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Avoir des colocs quand on est parent : bonne ou mauvaise idée ?

« Il faut tout un village pour élever un enfant », ou au moins quelques colocs.

Par
Alexia Boyer
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Lorsque Marilyn et son conjoint ont souhaité devenir propriétaires, acheter seuls n’était pas financièrement envisageable. Ils ont donc fait l’acquisition d’une maison à parts égales avec un couple d’amis avec qui ils vivaient déjà en colocation.

Accéder à la propriété à quatre n’a toutefois pas été une mince affaire : les banques et les assurances n’étant pas habituées à ce type de clientèle, elles se sont montrées plutôt réticentes à les accompagner dans ce projet. Les aspects administratifs ont donc représenté « une logistique qui vient avec beaucoup plus de défis » pour les quatre copropriétaires.

Il y a trois ans, l’arrivée d’un bébé dans chaque couple n’a toutefois pas remis en question leur mode de vie, et les deux familles partagent toujours la même maison dans Lanaudière.

« On est quand même deux familles distinctes, précise-t-elle. On fait tout ensemble, mais il y a aussi des discussions qui ne concernent que mon couple. »

Une famille élargie

Trine Mikkelsen, quant à elle, vit à Montréal avec son conjoint et leur fille âgée de 12 ans, dans l’appartement dont ils sont locataires depuis maintenant une quinzaine d’années. La famille a successivement cohabité avec plus d’une dizaine de personnes aux profils variés : étudiants, familles monoparentales, couples d’aînés, etc. Pour Trine, qui est d’origine danoise, adopter ce mode de vie était très naturel.

« L’habitat partagé est très répandu au Danemark, et ce, depuis les années 1970 », explique-t-elle. De plus, tant pour elle que pour son conjoint également d’origine européenne, un tel arrangement permet de « se créer une famille élargie » au Québec.

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Ils ont d’ailleurs créé Lykkå Village, un groupe Facebook et une plateforme numérique destinés à ceux qui souhaitent créer leur propre communauté.

De plus, vivre en colocation signifie profiter d’une stabilité financière et d’une qualité de vie que la famille de Trine et ses colocataires pourraient difficilement s’offrir autrement. « Ça permet à des familles, notamment des familles monoparentales, de vivre dans des quartiers plus favorisés et sécuritaires, explique la résidente d’Outremont. C’est là qu’on trouve de bonnes écoles, davantage de verdure, et un meilleur accès aux transports en commun. »

Financièrement, Trine estime que sa famille économise entre 7000 et 8000 $ par année en partageant le loyer, mais aussi les dépenses reliées à l’épicerie, aux tâches ménagères, à la garde des enfants ou, encore, au partage d’auto. « On devrait faire d’autres choix de vie si on ne partageait pas l’appartement, notamment en matière d’engagement dans la communauté, qui n’est pas rémunérée, la majorité du temps », complète-t-elle.

Les colocations peuvent également prendre davantage la forme d’un échange de service, comme ce fut le cas pour Claudine Gagnon. À Vancouver, puis à Montréal, l’éducatrice à l’enfance s’est logée moyennant quelques heures de gardiennage par semaine.

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Partager bien plus qu’un toit

Chez Marilyn comme chez Trine, la colocation va bien au-delà du partage d’un même logement. Les familles partagent les repas, font des activités ensemble, et s’épaulent au quotidien.

Dans le foyer de Marilyn, chaque adulte ne cuisine qu’un souper par semaine, et ils s’aident pour garder les enfants ou les conduire à la garderie.

« Ça nous offre un mode de vie tellement plus satisfaisant sur tous les niveaux », ajoute Trine. Elle énumère parmi les avantages le sentiment de sécurité et le soutien au quotidien que la colocation lui procure.

Les couples partagent les mêmes valeurs en matière d’éducation, et chacun peut intervenir auprès des enfants. « Ça va de soi que si mon enfant fait quelque chose de mal, l’adulte peut faire une intervention et je vais le laisser faire », témoigne Marilyn, qui ajoute qu’elle aura ensuite une conversation sans la présence de l’enfant en cas de désaccord. « Je ne suis pas belle-mère, donc je n’intervenais pas en tout temps, explique Claudine, qui a cohabité plusieurs mois avec une mère monoparentale et son fils de huit ans. Si c’était un petit incident, j’intervenais, mais je laissais la mère gérer les plus grosses crises. »

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Comme la famille de Trine partage parfois son appartement avec des personnes qui n’ont pas d’enfants, elle est très claire au moment du recrutement sur le fait que le mode de vie de la colocation doit être adapté à la présence d’un enfant. En parallèle, sa fille a appris alors qu’elle était très jeune à respecter l’intimité de chacun.

Communiquer, c’est la clé

« Une fois par mois, on déjeune tous ensemble pour discuter de comment on va, mais aussi de comment on fonctionne en tant que communauté », explique Trine. Ce fonctionnement leur permet, notamment, de désamorcer les conflits en abordant les problèmes avant qu’ils ne deviennent trop importants. Chez Marilyn, la communication est moins structurée, mais tout de même constante. « Si quelque chose nous chicotte, on va le dire spontanément », rapporte-t-elle, et les couples s’assoient ensemble dès qu’un sujet mérite une discussion plus approfondie.

Trine insiste également sur l’importance de la communication en amont. « Tout le monde est bien gentil autour d’un café, c’est pourquoi il faut prendre le temps de connaître les gens, par exemple en faisant une activité », suggère-t-elle.

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Elle conseille, notamment, de discuter de la façon dont chacun gère les conflits. « Au lieu de faire comme si tout allait toujours aller bien, il faut discuter de comment gérer les situations difficiles, insiste-t-elle. On ne peut pas être agréable tout le temps, et le prétendre ne construit pas des fondations solides. »

Des liens pour la vie

« [Les conflits] sont aussi les moments où ça devient intéressant, car c’est comme ça qu’on apprend à se connaitre », croit Trine, qui raconte avoir déjà résolu des discussions compliquées autour d’un verre de vin. Aujourd’hui, plusieurs de ses anciens colocataires font encore partie de sa vie.

« Ce n’est pas parce que [on ne vit plus ensemble] qu’on n’a plus de liens », corrobore Claudine. En effet, la fille de Trine invite encore d’anciens colocataires à fêter son anniversaire. Toutefois, même si l’adolescente a l’habitude de voir des gens entrer et sortir de sa vie, « parfois, c’est difficile pour elle de [les] voir s’éloigner alors qu’elle a créé des liens forts. » Ses parents doivent alors l’aider à gérer ses émotions, et lui faire comprendre que « ce n’est pas parce qu’une personne se détache d’elle qu’elle n’a pas compté dans sa vie ».

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