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Vivre de paie en paie: un monde de choix déchirants

Trois personnes nous racontent leur réalité quotidienne.

Par
Mélanie Loubert
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«La première chose sur laquelle je tends à couper c’est le budget des sorties et des loisirs.» Pour Valérie, qui termine des études en création littéraire, vivre de paie en paie, c’est le quotidien. Le sondage annuel de l’Association canadienne de la paie annonçait l’année dernière qu’environ près du tiers des Québécois vivent d’une paie à l’autre. Mais qu’est-ce que ça veut dire exactement? Et qu’est-ce que ça implique au quotidien, au-delà d’être serré dans ses dépenses?

On a parlé à trois personnes qui sont prises dans cet engrenage.

Stratégies de survie

Valérie habite en appartement depuis maintenant deux ans avec son amoureux. La priorité pour elle, c’est l’école. Alors pour payer ses études, elle a toujours alterné les jobs étudiantes: camps de jour l’été, boulangerie, épicerie ou gym l’hiver. Et God knows que le salaire minimum actuel n’est pas très élevé. Sa stratégie pour joindre les deux bouts c’est d’abord de se faire un budget: «C’est évident que je dois me planifier un budget pour tout. En plus de l’argent prévu pour l’Hydro, internet, téléphone, j’ai mon budget épicerie, mon budget sorties et loisirs, et je dois me prévoir de l’argent de côté pour les soins de santé et autres urgences de dernière minute.»

«Vivre de paie en paie, c’est ne jamais pouvoir se permettre quoi que ce soit.»

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Cette tactique lui permet de réussir à survivre à ses fins de mois, sauf que parfois, il ne reste pas grand-chose pour les activités sportives par exemple. «Ayant été une grande sportive plus jeune, ça devient plus difficile de pratiquer les activités que j’aime avec mon budget plus serré, comme les classes de danse, et je dois dire que ça me manque beaucoup.»

Magalie, elle, est travailleuse indépendante. Et la raison pour laquelle elle vit au même rythme que Valérie, c’est que la grosseur de son portefeuille dépend des contrats qui se présentent… ou pas. «Dès que je reçois une paie, je mets deux loyers de côté (si possible) au cas où je n’ai pas de contrat le mois prochain», explique la jeune fille qui trouve la situation très difficile.

«Vivre de paie en paie, c’est ne jamais pouvoir se permettre quoi que ce soit. C’est de se sentir mal d’acheter quelque chose qui n’est pas essentiel. C’est de penser à chaque dépense pour voir si je peux me la permettre», déplore-t-elle. Mais son amour pour son travail lui permet de persévérer en espérant que le mois prochain sera meilleur.

Quand la santé en souffre

Bien souvent, ce genre de mode de vie a des impacts nocifs sur la santé mentale et physique. Pour Valérie, c’est surtout la santé mentale qui en prend un coup à cause du manque d’argent pour les activités physiques: «Le sport est certainement une dépense utile aux besoins psychologiques et à la gestion des émotions, dont le stress qui, personnellement, m’affecte grandement. Je dois parfois même m’adonner à des régimes particuliers en raison de ma condition et il est parfois difficile de manger sainement avec un budget limité.»

«L’autre jour j’avais besoin de m’acheter des Advil et je n’avais même pas l’argent pour enlever mon mal de tête.»

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Pour Magalie par contre, il est parfois difficile de s’adonner aux dépenses les plus élémentaires: «Je stresse vraiment beaucoup quotidiennement par rapport à ça. Je regarde mon compte de banque tous les jours. Des fois, il y a des achats essentiels que je ne peux pas faire. Par exemple, l’autre jour j’avais besoin de m’acheter des Advil et je n’avais même pas l’argent pour enlever mon mal de tête.»

Les conséquences psychologiques de vivre de paie en paie

Alex est un artiste vivant au rythme de pièces de théâtre, cours universitaires et voyages autour du monde. Par contre, son rythme de vie implique qu’il a souvent dû apprendre à vivre à la petite semaine, en attendant la prochaine paie.

Pendant une année complète, il a dû se priver d’aller au restaurant ou de faire des activités avec ses amis. On peut s’imaginer qu’un tel mode de vie n’est pas sans conséquence sur la confiance en soi: «J’ai toujours senti que cela me rendait moins bon que les autres, que je faisais quelque chose de pas correct avec ma vie», explique-t-il. Rappelons-le, un tiers des Québécois étaient dans sa situation en 2017 – imaginez en temps de pandémie!

«J’ai fini par me retrouver avec des gens comme moi qui ne pouvaient pas se payer des sorties.»

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Lorsqu’il parle de son cercle social, il le décrit ainsi: «Les amis changent. C’est sûr que quand tes amis veulent faire un truc et que t’as pas l’argent, à la longue ça peut devenir ennuyant. J’ai fini par me retrouver avec des gens comme moi qui ne pouvaient pas se payer des sorties.»

Le témoignage de Magalie concorde avec ce qu’Alex dit: «C’est vraiment lourd surtout quand ton entourage n’a pas nécessairement de problèmes financiers, de devoir dire non pour aller prendre un verre ou tout simplement se faire livrer de la nourriture un vendredi soir.»

Si certains savent que c’est une situation temporaire, d’autres ont peur d’avoir à jongler ainsi avec les sous pendant encore longtemps. Quand on demande à Alex quelles sont les options qui s’offrent à lui s’il perd son emploi, il répond «j’en ai aucune idée et je préfère ne pas y penser».

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