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Voici comment parler des cultures autochtones avec vos enfants

Des trucs pour ouvrir la discussion tout en douceur.

Par
Gabrielle Tremblay-Baillargeon
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Nouvelle génération, nouveaux constats. Personnellement, je n’ai pas envie que ma fille apprenne l’histoire des peuples autochtones comme je l’ai apprise à son âge : remplie de clichés franchement dérangeants, d’amalgames douteux et de chansons qui ont mal vieilli. Mais comment je fais pour parler de colonialisme, de réconciliation ou encore de culture autochtone à ma fille si, moi-même, je me sens peu outillée à le faire?

Pour comprendre comment aborder ce sujet complexe (et surtout, savoir quand le faire), j’ai contacté Diane Campeau, professeure invitée à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, et Maud Gauthier-Chung, autrice jeunesse, pour parler de la manière dont elles tissent des ponts entre leur culture et celles des peuples autochtones.

Commencer jeune, c’est mieux

Diane Campeau tient depuis plusieurs années des ateliers de sensibilisation à la culture autochtone à travers le Canada. En Colombie-Britannique, en Alberta, au Yukon, en Ontario et au Québec, elle rencontre des parents, du personnel éducateur et des enfants pour parler de réconciliation. Dans les provinces de l’Ouest, l’enseignement de la culture autochtone est inscrit dans le cursus scolaire. Ici… non.

« Le Québec, c’est la province la plus en retard là-dessus », déclare d’entrée de jeu la professeure qui ne cache pas son désarroi.

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Selon elle, si on veut vraiment faire un pas dans la bonne direction, pas besoin d’aller loin : il faut d’abord s’intéresser à ce qui se passe près de chez nous. Pour les tout-petits, la professeure propose de leur faire connaître la culture des peuples autochtones locaux. « On va plutôt parler de la culture des gens qui sont sur l’espace où nous sommes, pour qu’ils réalisent qu’avant que la colonisation arrive, il y avait des gens ici », explique-t-elle. L’objectif est de faire comprendre aux enfants que les peuples autochtones ont une culture riche, vivante et encore d’actualité. « C’est important qu’on ne représente pas seulement les autochtones dans le passé », remarque la professeure.

Pour y arriver simplement, elle recommande d’intégrer des éléments culturels autochtones dans l’environnement des enfants. Par exemple, dans les garderies et les CPE, on peut afficher des mots dans les langues autochtones locales, raconter des histoires et des récits autochtones, et inclure des animaux locaux dans les activités éducatives.

« Utiliser les animaux de la faune près de chez nous, comme des ours, des caribous et des castors, plutôt que des girafes ou des rhinocéros, permet aux enfants de se connecter à leur environnement immédiat », précise Mme Campeau.

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Pour les enfants plus âgés – au niveau primaire, par exemple – on peut pousser la note un peu plus loin. Mme Campeau utilise, par exemple, des applications mobiles lors de sorties en plein air pour aider les jeunes à identifier les plantes locales et apprendre comment elles étaient utilisées par les peuples autochtones. Ainsi, les enfants peuvent s’initier aux savoirs ancestraux autochtones.

Le vocabulaire peut, lui aussi, être utilisé pour tisser des ponts entre les cultures. Alors que plusieurs langues autochtones ont perdu grand nombre de locuteurs au fil des années en raison de la colonisation, c’est un petit geste qui veut dire beaucoup. Dans les classes comme à la maison, on peut choisir la langue de la nation de proximité et apprendre certains mots-clés, comme bonjour, merci, ou même le nom des fleurs et des arbres qui poussent à proximité.

La fiction pour ouvrir la réflexion

Maude Gauthier-Chung, autrice, a choisi d’aborder la question du colonialisme à travers la fiction dans le très joli album Alexandre le Petit au pays des Lilipersils, paru en mars dernier aux éditions Dent-de-lion. Dans son livre, on retrouve le personnage d’Alexandre le Petit, inspiré d’Alexandre le Grand, qui débarque au pays des Lilipersils et tente d’imposer sa loi et de profiter des ressources du peuple, qui réplique par la force à l’invasion. Ça sonne intense, comme ça, mais tout est fait en douceur et en rigolade.

« L’idée est d’employer l’humour dans un album pour le rendre plaisant à lire, tout en suscitant une vraie réflexion », explique Maud.

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Avec un contexte historique légèrement décalé, intemporel et surtout a-territorial, l’auteure parvient à aborder les questions d’inégalité, de racisme colonial et de réconciliation. « Le travail de sensibilisation, surtout avec des enfants, ça passe beaucoup par les histoires qu’on leur raconte. Ça structure la manière dont ils voient le monde », note l’autrice, qui a travaillé de concert avec une historienne pour développer son récit.

Ainsi, l’album se prête au contexte canadien, mais peut aussi être appliqué, dans un sens plus large, à d’autres histoires de colonisation. « Comme je ne fais pas partie des Premières Nations, je ne me sentais pas légitime d’aborder la question de front. Le faire par le biais d’un peuple imaginaire me permettait de faire allusion au mécanisme général de la colonisation », explique l’autrice. Dans son livre, le peuple qui fait face à Alexandre le Petit se révolte contre l’envahisseur – un choix délibéré mis en place pour contrer « l’histoire classique du conquérant qui débarque face à des peuples autochtones passifs », poursuit-elle.

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Faire notre part

C’est cool, tout ça, mais comme parent allochtone, comment peut-on faire notre part, surtout quand, comme moi, on a reçu une éducation assez limitée sur les peuples autochtones? Je ne sais pas pour vous, mais de mon côté, les cours sur les peuples autochtones de mon école secondaire se résumaient pas mal aux maisons longues et aux maisons rondes.

« On ne peut pas se réconcilier avec quelqu’un qu’on ne connaît pas. Il est important de connaître le territoire sur lequel on vit et les peuples qui l’habitent », insiste Diane Campeau.

La professeure conseille également aux parents de participer activement à l’apprentissage de leurs enfants en les accompagnant dans des activités de découverte de la culture autochtone. Ici, on parle de visites de sites historiques, de participations à des événements culturels comme un pow-wow ou même de visites d’expositions thématiques.

Et pas seulement le 21 juin, hein : à l’année longue.

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