Kirghi-hein?
Kirghijsnababa?
Hein, tu vas en Azerbaïdjan?
C’est un pays qui termine en an, c’est-tu dangereux?!
Qu’est-ce que tu vas faire là-bas?
Je n’ai jamais dû répondre à autant de questions sur ma destination que lorsque j’ai annoncé à mes proches que je partais pour le Kirghizistan, un petit pays d’Asie centrale de 7 millions d’habitants.
Le Kirghizistan, c’était un peu une blague au départ avec mes ami.e.s : j’étais à la recherche de panoramas que je n’avais jamais vus en randonnée. En me renseignant sur le pays, la beauté des montagnes m’a prise de court et je ne comprenais pas pourquoi aussi peu de créateurs de contenu y étaient allés. Le Kirghizistan manquait à ma FYP.
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Je suis le genre de voyageuse qui aime aller dans des endroits qui n’ont pas encore été pris d’assaut par les touristes. Ce n’est pas parce que je suis unique ou spéciale – je suis juste curieuse de découvrir d’autres manières de vivre.
En mars, j’ai donc rejoint le groupe Facebook Voyager au Kirghizistan, où 7000 personnes francophones se partagent de l’information sur le pays. C’est là que j’ai appris que si le Kirghizistan est effectivement un terrain fertile pour la randonnée, les routes sont généralement très mal indiquées. Par sécurité, j’ai décidé de partir avec un.e guide.
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C’est un internaute qui m’a écrit pour me parler de son expérience inoubliable avec celle qui deviendra ma guide plusieurs mois plus tard : Gulzada, une Kirghize de 33 ans qui parle français et qui guide depuis plus de 10 ans. En plus, elle prend en charge des randonnées pour les touristes en solo depuis deux ans. Pleine d’humour, elle est rapidement devenue une ressource indispensable.
Voici les autres raisons pour lesquelles j’ai choisi le Kirghizistan:
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- Il s’agit d’un des derniers pays avec des peuples nomades. L’été, nombreuses sont les familles qui se déplacent dans les montagnes sous leur yourte afin que leurs bêtes profitent du pâturage d’été pendant 4 mois. J’avais envie de voir ça de mes propres yeux;
Parce que le Lonely Planet Australie a annoncé que le Kirghizistan est en train de devenir l’une des principales destinations des voyageurs en quête de nature préservée;
- On a plus besoin de visa pour y aller, ce qui le rend plus accessible;
- C’est un pays parfait pour vivre une expérience singulière en montagne avec des portes toujours ouvertes aux visiteurs.
Un mot sur Estelle, ma nouvelle amie
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En arrivant sur place, je rencontre Estelle, une Belge de 27 ans, avec qui j’allais partager cette aventure. Une vraie pro des randonnées en autonomie complète, c’est une travailleuse sociale qui aide les itinérants à se trouver un logement en Belgique. Célibataire depuis 8 mois, pas du tout pressée de dater, elle désirait passer ses deux semaines de vacances entourée par les montagnes. Elle ne tente pas de me bombarder de questions et ne répond pas aux miennes avec des banalités : elle réfléchit et utilise des mots justes. Elle est confortable avec les silences.
Il n’y pas de hasards, que des rendez-vous.
Notre itinéraire en deux semaines:
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L’aventure commence. Ce qui nous attend : 7 jours en autonomie complète en montagne accompagnées d’un berger et ses chevaux qui transportent la tente et la nourriture pour la première portion. Dans la seconde, nous étions parfois en tente, parfois hébergées par des familles dans de petites maisons dans des villages, parfois accueillis dans des yourtes, ces maisons temporaires installées en montagne et qui sont typiques du Kirghizistan, avec un chauffeur qui dormait avec nous.
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Nos journées étaient bien structurées, mais les imprévus réussissaient tout de même à s’y tailler une place (la météo pouvant changer rapidement d’heure en heure). On se levait vers 8h, et on déjeunait avec du pain, du miel et de la confiture. On rangeait par la suite la tente pour se déplacer, et tous les quatre, on commençait la journée avec une rando. Après l’arrêt dîner, on continuait jusqu’à temps d’installer la tente pour la nuit.
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Un voyage sans nos petites tragédies personnelles n’est pas un voyage, et les filles ne m’ont pas seulement vue, pleine de gratitude avec un sourire niaiseux– elles ont aussi été témoins d’une grande crise de larmes lorsque, sur une crête vertigineuse, mes jambes se sont mises à claquer sans s’arrêter. Elles m’ont aussi vue me questionner sur notre sécurité lorsqu’un orage nous a frappées au moment d’aller dormir sous notre tente.
Suis-je la seule à être paralysée par des orages en nature?
Elles étaient aussi là quand, à la quatrième journée, j’ai enfin commencé à bien dormir. À la 12e, quand nous avons croisé, pour la première fois du voyage, d’autres touristes et à la dernière, quand nous avons retrouvé la ville et que nous savions que notre expérience était terminée.
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Un mot sur Gulzada, notre guide
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Elle était sensible, pleine d’humour, en amour avec les montagnes. Elle nous a fait découvrir le fromage fumé, la douceur du silence et des villages de son pays.
Quand je lui demandais où étaient les toilettes, elle éclatait de rire. Voyez-vous, j’oubliais toujours que la majorité des maisons à l’extérieur de Bishkek, la capitale, n’ont pas de système de canalisation – donc pas de douches ni de toilettes à l’intérieur. « T’es drôle, toi », m’a-t-elle dit à plusieurs reprises. « Tu m’arrives toujours avec des drôles d’affaires. » Très compétitive en jouant aux cartes, elle détenait un sens du timing impeccable lorsque venait le temps de servir tout le monde en même temps. Et elle danse. Oh, qu’elle danse.
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Quelques éléments techniques de notre randonnée:
Près de 150 km de marche;
Le plus haut point d’altitude était à 3 600 mètres;
Des glissements de terrain en raison de la pluie diluvienne nous ont obligées à changer l’itinéraire;
Quelques jours à dos de cheval;
Des températures variant de 20 degrés pendant le jour à -5 la nuit;
Une grande consommation de lait de jument fermenté (terrible) et de crème de jument (délicieuse).
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Post-mortem
À chaque retour de voyage, j’oublie à quel point le deuil post-voyage fesse fort. Un peu naïvement, je m’imagine réintégrer mon quotidien comme si de rien n’était.
On dit tout le temps que les amitiés de voyage sont éphémères – pourtant, ce sont les seules amitiés où on expérimente la vie plutôt que de la planifier pour se la raconter.
Après deux semaines sans cellulaire, dans une autre culture qui n’a rien à voir avec la mienne, je constate qu’il y a une aisance naturelle qui se déploie entre humains, une attention aux détails et une légèreté que je n’arrive pas à appliquer dans mes relations en ville.
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Mes constats de retour de voyage:
- J’ai une tout autre considération pour le travail physique. Se lever pour traire des juments, partir un feu, faire bouger les moutons, aller chercher de l’eau, préparer du pain chaque jour, ça me renverse;
- Mon Dieu, tout le monde s’est fait laisser par texto, c’est un problème;
- Vivre avec des familles nombreuses nous a imposé un rythme marqué par les pleurs, les jeux, les portes qui s’ouvrent et qui se ferment, un joyeux chaos qui a contrasté avec le silence des montagnes et qui m’a amené à me demander c’était quand, la dernière fois que j’avais répondu à des questions profondes entre deux bouchées de pain au déjeuner?
Deux semaines plus tard, j’ai visité une voyante à Pointe-aux-Trembles.
J’entre à peine dans son bureau qu’elle me demande :
« Tu reviens de voyage? Qui a pris soin de tes plantes pendant tout ce temps? »
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Comment contacter Gulzada ? Via Instagram.