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Votre enfant passe trop de temps à la garderie

Ça pourrait être pire, mais ça pourrait être mieux.

Par
Christian Letendre
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Une urgence de dernière minute au travail vous oblige à aller chercher votre enfant à la garderie plus tard que d’habitude. Vous arrivez juste avant la fermeture en vous confondant en excuses. L’éducatrice vous sourit en disant que c’est pas si grave, mais vous êtes convaincu qu’aussitôt arrivée chez elle, elle va fabriquer une poupée voodoo à votre effigie.

C’est stressant quand ça arrive une fois. Mais qu’en est-il quand ça devient la norme? Est-ce que votre enfant va se mettre à aimer son éducatrice plus que vous? Est-ce que le CPE va vous charger un loyer en plus des frais de garde? Est-ce que l’éducatrice va ajouter une poupée à l’effigie de votre enfant à côté de la vôtre dans sa collection voodoo? Bref : c’est-tu si pire si votre enfant est toujours le dernier parti de la garderie?

Pour le savoir, on a parlé à Tina Fournier-Ouellet, directrice d’un CPE dans la région de Québec. Question de vous aider à déculpabiliser… ou de vous enfoncer encore plus dans la honte et les remords.

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Tant qu’il n’est pas aussi le premier arrivé…

Sur Reddit et compagnie, on compte par dizaines les témoignages de parents rongés par la culpabilité d’être les derniers à cueillir leur enfant le soir. Mais pour Tina Fournier-Ouellet, c’est surtout le nombre d’heures passées à la garderie qui a un impact.

« Chez nous, c’est souvent le même enfant qui part en dernier, mais il n’arrive jamais avant 9h30. Ceux qui sont là dès 7h et qui partent vers 17h, ça paraît pas mal plus dans leur comportement. Ils sont plus fatigués, irritables, désorganisés. »

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La directrice de CPE fait le parallèle entre une journée à la garderie et une journée au boulot. « En tant qu’adulte, on travaille généralement huit heures par jour. Eh bien, les enfants non plus, ne devraient pas dépasser ça. C’est fatigant, la garderie. Ils sont dans un groupe de 8-10 enfants, ils sont hyper stimulés, ça crie, ça pleure, ça rit, ça fait des activités… C’est pas comme un samedi relax chez vous. »

Son établissement impose d’ailleurs un maximum de dix heures de fréquentation par jour. « Si les parents dépassent ça, on charge une pénalité. Parce que le gouvernement juge qu’au-delà de dix heures, ce n’est pas adéquat pour l’enfant. »

D’ailleurs, une étude de l’Institut de la statistique du Québec publiée en 2019 déduit que passer trop d’heures à la garderie serait néfaste pour les enfants. Par exemple, ceux qui y passent 35 heures ou plus par semaine seraient plus à risque d’être vulnérables dans au moins un domaine que ceux qui y sont moins de 25 heures.

Un maximum de cinq heures par jour serait donc souhaitable, quoiqu’un brin utopique. Un avis que partage Tina Fournier-Ouellet : « Le principe des CPE, c’est génial pour permettre aux parents de travailler, mais y a quelque chose qui s’effrite au niveau du lien d’attachement. La personne que l’enfant voit le plus dans sa journée, c’est pas son parent, c’est son éducatrice. Il passe neuf heures à la garderie, il arrive chez lui, mange, se couche. Donc, pour la relation avec le parent, ça serait effectivement mieux que les heures de garderie soient diminuées. Cela dit, ce n’est aucunement réaliste dans le contexte social dans lequel on vit. »

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Déconnecter de la garderie pour mieux connecter avec les parents

Au-delà de l’heure du départ et du temps passé à la garderie, la mère de trois jeunes filles insiste sur l’importance de donner des journées de congé aux enfants.

« Je remarque que les enfants qui ont peu de vacances, ça les affecte plus que ceux qui partent en dernier tous les jours. C’est souvent eux qui ont un défi plus grand, que ce soit au niveau comportemental ou émotif. Ils auraient besoin d’un temps de connexion plus grand avec le parent. »

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Son équipe n’hésite d’ailleurs pas à prendre les devants pour s’assurer que les parents comprennent la nécessité de passer plus de temps hors-garderie. « Si on remarque que ça fait quatre mois que l’enfant vient au CPE et qu’il a eu zéro journée de congé, ça se peut qu’on interpelle le parent pour dire : “Est-ce que vous comptez offrir des vacances à votre enfant? Parce qu’on voit qu’il n’en a pas et que ça lui ferait du bien.” On va essayer de leur proposer des solutions : raccourcir ses journées, faire un long week-end, demander l’aide des grands-parents… »

Chouchou ou mal-aimé?

Pour ce qui est de la relation éducatrice-enfant, Tina Fournier-Ouellet se fait rassurante. « Les éducatrices ne se mettront jamais à haïr un enfant parce qu’il reste tard. Elles seront peut-être tristes pour lui ou ne comprendront pas le manque de proactivité du parent. Mais ça ne sera jamais dirigé contre l’enfant. »

La directrice note même qu’un départ tardif peut être bénéfique : « Il se développe souvent un lien privilégié entre l’éducatrice et le dernier parti. S’il reste juste un enfant, elle l’emmène avec elle pour faire ses tâches, comme ranger et nettoyer. Ça crée quelque chose de spécial. C’est du temps un à un que les autres n’ont pas, ce qui peut être vraiment agréable, finalement. Donc, les parents peuvent se rassurer en se disant que leur enfant ne sera pas pénalisé parce qu’il quitte plus tard. »

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Et la relation éducatrice-parent, est-ce qu’elle peut être affectée? Tant que les règles sont respectées, Tina Fournier-Ouellet ne voit pas d’enjeu. « Les parents paient le service et ils ont jusqu’à 18h pour venir chercher leur enfant, donc ils n’ont pas à se sentir mal. Surtout si ça arrive juste une fois de temps en temps. Par contre, s’ils arrivent tous les jours à six heures moins deux… »

« Oui, t’es là avant la fermeture, mais en plein hiver, avec les bottes, le manteau, t’es pas sorti avant 18h10. L’éducatrice aussi veut partir chez elle, elle a une famille et il faut la payer plus si elle reste après son shift. »

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Bref, c’est-tu si pire si mon enfant est toujours le dernier parti de la garderie?

« Non, c’est vraiment pas si pire si ton enfant est le dernier parti. Tout est une question de nombre d’heures passées à la garderie au cours de la semaine et de son année. Mais, dans un monde idéal, si la garderie ferme à 18h, assure-toi que ton enfant soit dehors à 18h! »

Sinon, on espère que vous connaissez un chamane qui sait contrer les sortilèges voodoos.