Le problème est vieux comme le monde : les bébés ne dorment pas, les parents sont fatigués.
Heureusement (ou pas), il y a des solutions. Mais elles coûtent cher.
Aux États-Unis, l’industrie du dodo de bébé est estimée à 40 millions de dollars. Les parents dépensent en moyenne entre 250 et 1000 $ pour divers programmes, webinaires, livres, rencontres téléphoniques et coaching à domicile avec des pros du sommeil. Au Québec, les prix tournent autour de 30 $ pour un PDF téléchargeable et peuvent aller jusqu’à 750 $ pour une consultation personnalisée échelonnée sur deux semaines.
L’offre est gigantesque… et pas toujours uniforme. Comment s’y retrouver? Est-ce qu’on se fait avoir en payant pour ces programmes-là, ou est-ce que dépenser un peu (ou beaucoup!) d’argent peut réellement faire une différence dans les nuits de toute la famille? On s’est penché là-dessus.
Remettre les pendules à l’heure (de nuit)
Le premier gros morceau, c’est l’accès à l’information. Les parents ne sont pas toujours au courant de ce qui est normal (ou pas) chez leur poupon, ce qui entraîne une panoplie d’attentes irréalistes – et de pression de l’entourage.
«L’industrie du sommeil nous a trompés pas mal. On veut amener nos bébés rapidement à l’indépendance, mais ça ne correspond pas nécessairement à leurs besoins.»
« C’est assez récent qu’on surinvestit le sommeil de nos bébés », indique Karolann Robinson, docteure en neuropsychologie et cofondatrice de la compagnie Bon Dodo, qui offre de la formation et de l’accompagnement autour du sommeil des bébés. « L’industrie du sommeil nous a trompés pas mal. On veut amener nos bébés rapidement à l’indépendance, mais ça ne correspond pas nécessairement à leurs besoins. C’est pour ça qu’on est confrontés à des défis qui persistent. »
C’est vrai qu’en Afrique ou en Asie, par exemple, la plupart des parents ne suivent pas de formation sur le sommeil, et tous leurs bébés font leurs nuits un jour ou l’autre.
Les expertes consultées rappellent toutes une chose : durant la première année de vie d’un bébé, et même jusqu’à 18 ou 24 mois, les réveils nocturnes sont normaux et même attendus. Biologiquement, ces réveils sont programmés pour que le parent puisse vérifier que bébé respire bien et est en sécurité. Les fameuses nuits complètes, elles, viennent à leur rythme, un peu comme la marche.
« Un enfant peut apprendre à marcher à 9 mois, d’autres à 16 mois, mais aucun n’est meilleur qu’un autre », rappelle Évelyne Touchette, professeure adjointe au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières et fondatrice de la plateforme Apprendre à dormir comme on apprend à marcher (tiens, tiens), qui vise à informer les parents et les intervenant.e.s en petite enfance sur le sommeil.
« Ce qui est important, c’est de dormir assez sur 24 h, et non pas le sommeil consécutif. Il n’y a pas d’études qui montrent un lien entre un meilleur développement de l’enfant et le fait de faire ses nuits », renchérit Marie-Hélène Pennestri, professeure adjointe au Département de psychopédagogie et de psychologie du counseling de l’Université McGill et chercheuse régulière à l’Hôpital en santé mentale Rivière-des-Prairies.
«S’il y a une chose à retenir, c’est qu’il y a une grande variabilité d’un bébé à l’autre, mais aussi chez un même bébé d’une nuit à l’autre.»
« S’il y a une chose à retenir, c’est qu’il y a une grande variabilité d’un bébé à l’autre, mais aussi chez un même bébé d’une nuit à l’autre », ajoute-t-elle. Un enfant peut dormir super bien un soir, et moins bien l’autre. En plus, certains ont besoin de plus d’accompagnement ou de proximité que d’autres une fois la nuit tombée – et, sans surprise, ça aussi, c’est normal. Comme les bébés ont un cerveau très immature et un système nerveux très vulnérable, « leur principal besoin, c’est la proximité au parent », résume Karolann Robinson.
Les fameux programmes : yay or nay?
Bon, mais une fois qu’on sait tout ce qui est normal, les méthodes et les programmes payants, on fait quoi avec ça? Surtout, comment fait-on pour ne pas dépenser 500 $ pour rien?
D’abord, on se rappelle qu’on n’est pas forcé.e de sortir notre carte de crédit. « On n’est pas obligé de suivre une technique : on la fait parce qu’on en ressent le besoin », souligne Marie-Hélène Pennestri.
En gros, la bonne manière de faire, c’est celle qui vous convient. « Je ne suis pas en position de dire à un parent quelle est la bonne façon de faire », soutient la Dre Pennestri.
Le marché offre un large éventail de pratiques pour améliorer le sommeil des bébés, certaines avec pleurs contrôlés ou non, d’autres sans pleurs. Des études contradictoires ont démontré le succès ou les failles des méthodes, notamment en ce qui a trait à l’impact sur l’attachement et à l’amélioration du sommeil des bébés.
«Je suis très méfiante de tout expert qui prétend dire à un parent quelle est la meilleure façon de faire.»
Si vous êtes parent, vous savez certainement que ces deux pôles divisent beaucoup les familles et suscitent de la controverse (et, soyons honnêtes, énormément de jugement) des deux côtés du spectre. Même du côté des spécialistes, donc, la chose divise. C’est pourquoi il est important de se renseigner avant de prendre une décision – et de dépenser des centaines de dollars.
Les expertes recommandent de surveiller les points suivants quand on cherche de l’aide. Selon elles, la méthode ou le programme doit être :
– Offert par des personnes membres d’un ordre professionnel, comme des infirmières ou des psychologues. Comme pour beaucoup de domaines, de nombreuses personnes s’autoproclament « coachs » après avoir suivi une formation de 10 h en ligne, et malheureusement, ce n’est pas suffisant pour devenir expert.e dans le domaine.
– Basé sur des données scientifiques et rattaché à la recherche actuelle.
– Adapté à votre famille, à vos besoins et à au tempérament de votre bébé, et non être une méthode toute faite qui garantit des résultats. « Je suis très méfiante de tout expert qui prétend dire à un parent quelle est la meilleure façon de faire », note Évelyne Touchette.
– Conçu de manière à respecter votre instinct de parent. Par exemple, on évite les gens qui vous recommandent de laisser votre enfant pleurer jusqu’à vomir (!) ou de continuer d’appliquer une méthode qui ne résonne pas avec vos valeurs, ou encore qui vous cause de la détresse. « Ce que les neurosciences nous disent et tout ce qui entoure l’attachement et le développement, c’est qu’on doit éviter toute stratégie qui va amener de la déconnexion avec notre bébé », indique Karolann Robinson.
Les spécialistes conseillent aussi de refuser n’importe quelle méthode appliquée à des bébés de six mois ou moins, ou qui recommande de cesser de nourrir votre bébé de nuit en deçà de six mois. « À cet âge-là, se réveiller, c’est une question de survie. C’est vraiment important de répondre au besoin de l’enfant », indique Mme Touchette.