Logo

Une université italienne aux allures de musée

Si jamais vous aviez le goût d'aller en étudier au pays des pâtes.

Par
Philippe Julien-Bougie
Publicité

Toute personne entrant dans une congrégation religieuse catholique doit faire vœu de pauvreté. Un message qui n’a pas l’air de s’être rendu jusqu’au cardinal Filippo Guastavillani lorsqu’il a fait construire sa majestueuse maison de vacances, en 1575. Le sommet d’une colline a quand même dû être aplati pour que l’énorme Villa Guastavillani soit construite.

Tout juste à l’extérieur des murs de la ville de Bologne, dans le nord de l’Italie, cette merveille architecturale accueille dorénavant la Bologna Business School, donnant une allure muséale aux salles de cours. Des fresques ornent presque chaque mur.

L’oncle maternel de Filippo Guastavillani, le pape Grégoire XIII, a instauré le calendrier grégorien que nous utilisons encore à ce jour. Le souverain pontife a aussi nommé son neveu à plusieurs postes clés, dont celui de cardinal.

Publicité

Tous les chemins ne mènent pas à Rome

Le chemin à pic pour monter jusqu’à la villa est si exigu et sinueux que le chauffeur d’autobus doit régulièrement klaxonner pour prévenir lorsqu’il tourne. Brume et végétation se densifient le long du trajet de quinze minutes entre le centre-ville et l’imposante arche de pierre annonçant l’entrée de la Bologna Business School.

Guastavillani et ses invités empruntaient le même chemin tortueux pour se rendre à la maison de vacances du cardinal. « Le cardinal était un homme très puissant […] Il a même fait construire la route qui relie encore la ville à la Villa », explique le professeur Roberto Grandi qui enseigne les communications corporatives à la Bologna Business School. L’enseignant, animé d’une passion toute particulière pour Bologne, a travaillé en tant que directeur scientifique pour l’image de marque de la ville.

Publicité

Un petit jardin secret

Toute personne entrant dans une congrégation religieuse catholique doit aussi faire vœu de chasteté. Filippo Guastavillani a quant à lui opté pour construire un jardin à l’abri des regards. « Le jardin secret, dit-on, était exclusivement réservé à la fréquentation du cardinal et de ses invité.e.s, qui étaient toujours des femmes », racontait la guide de Bologne Anna Brini à la chaîne de télévision éTV.

Ce jardin donne sur une porte de bois ouvrant sur la Grotta del Ninfeo, une véritable grotte faite sur mesure. Des stalactites, des roches et des coquillages sont collés du sol au plafond. La nature y rencontre l’art.

Publicité

La pièce célèbre Bacchus, version romaine du dieu grec Dionysos qui aurait grandi dans une grotte pour devenir le dieu de la fête, des plaisirs, du vin et des excès. Plutôt audacieux de la part d’un ecclésiastique de consacrer un si grand espace à un dieu païen.

Au fond se dresse la fontaine vide et sèche de Bacchus. Jadis, au moins 80 jets y jaillissaient de partout. « Même si l’eau n’y coule plus, il fait frais tout l’été dans la grotte, même dans la chaleur accablante de Bologne », mentionne le professeur Grandi.

Publicité

Artéfact d’une guerre d’idées

Mais la visite de la Villa ne s’arrête pas à la cave païenne. Les autres halls et salles de classe sont parsemés de messages concernant le contexte sociopolitique de l’époque. Plusieurs œuvres font référence aux conflits entre pays catholiques et protestants et à la violente politique de contre-réforme.

Une peinture représente Saint Eligius montrant de son bras droit un feu inversé, soit le châtiment réservé aux hérétiques récidivistes pendant l’Inquisition espagnole. Aux pieds de Saint Eligius, on trouve la pince, symbole d’autorité et de force, et le marteau, symbole de diligence et de nécessité. Selon le professeur Grandi, cela signifie que « la lutte contre les rébellions anti-catholiques passe ainsi d’actions diplomatiques, symbolisées par l’éloquence, à une répression par la force ».

Publicité

Dans l’Aula Fuoco, signifiant la salle du feu en italien, une autre scène frappe l’imaginaire. Un soldat romain brûle des livres. L’image s’inscrit parfaitement dans la pensée de Filippo Guastavillani qui voyait dans l’autodafé un moyen efficace pour combattre l’hérésie.

Y’a pas foule à la messe

Une chapelle se cache aussi dans les dédales de la Villa Guastavillani. De l’extérieur, on croirait surtout entrevoir un cachot ou une cellule de prison en raison du grillage métallique. Il ne faut pas se fier aux apparences, cependant. En entrouvrant une porte de bois fragile et grinçante, un autel et quelques rangées de bancs de messe se révèlent, boudés ou oubliés par la communauté de la Bologna Business School.

Publicité

En levant la tête pour regarder au plafond, un spectacle de couleurs, de peintures et de sculptures éblouira pieux.euses et païen.ne.s.

L’histoire ne s’arrête pas là!

Le demi millénaire qui nous sépare de la construction de la Villa porte en lui une histoire toute aussi riche. L’établissement a ainsi été occupé par les héritier.e.s du cardinal, par les jésuites et par une organisation de charité avant de tomber entre les mains de l’université.

En pleine Seconde Guerre mondiale, on pouvait emprunter un tunnel derrière la Villa pour se protéger des bombardements. Ce tunnel existe toujours et, bien que bloqué par une porte métallique, il reste accessible par le stationnement, comme en témoigne la vidéo ci-dessous. La Villa a même été bombardée de façon involontaire pendant la guerre, bien que l’édifice n’ait rien d’un lieu stratégique à attaquer.

À la fin du 20e siècle, la Villa Guastavillani a été restaurée avec minutie. Grâce à ce travail de conservation, la Bologna Business School jouit aujourd’hui des plus impressionnantes salles de classes qui soient.

Publicité
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Soyez le premier à commenter!