

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Pourtant, il existe désormais un certain nombre de personnes à souhaiter ne pas avoir d’enfant (childfree) : il y aurait précisément 5% de Français.e.s, selon la dernière étude en date, effectuée par l’INED en 2011. Comment imaginer la famille quand on est childfree, sachant que nous avons de bonnes chances de rencontrer un.e partenaire dont la vision de la famille n’a rien à voir avec la nôtre ?

J’avoue avoir retourné la question dans tous les sens : peut-on être en couple avec une personne qui veut des enfants quand on n’en veut pas soi-même ? La situation est-elle perdue d’avance ? La séparation, seule option possible ?

De prime abord, il peut s’agir pour énormément de personnes la seule option envisageable. D’ailleurs, ça a été pendant longtemps mon avis sur la question. Il me semblait impossible de vivre sur le long terme une histoire avec une autre personne qui ne partage pas les mêmes envies en ce qui concerne la parentalité. Le fait qu’une personne ayant un désir d’enfant se mette en couple avec une qui n’en veut pas, aboutira forcément à une concession faite par l’un.e des partenaires, ou à un mal-être qui peut provoquer un immense regret de la part de l’un.e des concubin.e.s. Je considère qu’on n’a pas à imposer ou à vouloir faire changer son ou sa partenaire, car les deux choix de vie sont légitimes !

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Néanmoins, il peut s’agir là de faire le choix de vivre ensemble, un temps, parce que l’alchimie est exceptionnelle, parce que tout se passe bien et que le seul désaccord est celui de la famille. Dans une société où presque 45% des mariages finissent en divorce, on peut aussi imaginer de vivre une relation amoureuse pour un temps, de profiter au maximum de cette histoire, tout en sachant, sans se voiler la face, que ce couple sera voué à se séparer (non pas voué à l’échec, ça n’a rien à voir !).

Vivre la parentalité autrement

Transmettre, éduquer, vivre une histoire de parent, est-ce réservé à la parentalité biologique, classique, qui évolue et s’épanouit dans le cocon familial traditionnel ? Et si on imaginait de nouveaux modes de vie, de nouvelles manières de vivre le couple et la parentalité ?

Vivre séparément, par exemple.

Personnellement, quand j’ai appris que Helena Bonham Carter et Tim Burton, qui sont en couple, étaient voisins sans pour autant partager la même maison, je dois dire que ça m’a énormément plu. J’avoue, c’est un modèle familial qui me fait rêver, car j’ai toujours été convaincue que de vivre sous le même toit apportait son lot de routines et d’engueulades quotidiennes qui aboutissent peu à peu à la mort, lente mais certaine, du couple et de sa fougue du début.

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Mais là n’est pas – exactement – le sujet. Il paraît tout d’abord important de rappeler un point : toutes les personnes childfree ne détestent pas les enfants. Il s’agit là d’une idée préconçue, qui n’a rien de plus faux. On peut aimer côtoyer des enfants, s’occuper d’eux, voire en faire son métier, tout en ne désirant pas procréer et fonder une famille. À partir de là, on pourrait imaginer un schéma familial novateur qui puisse convenir à tous.tes.

Imaginons un homme childfree en couple depuis plusieurs années avec une femme qui a un fort désir de maternité. Plutôt que de vivre sous le même toit, on pourrait donc supposer que ce couple habite chacun chez soi. L’homme a donc son univers à lui, et la femme peut elle aussi vivre seule, adopter, voire faire un bébé seule, ou encore, dans le cas des pays qui l’autorisent, avoir recours à la gestation pour autrui (GPA). Mais sans aller aussi loin, on peut aussi imaginer une vie en coloc’ !

La colocation parentale

Quand on pense colocation, on a immédiatement en tête des personnes jeunes, souvent étudiantes ou jeunes actif.ve.s. Pourtant, ce modèle n’est réservé qu’aux moins de 25 ans ! Et si on imaginait de nouveaux modèles de colocation ?

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A l’image de cet homme, parrain d’un enfant et qui habite avec le couple et son neveu, ou de cette femme célibataire, qui ne souhaite pas d’enfant à elle mais qui vit sous le même toit qu’un couple d’ami.e.s jeunes parents, afin de pouvoir apporter un troisième modèle adulte à ce nouveau-né, sans avoir la “contrainte” d’avoir un enfant à soi, il est possible de sortir du cocon familial, de nos vies individualisées au sein desquelles l’intime, c’est forcément un couple monogame qui a des enfants et qui vit sous le même temps.

« Il faut tout un village pour élever un enfant ». Ce proverbe d’origine africaine prend alors, selon moi, tout son sens. Ne serait-il pas tout aussi riche, voire plus, de penser une éducation partagée avec plusieurs personnes pour s’occuper d’un enfant, d’un futur adulte ? Et surtout, imaginer un modèle parental et familial plus ouvert ne permettrait-il pas de cesser de voir un enfant comme étant la possession de ses parents ? Avoir plusieurs parents finalement, pourquoi pas ? En fait, il s’agirait ici, pourquoi pas, de faire évoluer toute la structure familiale pour changer la hiérarchie qui existe aujourd’hui entre les parents et leurs enfants.

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La coparentalité

On aboutirait donc à ce qu’on pourrait qualifier de coparentalité. Aujourd’hui, ce terme fait référence à deux réalités : soit deux parents hétérosexuels séparés et responsables d’un même enfant, ou alors à une famille homosexuelle.

Jusqu’à récemment, aucun pays n’autorisait le fait, pour un enfant, d’avoir plus de deux parents. Cependant, et comme nous l’avons vu tout au long de cette réflexion, les modèles familiaux tendent à évoluer et aujourd’hui, grâce à la fécondation in vitro, des enfants naissent déjà avec trois parents. Au-delà des deux définitions mentionnées ci-dessus, on pourrait concevoir une coparentalité qui regrouperait deux, trois, voire quatre personnes qui ont un désir d’élever un enfant, ensemble.

Ce mode de vie pourrait alors tout à fait se combiner avec le fait de vivre en couple avec une personne qui souhaite un enfant, alors même qu’on éprouve pas ce désir nous-même. À l’heure où le co-living explose, ce nouveau mode de vie partagée qui mêle espaces privés et espaces partagés, la coparentalité ne semble donc pas si loufoque que cela. Un immeuble de co-living pourrait contenir des appartements destinés à des personnes qui souhaitent habiter seules, qu’elles veuillent ou non des enfants et d’autres logements pour des couples avec ou sans enfants. Les espaces communs, au-delà de lieux de travail (les espaces de co-living sont destinés aujourd’hui principalement aux personnes vivant à distance), pourraient comprendre une crèche, un espace de jeux pour les enfants, voire un salon commun qui permettent aux co-parents d’élever ensemble un même enfant sans pour autant mener une vie de couple.

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Au final, l’idée est de séparer la notion de couple avec la parentalité. Parce que le couple ne rime pas nécessairement avec le désir de fonder une famille et la parentalité peut quant à elle s’imaginer au-delà du couple classique.