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Utiliser des œuvres d’artistes sans leur autorisation, c’est mal

Qui ici comprend bien la notion de droit d'auteur?

Par
Raphaëlle Drouin
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Son histoire est invraisemblable: la compagnie qui possède une vingtaine de magasins et qui a un chiffre d’affaires de 52 millions d’euros par année a utilisé ses images pour en faire des t-shirts, des sacs et des souliers.

«C’est comme si tu arrives chez vous et que tu te rends compte que quelqu’un t’a volé. C’est une attaque directe.»

«C’est assez sidérant», me dit l’artiste. «Quand tu vois que la collection est déjà là, qu’il y a des photos sur Instagram, sur leur site. Tu fais comme “voyons donc’’.»

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Pas de doute, c’est une violation du droit d’auteur. «Ta première réaction c’est d’être fâchée et insultée. C’est comme si tu arrives chez vous et que tu te rends compte que quelqu’un t’a volé. C’est une attaque directe.»

L’histoire de Marie Mainguy n’est pas singulière.

https://www.instagram.com/p/CF-A64EH14O/

On se rappellera quand les magasins Zara ou Urban Outfitters ont été accusés de plagiat (ces derniers vraiment plus d’une fois) ou quand on a appris que l’humoriste français Gad Elmaleh «empruntait» ses blagues à d’autres.

Le fait est que le vol de propriété intellectuelle est une problématique beaucoup plus importante qu’on peut le penser, surtout pour les plus petits créateurs.

Mais qu’est-ce qu’on peut faire en tant que consommateurs pour soutenir nos artistes locaux là-dedans?

«Faire ses recherches»

Marie Mainguy est plutôt «habituée» de se faire voler ses illustrations. Chaque mois, elle voit ses dessins sur des chandails ou des étuis de téléphones vendus sur des sites comme Redbubble ou Alibaba, par des utilisateurs basés en Russie, en Chine, aux États-Unis.

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Ces sites ont des politiques quant au droit d’auteur, mais c’est à l’artiste de signaler qu’il y a eu vol. «Ça m’arrive souvent d’écrire à Redbubble. Des fois aussi je laisse juste tomber parce que le processus est fastidieux», explique l’illustratrice.

Elle admet que c’est frustrant de voir d’autres personnes profiter de son travail: «déjà, en tant qu’artiste, c’est dur de se démarquer et de vivre de son art. Et là quelqu’un fait juste prendre ton image et fait des profits avec ça.»

«Pour une grosse compagnie, tu ne t’attends pas à ça. En tant que consommateur tu ne peux pas t’en douter.»

Pour le consommateur, ce n’est pas toujours simple de déceler si une œuvre a été volée.

«Pour une grosse compagnie, tu ne t’attends pas à ça. Et en tant que consommateur tu ne peux pas t’en douter. Tu fais confiance à la compagnie», indique Marie Mainguy.

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Mais lorsqu’il s’agit d’items vendus sur des sites disons plus «louches» et où les styles et illustrations semblent varier pas mal beaucoup, on peut quand même se poser des questions.

«Quand on voit des choses, c’est aussi d’avertir l’artiste. Si on a un doute que c’est mal utilisé ou sans droit, c’est peut-être de faire une recherche», précise l’illustratrice.

Le Free-for-all des réseaux sociaux

Certains vols de propriété intellectuelle sont flagrants: une compagnie internationale qui utilise ton travail sans te demander la permission, par exemple. Sauf qu’il existe plein d’autres cas où c’est beaucoup moins évident.

«Avec les réseaux sociaux, ce n’est plus juste les gens mal intentionnés qui violent le droit d’auteur.»

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«Avec les réseaux sociaux, ce n’est plus juste les gens mal intentionnés qui violent le droit d’auteur, ça peut être aussi monsieur et madame Tout-le-Monde», précise Bertrand Menon, avocat spécialisé en droit des arts et du divertissement.

Le principe de base du droit d’auteur est que chaque artiste a le droit exclusif d’exploiter ou d’autoriser l’exploitation de son œuvre. Ce qui veut autant dire la reproduction, la traduction, la diffusion, la transformation, you name it.

Mais avec internet, l’art n’a jamais été autant accessible (et c’est tant mieux quand même). Et plusieurs personnes croient que si c’est online, c’est libre d’utilisation.

Juste mardi, la journaliste Isabelle Hachey partageait sur Twitter sa stupéfaction de voir sa photo utilisée pour une pub dans un journal. Une employée de l’entreprise avait pris la première image trouvée sur Google, sans penser à demander de permission.

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«Je ne peux pas décider de prendre une photo sur Facebook et l’utiliser comme photo de profil, une compagnie ne peut pas non plus utiliser une image trouvée sur Google pour son site web, mais ça arrive tous les jours», m’explique Bertrand Menon.

Moi, criminelle?

Chaque illustration, chanson, texte est sorti de la tête d’un artiste. Ça, c’est pas mal clair. Sauf que si, par exemple, je tombe sur une photo que je trouve super belle, c’est correct si je l’utilise pourvu que je donne le crédit, right?

Ouain, non.

«Quand tu as un compte Instagram, c’est pour du marketing. Chaque image que tu mets, elle a une valeur visuelle.»

Pourtant, on voit ça tout le temps. Moi-même, je suis coupable d’avoir repartagé l’illustration d’une artiste que je trouvais cool et qui fittait avec mon mood sur ma page Instagram (je fais mon mea culpa).

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Pour des artistes, être sur Instagram, c’est rendu pas mal indispensable, mais ça veut dire aussi accepter certains risques.

«Quand tu as un compte Instagram, c’est pour du marketing. Chaque image que tu mets, elle a une valeur visuelle. Il y a beaucoup de monde qui utilise mes images et me taguent. Ils veulent enjoliver leur Instagram. Mais ce n’est pas pour me faire de la promotion à moi, c’est plus pour eux», explique Marie Mainguy.

Elle précise: il suffit de demander la permission. Souvent, les artistes vont accepter que leur art soit partagé (ou tatoué sur votre corps, qui sait). Mais ne pas avoir de contrôle sur comment l’œuvre est exploitée, c’est là que le bât blesse.

L’éducation, toujours l’éducation

Le fait est que si le droit d’auteur est si souvent violé, c’est qu’il y a un manque flagrant de sensibilisation au sein de la population générale. Certaines de nos habitudes qui semblent bien banales contreviennent à la loi (et je ne parle pas de quand on téléchargeait nos tounes sur LimeWire parce que ça c’était comme évident que ce n’était pas chill).

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«Il y a beaucoup d’usages qui sont implantés», m’indique l’avocat Bertrand Menon. «Je pense que la priorité c’est de prendre conscience de ce qui est une violation ou non. En tant que consommateur c’est important de le savoir.»

Par exemple, filmer un show de musique (RIP) sur son cellulaire et le mettre en story, c’est une violation du droit d’auteur.

Faire jouer de la musique dans son commerce, c’est aussi interdit à moins d’avoir une licence de diffusion. Sauf qu’on peut se demander combien de boutiques ont vraiment cette licence (hypothèse: vraiment pas beaucoup).

«Je pense que c’est un gros défi que de faire réaliser à tout le monde la portée du droit d’auteur. Mais c’est un défi qui est certainement réalisable.»

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«Il y a beaucoup d’artistes qui se questionnent à savoir pourquoi c’est pas encore clair pour tous les commerces que si tu veux jouer de la musique tu dois payer des droits pour ça. On ne parle pas de dizaines de millions, des fois ça se calcule en dizaine de dollars. Mais si tout le monde le faisait, ça irait dans des caisses et l’argent serait distribué aux ayants droit», précise Bertrand Menon.

C’est plutôt difficile de voir l’impact financier qu’a le vol de propriété intellectuelle sur le revenu des artistes. Mais ce qui est certain, c’est qui s’il y a en avait moins, les créateurs auraient plus d’argent dans leurs poches.

«Je pense que c’est un gros défi que de faire réaliser à tout le monde la portée du droit d’auteur. Mais c’est un défi qui est certainement réalisable.»

Une fin douce-amère

Pour ceux qui se le demandent, Marie Mainguy a dû se rendre en cour pour prouver que ses images avaient bien été volées. 6000$ canadiens plus tard en frais d’avocat, elle a finalement gagné sa cause.

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Mais ce n’est pas la fin de l’histoire: en avril dernier, la compagnie portugaise a rempli une demande d’insolvabilité. Résultat? L’artiste québécoise risque de ne pas recevoir un sou.

Au moins, elle se réjouit que son cas serve d’exemple pour d’autres artistes qui voudront se tenir debout face au vol de propriété intellectuelle.