Chaque fois, c’est la même chose. Je rentre dans une librairie et déjà, en franchissant le seuil de la porte, je peux sentir leur présence. Ils sont là, sur leur tablette, à me fixer. J’ai beau faire un détour par les romans policiers ou les classiques de la littérature, ils attendent patiemment. Dès que je m’approche de leur présentoir, j’entends la voix du célèbre comptable professionnel agréé à la crinière de lion me susurrer à l’oreille : « En as-tu vraiment besoin? ».
Les livres de Pierre-Yves McSween ne sont jamais bien loin, et pourtant, je fais tout pour les éviter. Sûrement une bonne nouvelle pour lui, mais une bien mauvaise pour moi! « Tu devrais les lire, ça te rassurerait! », ont beau me répéter mes ami.e.s, je fais la sourde oreille.
Je fais la sourde oreille, car la question financière me stresse profondément. Et même si PY ne veut que du bien pour mon portefeuille, je préfère éviter les questions d’argent. Et si on se fie à un nouvel indice dévoilé par Centraide et Léger, c’est près de 85 % des Québécois.es qui, comme moi, vivent de l’anxiété financière, à des degrés variables.
Le problème avec l’évitement
Mais comment ça se manifeste, exactement?
Dans mon cas, j’ouvre constamment mon application bancaire pour regarder mon solde (alors que je l’ai consulté il y a exactement 15 minutes et que je n’ai fait aucune dépense depuis). J’évite aussi d’ouvrir toute facture que je reçois par la poste. « Loin des yeux, moins ça t’écoeure », comme on dit!
Disons simplement que j’esquive tout ce qui peut contenir des mots liés au champ lexical de l’argent, que ce soit des conversations, des lectures ou des conseils (même ceux de grand-maman).
Bon, au moins, je suis conscient que j’ai un problème.
Même si ça peut paraître comme une façon à court terme de ne pas vivre un stress, c’est une stratégie qui peut mener directement un individu à vivre un trouble anxieux, selon le psychologue Nicolas Chevrier. Dans ce genre de situation, même lors des consultations en clinique « l’évitement […] est la première chose qu’on doit aborder », précise-t-il.
Pourquoi? Lorsqu’on évite volontairement une situation qui nous paraît anxiogène, on envoie à notre cerveau le message qu’il a bien fait de réagir de cette façon, puisque c’était « un danger imminent ». Imaginons, une sorte de petit props bien senti de nous avoir protégé du grand méchant CPA. Sur le moment, bien sûr que ça apaise, mais à long terme, le problème peut demeurer et même empirer.
Comment s’aider?
Alerte au vaillant conseil : la meilleure arme pour faire face à un stress de manière générale, c’est le contrôle. Quand on affronte une crainte, plutôt que de la contourner irrationnellement, il est possible (et souhaité) de désamorcer l’angoisse générée par les événements.
Le but, c’est de contrôler la situation, et non l’inverse. « Il est même possible qu’on se rende compte qu’on est plutôt compétent », précise le psychologue. C’est bien smath de votre part, M. Chevrier, mais disons que je ne suis pas encore rendu à me qualifier de « compétent » face à l’argent… et c’est bien ça le problème.
D’où l’importance de la littératie financière et de comprendre quelques concepts de base qui nous aideront à voir les finances personnelles plus clairement. Arrêter d’avoir un petit haut-le-cœur quand on entend le mot budget, peut-être? Comprendre ce qui est déductible d’impôt? Et possiblement même cesser d’avoir honte de ses finances personnelles?
Et comment on fait ça? On s’informe, on consulte des outils financiers et… (vous me voyez peut-être venir) on LIT sur le sujet! « Pierre-Yves McSween fait partie, quelque part, des moyens pour pouvoir gérer notre anxiété par rapport à l’argent », lance Nicolas Chevrier.
Coup de poing dans’ face, K.-O., l’arbitre me saute dessus, je m’avoue presque vaincu, PY.
Presque… car certain.e.s pourraient lui reprocher sa rigidité ou sa démarche trop ambitieuse. Il faut savoir nuancer ses conseils et les appliquer à notre situation. Une sorte d’« En as-tu vraiment besoin? » bien retourné.
Le mot en É…
Ceci étant dit, sur le plan financier, le simple fait d’être « dans l’action » peut également faire diminuer l’anxiété.
Mais qu’est-ce que ça veut dire, « être dans l’action »? Agir, dans un contexte de finances personnelles, c’est surtout organiser son argent. C’est se fixer des objectifs concrets et, sans vouloir sonner comme un comptable, ça passe habituellement par un plan d’épargne. On n’y échappe pas.
Je le sais que ça fait au moins 50 fois qu’on vous le dit.
Mais on dirait parfois qu’épargner, ça sert à rien. Au fond, on épargne pour quoi? Et pourquoi mettre de l’argent de côté quand on peut le dépenser maintenant?
C’est ici que ça devient nécessaire de réfléchir… à votre avenir! Je sais, si vous êtes anxieux ou anxieuse, l’avenir, c’est plein de loups qui veulent vous dévorer et l’envisager est rarement une partie de plaisir.
Par exemple, dans mon cas, je me force systématiquement à mettre une bonne partie de mes entrées d’argent de côté, pour au final… aucune raison! C’est-à-dire que je n’ai pas d’objectif précis en tête, sinon que de me créer un coussin d’urgence. Et j’ai tendance à imaginer toutes les « urgences » possibles, alors je préfère y déposer plus d’argent que pas assez. Bref, un heureux problème… qui ne m’aide pas du tout à faire diminuer mon angoisse face à l’argent.
Je devrais plutôt penser à ce que je veux faire plus tard : un voyage, des études, me procurer un beau chat pur race… peu importe. C’est ça qui rend un plan d’épargne concret. Et, qui sait, peut-être que ça va apporter un peu de douceur dans l’anxiété. De cette façon, on détermine nos propres besoins et on met de l’argent de côté à notre rythme, sans pression (non, pas comme le rappeur, même s’il doit avoir des pas pires CELI).
C’est pourquoi, sans objectif, l’anxiété financière peut persister.
Se fixer un objectif est donc capital, mais encore faut-il qu’il soit réaliste. Ce réalisme dépend tout simplement de notre stress face à l’argent. Une rencontre avec un conseiller.ère ou un.e planificateur.trice financier.ère peut alors nous aider à bien cerner nos besoins (et à partager notre charge mentale), puisqu’ils diffèrent d’une personne à une autre.
Bonne chance!