Au moment d’écrire cet article, je suis à Itacaré, une petite ville de surf au Brésil. En effet, il y a un peu plus d’un mois, j’ai pris un aller simple pour l’Amérique du Sud sans idée très précise de ce que les prochains mois me réserveraient. Pourquoi ? Parce qu’après avoir remis mon rapport de stage, marquant officiellement la fin de mon baccalauréat, je n’étais pas encore prête à plonger dans la fameuse routine du 9 à 5.
Depuis quelque temps, je remarque que je ne suis d’ailleurs pas la seule à ressentir cette hésitation. Sur ma For You Page, les vidéos de jeunes de la génération Z qui critiquent le modèle du travail traditionnel se multiplient. Plusieurs y expriment leur désillusion face à ce qu’on leur a longtemps vendu comme un symbole de stabilité et de réussite. Au fil de mes discussions avec mes amis fraîchement diplômés, le constat revient souvent : le 9 à 5 ne fait plus autant rêver.
Ce rythme de vie, si valorisé par les générations précédentes, semble de moins en moins en phase avec nos aspirations. D’ailleurs, selon le World Economic Forum, les employé.e.s de la génération Z souhaitent des horaires modulables ou des semaines allégées par rapport au traditionnel 40 heures. Et, selon une enquête menée par Stagwell et MarketWatch, ce désir de flexibilité s’explique en partie par le fait que 51 % des jeunes de la génération Z ne considèrent pas le 9 à 5 comme essentiel pour atteindre le succès financier.
Pour mieux comprendre ce qui motive une telle remise en question, j’ai discuté avec deux jeunes professionnelles : Ève et Megan. Alors qu’Ève travaille dans un 9 à 5 plus classique, Megan s’est récemment tournée vers un mode de vie un peu moins conventionnel. Deux trajectoires différentes qui révèlent les avantages et les inconvénients de ce modèle de travail.
Désenchantement du 9 à 5
Après des études collégiales en design d’intérieur, un domaine qu’elle avait choisi pour nourrir sa créativité, Megan a rapidement obtenu quelques contrats avant de décrocher un poste stable – le fameux mode de vie 9 à 5.
Au début, tout allait bien. « J’aimais vraiment mon travail, raconte-t-elle. Mais, avec le temps, la routine a commencé à m’épuiser, à me vider un peu de mon énergie. » Ce désenchantement, Megan l’attribue autant au rythme qu’à l’environnement de travail. « C’est facile de se sentir comme un numéro. Et puis, être coincée dans un cubicule toute la journée, dos à la fenêtre, et passer des heures dans le trafic matin et soir, à la longue, ça pèse. »
Lorsque des coupures ont touché l’entreprise, Megan a perdu son emploi. Aujourd’hui, il s’agit d’un événement qu’elle décrit comme une forme de libération. « J’en ai profité pour me réorienter vers quelque chose de plus flexible. Je travaille maintenant chez un fleuriste, même si je n’ai aucune expérience dans le domaine. » Elle affirme s’y sentir beaucoup plus épanouie : « Le fait d’être entourée de collègues toute la journée, de bouger, de créer, ça me fait du bien. Et la flexibilité, autant dans les horaires que dans la créativité, c’est un vrai luxe. »
Ironiquement, perdre son emploi s’est révélé être un cadeau. « Autrement, je n’aurais probablement pas fait le move. Comme le 9 à 5 nous est présenté depuis qu’on est tout jeune comme la voie à suivre, on oublie qu’il existe d’autres options. »
Cela dit, Megan reconnaît que tout n’est pas parfait. « Je ne mentirai pas, certaines choses me manquent. Avoir accès à des assurances ou à des avantages sociaux, par exemple. Surtout dans l’économie actuelle. » Mais pour le moment, elle considère que le jeu en vaut la chandelle : « C’est un sacrifice que je suis prête à faire ! »
Réconcilier stabilité et liberté
Toutefois, c’est en discutant avec Ève que j’ai réalisé que le 9 à 5 n’est pas nécessairement aussi négatif qu’on le croit. Diplômée d’une technique collégiale en 2021, elle s’est rapidement trouvé un emploi en administration. « Après avoir terminé le cégep, me diriger vers un 9 à 5 n’a pas été une décision difficile », explique-t-elle. « En choisissant mon domaine d’études, je savais déjà vers quel mode de vie je me dirigeais. »
Ève admet d’ailleurs que son environnement a influencé ses choix. Originaire de l’Outaouais, une région où plusieurs travaillent comme fonctionnaires, elle a grandi entourée de gens pour qui le 9 à 5 est la norme.
Même si ce mode de vie n’a rien de particulièrement glamour, Ève ne le voit pas d’un mauvais œil. « C’est sûr que la routine peut parfois peser sur le moral, et que certaines journées paraissent interminables », reconnaît-elle. « Mais pour moi, c’est un peu le prix à payer. » Ce qu’elle apprécie surtout, c’est la stabilité et la prévisibilité de son emploi. « Avoir un horaire fixe, ça me permet de bien gérer mon temps. Je sais qu’à 15 h, j’ai terminé, et je peux rentrer à la maison pour vraiment décrocher. »
Pour Ève, le 9 à 5 est donc un compromis qu’elle juge acceptable ; un équilibre entre sécurité et liberté. « J’ai appris à y trouver mon rythme, à poser mes limites, et c’est ce qui me permet de profiter pleinement de ma vie personnelle », conclut-elle.
Travailler autrement
Depuis quelque temps, on observe clairement un certain désenchantement face au 9 à 5 – un modèle que beaucoup de jeunes perçoivent désormais comme étouffant ou déconnecté de leurs valeurs. Et, honnêtement, j’en fais moi-même partie. C’est d’ailleurs un peu pour cette raison que j’écris ces lignes à plus de 7 000 km de la maison.
Par contre, mes discussions avec Ève et Megan m’ont fait réaliser que la question n’est peut-être pas aussi simple que « pour ou contre le 9 à 5 ». Au fond, elles recherchent toutes deux la même chose : s’épanouir au travail. Et elles y parviennent, chacune à leur manière. Pour Ève, la stabilité d’un horaire fixe lui permet de trouver un réel équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle et de ne pas laisser son emploi définir toute son identité. Pour Megan, c’est plutôt la flexibilité et la créativité de son nouveau mode de vie qui nourrissent son sentiment de liberté.
Finalement, ce n’est peut-être pas tant une question de routine que de sens. Ce que la génération Z remet en cause, ce n’est pas l’idée de travailler, mais la manière dont le travail s’intègre à la vie. Après tout, selon le World Economic Forum, les trois-quarts des employés de la génération Z affirment qu’ils envisageraient de changer d’emploi afin d’obtenir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ainsi, que ce soit à travers un 9 à 5 ou un parcours plus atypique, ce que beaucoup recherchent, c’est avant tout un emploi à leur image.
.jpg)
Identifiez-vous! (c’est gratuit)
Soyez le premier à commenter!