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Urbanisme: comment construire une ville qui rend heureux?

On se demande si le design urbain peut contribuer à améliorer la santé mentale des citoyens.

Par
Gabrielle Anctil
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Si vous avez les bleus ces jours-ci, vous êtes sûrement tenté de mettre ça sur le dos de l’hiver. Et on vous comprend : avec des froids extrêmes, des chutes de neige records, des inondations, on passe vraiment au cash, cette année.

Mais est-ce que votre moral bas est vraiment la faute de l’hiver ? Une personne sur cinq au pays souffrira de troubles de santé mentale au cours de sa vie, selon la Commission de la santé mentale du Canada. Les campagnes comme Cause pour la cause ou les histoires comme celles de l’auteur Samuel Archibald nous le rappellent : ces troubles peuvent toucher tout le monde.

Ce qu’on sait moins, c’est qu’il y a un type de personne qui est plus à risque : les citadins. C’est vrai : vivre en ville augmente de 40 % le risque de souffrir de dépression, de 20 % celui de contracter un trouble anxieux et double les chances de devenir schizophrène. Quand on pense à la santé mentale, on pense généralement aux traitements psychologiques, aux antidépresseurs, aux hôpitaux psychiatriques… Mais, selon l’organisme à but non lucratif britannique Design Council, on oublie quelque chose tout aussi important : le design de nos villes.

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La ville comme ennemie

Le communicateur scientifique Jérémy Bouchez n’est pas surpris : « les villes sont bruyantes, polluées, les voitures y circulent rapidement : tout cela est extrêmement stressant. » La bonne nouvelle, c’est que cette situation n’est pas inévitable. L’issue est même toute simple : la verdure.

« Des études ont montré qu’on peut réduire la quantité de cortisol [une molécule dont la présence indique un niveau de stress élevé] dans la salive tout simplement en exposant un individu à la nature. »

« Des études ont montré qu’on peut réduire la quantité de cortisol [une molécule dont la présence indique un niveau de stress élevé] dans la salive tout simplement en exposant un individu à la nature », poursuit-il. Voir un arbre de sa fenêtre, marcher dans un parc ou même avoir quelques plantes vertes chez soi peut aider à prévenir les troubles mentaux et, quand ils sont déjà là, à les réduire. « Certaines études démontrent même que voir des photos de forêt sur un écran géant réduit les niveaux de cortisol », ajoute-t-il. À quand les samedis soirs à regarder des vidéos d’arbres sur internet ?

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Médecine verte

Au Japon, le lien entre la santé mentale et la ville n’est pas passé inaperçu. Depuis les années 1980, les psychologues y prescrivent des Shinrin-Yoku, ou bains de forêt, à des patients souffrants de tension, de dépression, d’anxiété, de fatigue ou de confusion. L’idée est simple : une quarantaine de minutes par jour en forêt — ou dans un parc, si on n’a pas de forêt à portée de main — sans téléphone cellulaire, simplement à baigner dans les couleurs, les sons et les odeurs de la nature.

D’une certaine façon, c’est une évidence : « tout le monde sait instinctivement à quel point passer quelques heures dans un parc ou à faire du jardinage fait du bien », souligne Jérémy Bouchez.

Ça ne prend pas la tête à Papineau pour conclure que l’amélioration de la santé mentale des citadins passe par une ville plus verte. D’autant plus que le type de nature importe peu, à condition qu’on y soit exposé régulièrement. Pour Jérémy Bouchez, les carrés d’arbres fleuris, les ruelles vertes ou les saillies de trottoir sont des façons simples de verdir efficacement.

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C’est un début, mais c’est pas tout

Évidemment, il ne suffit pas de planter quelques arbres pour résoudre tous les problèmes de santé mentale, précise Christian Savard, directeur général de Vivre en ville. Un environnement moins stressant, c’est bien beau, mais les services sociaux et le soutien psychologique demeurent essentiels.

Une expérience à Toronto le confirme. En 2005, la Ville a lancé un projet de revitalisation de Regent Park, un parc situé en plein cœur d’un quartier défavorisé du même nom. Près de 561 millions de dollars y ont été investis, mais treize ans plus tard, Regent Park demeure un des quartiers les plus pauvres de la ville et les statistiques sur la santé mentale de ses résidents n’ont pas évolué d’un iota.

Le problème, selon le site d’urbanisme CityLab, c’est que le quartier est aux prises avec des enjeux sociaux plus larges, comme l’utilisation de drogue et un taux de criminalité élevé. Et un parc, s’il n’est pas conçu expressément pour être sécuritaire et accueillant, peut vite devenir un repère sombre idéal pour les activités plus louches. Malheureusement, c’est ce qui est arrivé à Regent Park.

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Reste que la nature fait partie de la solution pour améliorer la santé mentale, même l’hiver : « une marche en forêt ou dans un parc, même s’il n’y a pas de feuilles, nous permet quand même de déconnecter, de voir la nature », croit Jérémy Bouchez. Et s’il fait trop froid pour sortir, on peut toujours se rabattre sur des cactus en pot.