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Un entretien musclé avec Val Desjardins

Dans la vie ou comme entrepreneure, miser sur la qualité, plutôt que la quantité.

Par
Jean Bourbeau
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Val Desjardins m’ouvre la porte de son tout nouveau gym, Le Studio, installé depuis quelques mois rue Sherbrooke Ouest, au cœur de Westmount. « C’était un North Face avant. On a reconverti le sous-sol en plateau de tournage pour les cours en ligne. Tout est modulaire », souligne mon hôtesse en descendant les escaliers. Au premier plancher se trouve un gymnase moderne conçu pour des séances privées tandis qu’à l’étage on découvre des pièces destinées à des soins particuliers. « J’ai toujours rêvé d’avoir mon propre espace : établir la musique, le décor, l’ambiance. C’est ma première entreprise où je suis l’unique propriétaire », dévoile, fébrile, l’instructrice originaire de Pointe-Claire.

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Forte d’un parcours atypique, la mère de 41 ans a connu plusieurs vies. Des études en art suivies d’un séjour dans l’industrie de la mode à New York, elle a aussi été copropriétaire du défunt, mais légendaire bar Royal Phoenix, capitaine d’une équipe de roller derby, militante LGBTQ+, entraîneuse, entrepreneure. J’étais curieux de connaître comment elle a affronté les grands bouleversements de la crise sanitaire au sein de l’industrie de la mise en forme.

Comment les deux dernières années se sont-elles déroulées?
À l’automne 2019, au moment de célébrer mes 40 bougies, je suis devenue copropriétaire du Victoria Park, une salle de conditionnement physique bien établie dans Westmount où j’enseignais depuis trois ans. Six mois plus tard, la pandémie s’abattait sur la province et tous les gyms fermaient. Pour rebondir, nous avons commencé à produire des sessions d’entraînement en direct sur Instagram. Des classes gratuites qui ont rapidement créé une petite communauté. Ça a fait bourgeonner plein d’idées. Après une longue période de réflexion, j’ai pris la décision de fermer une business que je venais juste d’acheter. Ça a été éprouvant. Nous avons fait ça en bonne et due forme, en prenant le soin de rembourser tous les clients avant de tourner la page.

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La mise en forme a subi de grandes métamorphoses. On est passé des années 80 où c’était une esthétique de gros bras, à quelque chose de beaucoup plus holistique. On ne pense pas juste à la sculpture du corps, mais à la santé globale. Le confinement a accéléré la volonté d’être en santé, de se sentir bien dans sa peau. Il fallait donc complètement repenser l’idée d’un grand gym et redéfinir notre prochaine offre. Le concept s’est épuré en un format hybride. Des sessions en ligne et privées, afin d’être en phase avec les besoins du moment. Nous avons créé un nouvel espace en tenant compte de cette réalité. Offrir un lieu plus intime, avec moins de miroirs, des toilettes non genrées, un gymnase avec des entraîneurs de yoga, barre au sol, Pilates, une nutritionniste sur place, un sauna, une salle de massothérapie.

Quand je regarde les actions de Peloton chuter, on voit à quel point c’est une industrie qui évolue rapidement, qui change constamment selon la demande. Le télétravail est là pour rester à moyen terme. Tout en étant ouvert sur Sherbrooke, nos cours en ligne permettent une démocratisation du coaching et beaucoup de flexibilité. Tu peux être en voyage, faire ton propre horaire, ne pas t’inquiéter des retards.

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Nous réalisons enfin des sondages pour prendre le pouls, mieux connaître les désirs et ce que l’on peut améliorer. La réception est bonne, notre clientèle nous éclaire beaucoup.

Quelle est votre relation avec l’ambition?
Je crois qu’il faut que ce soit naturel. J’ai un côté très sportif, presque jock. Mais j’habite aussi le Mile End. J’aime l’art, la culture urbaine. J’ai toujours senti que j’appartenais un peu aux deux mondes et ce projet exprime une vision conjointe. Chaque personne a un bagage singulier. Ma petite flamme intérieure vise à s’épanouir, mais je dois constamment me prouver.

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J’ai toujours été aimée et supportée par mes parents. Ils m’ont permis d’être moi-même et ça m’a grandement aidé à croire en moi. Ma différence a frappé plusieurs murs, mais j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup d’amour. Les préjugés, l’homophobie, ça m’a motivé à foncer.

J’essaie de militer en créant des espaces que j’aurais aimé connaître plus jeune, où les gens se sentent bien. Pour se lancer en affaires, il faut que ce soit dans ton ADN. Avoir une personnalité de joueur. Ne pas avoir peur de sauter quand les bonnes circonstances sont présentes.

Les dernières années vous ont auréolée du titre « d’entraîneuse de vedettes ». Comment vivez-vous cette exposition médiatique croissante?
J’ai toujours eu une bonne expérience avec les médias. Je crois qu’on aspire communément à créer une culture montréalaise fière. Personnellement, j’adore ma ville et la presse est super réceptive à mes projets. Oui, certains veulent surtout parler des vedettes. Je les comprends, mais si ce volet de mon travail était si important, je serais à Los Angeles, pas ici. Je suis Montréalaise, j’ai à cœur ma communauté et je souhaite demeurer accessible. Sur les réseaux sociaux, je suis aussi bien traitée. Peut-être parce que je n’essaie pas d’avoir le plus grand following. J’aime bien mieux 20 000 personnes inspirées que des centaines de milliers avec tous les désavantages qui viennent avec une telle popularité.

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Quelle est votre vision du succès?
Je considère que le succès, c’est quelque chose qui m’est extérieur. Quand je constate qu’on a mis en place un environnement de qualité et que le bonheur des clients est manifeste, je me dis que le succès, c’est ça. Prendre conscience que tu as bâti quelque chose qui rend les autres heureux.

Côtoyer des célébrités te fait réaliser qu’on est tous très semblables. On veut rire, être aimés, nourris. On passe toute notre vie à s’en faire, à se prendre au sérieux, mais on peut-tu être cool deux secondes? (rires)

Quelle est votre relation avec le contrôle?
Je suis confortable quand tout est planifié. J’aime que mon espace soit propre et en ordre. J’essaie d’être à mon affaire, toujours ponctuelle. D’où la nécessité d’avoir une routine, des rituels, sans oublier la pertinence des resets, des nouveaux départs. Le contrôle de la qualité est vraiment important pour moi. Je communique avec tous les employés et je crois que c’est une de mes forces. L’authenticité et la transparence. Donner l’heure juste sans bullshit.

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Quel serait votre principal défaut de gestionnaire?
Je suis encore et toujours à la recherche de l’équilibre. C’est encore trop facile de se laisser emporter. Il faut être capable d’arrêter. C’est un challenge constant que d’arriver à structurer ma vie. J’aimerais passer plus de temps avec mes amis, ma famille. Tout est une question d’équilibre et je n’ai pas encore trouvé le juste milieu. À la maison, je place mon téléphone dans le bureau, jamais dans la chambre à coucher. J’essaie de l’oublier et être pleinement avec ma fille et mon épouse.

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Comment a évolué votre relation avec l’argent, autant d’une perspective d’affaires que personnelle?
Avant la Covid, je n’avais aucune limite de grandeur ni de moyen. Maintenant, c’est pas mal différent. Je crois mieux saisir ce qui est important dans ma vie. Professionnellement, il y a une volonté de croissance, mais on mise surtout sur la qualité plutôt que la quantité. Ça permet aussi de meilleures marges de profitabilité. Avec Le Studio, je cherche moins le grandiose. Je me concentre à en faire une meilleure entreprise, plus agile, plus intelligente.

Ce que je suis prête à sacrifier pour l’argent a beaucoup changé aussi. J’ai pris la décision de fermer un gym avec une culture établie. Passer de 20 000 à 6 000 pieds carrés, ça a généré beaucoup d’angoisse. Mais avoir moins d’employés, ça me permet d’être une meilleure gestionnaire, d’avoir plus d’énergie parce que je ne passe pas tout mon temps à gérer des crises.

Sur un plan plus personnel, j’aime les belles choses, j’aime ce qui attire le regard et je ne m’en cache pas. Je viens d’un milieu modeste et je n’ai pas peur de l’argent. Pour moi, un portefeuille en santé incarne une liberté acquise à force de ne pas compter ses heures.

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Avez-vous déjà eu un.e mentor.e?
Durant ma certification d’entraîneuse aux États-Unis, la majorité de mes collègues étaient des hommes. De la Californie à la Floride, j’ai reçu beaucoup de conseils sur le monde des affaires. Ces gars-là m’ont encouragé à me lancer, mais mon père demeure mon conseiller le plus proche. J’ai donc évolué dans un milieu très masculin, très pratique. Aujourd’hui, je tends davantage vers une énergie plus douce, plus féminine.

Quels conseils donneriez-vous à la Val Desjardins d’il y a 20 ans ?
Val dans la vingtaine? Je faisais pas mal le party. Je me suis beaucoup amusée et je n’ai aucun regret. Ça m’a amenée où je suis aujourd’hui. Je lui dirais : « Vas-y kid, fais la fête! ». Mais plus sérieusement, je lui dirais d’avoir confiance. De ne pas avoir peur de prendre de grosses décisions. De suivre son cœur et ses tripes. Je vois la vie comme une longue série de vagues. Il faut être capable de surfer sur les opportunités les plus intéressantes. En prenant soin de ne pas se faire aspirer ni de se perdre.

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Dernière question : Est-ce que Val Desjardins est parfois fatiguée?
Oh yeah! (rires) Chaque samedi, je me donne la permission de relaxer. C’est ma journée de repos. Il faut savoir s’écouter, être capable d’annuler un rendez-vous, finir plus tôt et se faire couler un bain.

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