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Vendre (et acheter) de la bonne conscience environnementale
50 nuances de «greenwashing».
L’écoresponsable™ est le nouveau cool, mesdames et messieurs.
Oubliez la crème autobronzante, la télévision couleur et (plus récemment) les mom jeans. Maintenant, on veut du vert, on veut du vrai. Qu’importe si vous n’avez jamais utilisé une maudite paille de votre vie : il vous en faut une en métal.
Ah, vous ne souhaitez pas prendre le bus? N’ayez crainte, on vous trouvera quelque part un VUS ayant une certification éco-truc-binouche.
Ah, vous ne souhaitez pas prendre le bus? N’ayez crainte, on vous trouvera quelque part un VUS ayant une certification éco-truc-binouche. Pardon? Laquelle, me demandez-vous? Who cares, vous êtes hip. Vous faites votre juste part. Ou la faites-vous vraiment?
Si acheter est voter (on pourrait en débattre), on nage dans une campagne électorale perpétuelle où les promesses scintillantes se retrouvent jusque dans notre papier de toilette (recyclé). C’est tout juste si certaines compagnies ne nous donnent pas une tape dans le dos en lâchant un « you go gurl #savetheplanet » lorsqu’on achète une de leur nouvelle bébelle pseudo-écolo.
On ne peut nier qu’une prise de conscience environnementale réchauffe (ho ho) actuellement la planète. Et qu’il existe une volonté réelle des consommateurs, euh, des contribuables, oups, des citoyens et citoyennes, de vouloir faire concorder leurs achats avec leurs valeurs.
Vous souhaitez avoir une conscience environnementale en paix, et beaucoup d’entreprises veulent vous vendre des solutions.
Mais comment distinguer le vrai du faux? On a enquêté.
Bye bye greenwashing, bonjour/hi fakewashing?
Vous connaissez l’expression « je me coucherai moins niaiseux ce soir »? Semble-t-il qu’on s’est couché moins niaiseux quelques fois de suite ces dernières années, et que ces nouvelles connaissances ont donné lieu à une résilience accrue aux stratégies de greenwashing des compagnies, un concept aussi appelé écoblanchiment.
Autrement dit : affirmer à tort qu’un produit est écoresponsable est un pari plus risqué que jamais. Les compagnies qui le font se magasinent un backlash.
« Aujourd’hui, avec internet, les consommateurs sont beaucoup plus avisés, explique Élisabeth Robinot, professeure au Département de marketing de l’ESG-UQAM. Une compagnie ne peut plus vraiment se permettre d’être accusée de faire du greenwashing, car c’est très néfaste vis-à-vis de leur notoriété et de leur image de marque. »
Rappelons-nous en 2015 quand Volkswagen a littéralement triché aux tests d’émissions de carbone américains pour ses véhicules qui fonctionnent au diesel. Disons que ça avait passé de travers dans la gorge de pas mal de monde. Si des mensonges aussi grossiers sont (heureusement) en voie de disparition, peut-on dire pour autant que le greenwashing n’existe plus?
« Il y a quand même une capacité des entreprises à être plus subtiles dans leurs pratiques », nuance pour sa part Luc Brès, codirecteur du Laboratoire interdisciplinaire de la responsabilité sociale des entreprises de l’Université Laval. « Il faudrait inventer un nouveau mot : le fakewashing! »
« Quand on voit le discours des minières et des pétrolières autour du pétrole “propre”, c’est une posture qui n’est pas vraiment du mensonge, mais pas vraiment la vérité non plus. »
Le professeur fait référence au jeu narratif auquel se prêtent certaines compagnies. « Quand on voit le discours des minières et des pétrolières autour du pétrole “propre”, c’est une posture qui n’est pas vraiment du mensonge, mais pas vraiment la vérité non plus. »
S’améliore ou s’améliore pas?
N’ayons pas peur des mots : cette game-là peut parfois être déprimante. Mais heureusement, le milieu des affaires progresse sur la question environnementale, estime Élisabeth Robinot. Pour les compagnies, être écoresponsable, ça va au-delà du branding.
Celle qui se spécialise dans l’étude des comportements des consommateurs vis-à-vis de l’adoption de pratiques respectueuses de l’environnement parle d’une « boucle vertueuse ».
En 2019, 50,6% des investissements étaient dits « responsables » au Canada, contre 37,8% en 2016.
D’abord, ça permettrait d’aller chercher du financement à une époque où les investisseurs recherchent de plus en plus de fonds « propres ». En 2019, 50,6% des investissements étaient dits « responsables » au Canada, contre 37,8% en 2016.
Ensuite, prendre le virage vert, ça permet d’attirer les finissants et finissantes des grandes écoles, qui souhaitent de plus en plus œuvrer dans une entreprise cultivant une responsabilité sociale.
Un phénomène similaire survient dans le milieu industriel : lorsqu’un maillon de la chaîne de production adopte des pratiques écoresponsables, le reste de celle-ci est poussé vers le changement pour conserver « ses affaires ».
Malgré tout, chaque année, des études démontrent qu’un petit groupe d’entreprises émet la majeure partie des gaz à effets de serre. Difficile de ne pas se sentir cynique en faisant nos commissions au commerce zéro déchet du coin. À quoi bon, quand on a l’impression que les multinationales ne suivent pas notre cadence?