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Urbanisme d’hiver : la slush et les coups de vent, c’est inévitable?
« Montréal est particulièrement slush. »
C’est pas nous qui le disons : c’est Olivier Legault, urbaniste chez Vivre en ville. La combinaison de neige et de redoux typiques de l’hiver montréalais entraîne effectivement des mares de slush dans lesquelles on n’ose jamais poser le pied (d’un coup qu’elles seraient assez profondes pour nous entraîner dans les entrailles de la ville).
Cependant, ça ne veut pas dire que c’est inévitable.
« Lorsque les ingénieurs civils font le design des rues, ils considèrent juste l’eau quand elle n’a pas d’obstacle à son écoulement. L’été, tout va bien et l’eau ruisselle vers les bouches d’égout situées en retrait des intersections pour ne pas être dans le chemin des piétons. Mais l’hiver, quand on a de la slush et des barrages de neige qui empêchent le drainage vers les bouches d’égout, l’eau stagne et crée une flaque au point le plus bas : le coin du trottoir », explique l’urbaniste.
La solution drastique à ce problème serait d’installer les puits de drainage au centre de la rue plutôt que sur les côtés, estime Olivier Legault. Mais comme ça implique toute une restructuration des branchements d’égout, c’est donc ceux-ci qui devront être refaits avant de pouvoir envisager cette solution…
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En attendant, il existe des options plus modestes, comme l’aménagement de trottoirs en continu. La philosophie derrière ceux-ci? Le trottoir ne s’arrête pas pour que les piétons traversent la rue : ce sont les voitures qui doivent rouler sur le trottoir, un peu comme sur un dos d’âne. Ça donne priorité aux piétons, et ça les maintient au-dessus de la slush. En plus, c’est assez mignon!
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Les saillies de trottoir (là où le trottoir s’élargit et où on met fréquemment des pots de fleurs et autres décorations) permettent de dépasser le point le plus bas de la rue, et améliorent donc aussi la situation.
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Crédit photo : Richard Drdul
« C’est pas parfait, mais c’est déjà beaucoup mieux. Les jours de slush, on peut aller à la hauteur de Garnier et comparer la rue Laurier (où il y a des avancées de trottoir) à la rue Mont-Royal (où il n’y en a pas). Ça permet de voir la différence », propose Olivier Legault.
Le vent, cet ennemi
Mettons de côté la slush et attardons-nous au vent, l’un des principaux ennemis des urbanistes. On le sait : peu importe ce que dit le mercure, c’est surtout quand on reçoit une lampée d’air en pleine face qu’on a vraiment frette.
Heureusement, le vent ne se promène pas de façon aléatoire : on peut étudier ses mouvements et planifier la ville en conséquence.
Information inattendue : « Quand une masse d’air arrive sur un bâtiment, jusqu’aux trois quarts de la hauteur de celui-ci, la masse d’air est repoussée vers le bas. » Dire qu’on pensait que les buildings nous coupaient le vent… Eh non! Ils nous rejettent gentiment l’air des hauteurs sur le trottoir!
« C’est pour ça que quand tu marches près de bâtiments de 15 étages avec aucun arbre aux alentours, tu peux pogner un gel de cerveau juste à marcher dans la rue », remarque l’urbaniste.
Vous voulez tenter l’expérience? Il vous conseille de vous promener près de la place Ville-Marie, ou encore sur la rue de Gaspé sur le Plateau.
« Quand tu marches près de bâtiments de 15 étages avec aucun arbre aux alentours, tu peux pogner un gel de cerveau juste à marcher dans la rue. »
Là encore, il y a des solutions. L’idée n’est pas de « bloquer » complètement le vent (ça reviendrait à le dévier sans en altérer la puissance, et donc à déplacer le problème); la clé est de le diffuser. « On peut y arriver avec des surfaces perméables, qu’il s’agisse d’une structure architecturale ou tout simplement d’arbres et de végétaux comme des conifères. Ça ralentit le vent. »
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Des structures comme celles-ci, sur la rue Stephen à Calgary, permettent de diffuser le vent qui arrive par le haut. On peut aussi planter des arbres comme des conifères dans les corridors venteux pour en atténuer la puissance.
Crédit photo : TravelingOtter
L’autre idée est de développer des hotspots hivernaux là où on a le moins de mouvements d’air dans la ville. « Par exemple, sur la rue du Mont-Royal, les édifices n’ont jamais plus de trois étages, il y a des commerces et donc plus de gens, ça crée un microclimat… Quand on sait qu’un endroit a ces qualités-là, il faut le bonifier, et ne surtout pas aller y mettre une tour qui scrapperait ce confort », résume Olivier Legault.
Quand on traverse Jean-Talon en face de la tour du même nom, on a l’impression que notre visage va se décoller de notre tête, et pourtant chaque jour des milliers de personnes y passent, pour aller au métro ou attendre l’autobus. On fait quoi avec une place comme ça?
Quand on traverse Jean-Talon en face de la tour du même nom, on a l’impression que notre visage va se décoller de notre tête, et pourtant chaque jour des milliers de personnes y passent, pour aller au métro ou attendre l’autobus.
« C’est sûr que la tour existe déjà, et ajouter une structure pourrait coûter cher. Mais on peut créer des abris dans les zones d’attente, mettre plus d’arbres le long des corridors empruntés pour sortir du métro. Ce sont des chemins très fréquentés qui sont faciles à identifier et à encadrer », suggère l’urbaniste.
En bref : notre hiver sera probablement toujours « une saison de slush, de bouette, de gadoue pis de frette », comme le chante Bernard Adamus. Mais on peut quand même atténuer le problème, avec un peu de bonne volonté.
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La slush pis le vent, c’est décourageant? On vous revient dans les prochains jours avec des idées assez chouettes développées dans d’autres villes canadiennes…
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Crédit photo d’en-tête : Stuart McAlpine
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