Traverser le Québec du sud au nord : entrevue avec l’aventurier Samuel Lalande-Markon

Quelques jours après la parution de Marche au pays réel, je me suis entretenue avec Samuel Lalande-Markon, aventurier et écrivain, pour qu’il nous en dise plus sur la grande expédition à l’origine du projet, décliné en une collection d’essais et un film d’aventure.

R. C’est le récit d’une expédition que j’ai réalisée à l’hiver 2023 : la traversée du Québec du sud au nord. Mais c’est aussi un essai sur le territoire et la nordicité. Les deux se mélangent librement. À travers les péripéties du voyage, j’aborde des questions comme la toponymie, le rapport aux peuples autochtones et la dimension extractiviste du Nord. En plus de mon expérience personnelle, je parle des rencontres que j’ai faites avec des membres des communautés crie et inuite.

R. C’est une expédition qui avait été tentée en 2020 par mon partenaire, Simon-Pierre Goneau. Comme lui, je me suis rendu à la borne frontalière 720, le point le plus au sud du Québec, pour ensuite pédaler jusqu’à l’extrémité la plus nordique du réseau routier québécois : la Longue-Pointe de Chisasibi. À partir de là, nous avons skié ensemble pendant deux mois et demi pour nous rendre jusqu’au cap Anaulirvik, le point le plus au nord de la péninsule de l’Ungava, et donc du Québec. Au total, nous avons parcouru près de 3 000 km en environ 100 jours.

R. J’ai un intérêt marqué pour le territoire québécois, qui m’a mené à le parcourir à plusieurs occasions, dont une fois du sud au nord et une autre d’est en ouest, l’été, à vélo et en canot. Mais cette fois, on était ailleurs : on désirait réaliser la traversée intégrale, c’est-à-dire aller d’une extrémité à l’autre, en hiver. On a été les premiers surpris d’apprendre que personne n’avait encore réalisé cette traversée complète, ce qui a bien sûr suscité des réflexions : Qu’est-ce que le Québec? Quel rapport entretenons-nous avec le territoire nordique? Qu’avons-nous à apprendre des peuples autochtones qui y vivent?

Justement, j’ai beaucoup appris des rencontres faites sur le territoire — le land, comme disent les Cris et les Inuits — ou lors du séjour de tournage qui a suivi. Au sud, nous avons une vision très fragmentée du territoire : des individus en sont propriétaires; les collectivités en exploitent les ressources. Mais au nord, la vision est beaucoup plus « holiste » : l’humain est indissociable du territoire. Je crois que nous avons à apprendre de cette perspective, qui est notamment à la base de la pensée écologique. Elle nous force à reconsidérer la manière dont la négociation a été menée avec les communautés autochtones dans le cadre de la Convention de la Baie-James en 1975.

Il y en a eu plusieurs, mais celle qui m’a particulièrement marqué est ma rencontre avec Adamie Kalingo, linguiste inuit et membre de la communauté d’Ivujuvik. Adamie est un homme au parcours de vie exceptionnel et détenteur d’un grand savoir traditionnel. Il a contribué de manière importante à la préservation de la langue inuktitut. C’est lui qui m’a le mieux fait prendre conscience de l’importance de nommer le monde qui nous entoure, parce que c’est une manière d’interagir plus intimement avec lui.

Pour aller voir le film sur l’expédition, vous pouvez aller voir les dates et réserver votre place juste ici.