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«Traversées»: les dessous du documentaire en 5 questions 

«Mettons qu'une boîte de courriels pleine est pas mal moins stressante quand tu as été dans des situations de survie»

Par
François Breton-Champigny
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«Hostie, j’ai perdu le contrôle, là», lance Dominique Cormier, une des cinq marcheuses et protagonistes du documentaire Traversées, lorsque Christine Bérubé-Martin, une autre protagoniste, lui demande comment elle se sent après une première journée de randonnée qui en ferait suer une claque à n’importe quel aventurier ou aventurière de catégorie AAA.

C’est justement la quête que porte ce long métrage réalisé par Caroline Côté et Florence Pelletier: dépasser ses limites dans un exploit sportif pour retrouver quelque chose qu’on croyait enfoui.

Campé au Nunavik en 2019, Traversées met en scène les deux réalisatrices ainsi que trois femmes d’âges et d’horizons différents, qui entreprennent un trajet, à pied et en rafting, les menant d’un bout à l’autre du parc Kuururjuaq dans le Grand Nord du Québec.

À travers vallées, montagnes, ours noirs, rivières aux furieux torrents et horde de moustiques, les héroïnes (oui, on peut les qualifier comme telles après avoir vu dans quoi elles se sont embarquées) s’arment de patience et de sac à dos d’une soixantaine de livres pour engloutir les 160 kilomètres qui les séparent de l’arrivée.

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On s’est entretenu avec la co-réalisatrice Florence Pelletier quelques jours après la présentation du documentaire au festival Filministes pour en apprendre plus sur ce périple aussi grandiose qu’épeurant.

Pourquoi avez-vous choisi de faire le voyage avec trois personnes qui ne se connaissaient pas?

Florence: D’abord, c’était important pour nous de choisir des femmes qui ne sont pas des athlètes professionnelles et qui n’avaient jamais fait quelque chose comme ça parce qu’on voulait que les spectateurs puissent s’identifier aux protagonistes.

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Ensuite, on voulait des femmes authentiques des quatre coins du Québec, d’horizons et d’âges différents, qui avaient chacune une raison personnelle de faire ce périple et de vouloir cheminer à travers cette expérience. L’idée était de raconter leur histoire avec la randonnée comme trame de fond.

Pour les trouver, on a fait un appel de casting sur notre page Facebook. On a reçu plus d’une centaine de candidatures vidéo. Les trois personnes qui sont ressorties du lot sont Dominique, Christine et Karena. On a passé les 10 mois avant le départ à les préparer mentalement et physiquement à l’épreuve et à les connaître davantage.

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En plus d’être réalisatrices, Caroline et toi êtes ultramarathoniennes. Quels sont les parallèles que vous avez pu faire entre ce sport et la traversée du Kuururjuaq?

Florence: Un ultramarathon, c’est comme une randonnée, mais à plus petite échelle. Tout est vécu intensément. Il faut avoir un physique et un mental d’acier et pendant l’épreuve, il y a toujours des « plateaux », des moments où ça va super bien et d’autres pas du tout. C’est une game constante entre ton cerveau et ton corps qui veut arrêter à cause de la douleur, tout comme la longue randonnée.

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C’est drôle parce qu’on s’est connus dans des contextes de courses très difficiles, Caroline et moi. Ça nous a montré comment on réagissait dans de telles situations et on a vu rapidement qu’on était compatibles et qu’on serait de bonnes leaders complémentaires pour un projet comme Traversées.

Qu’est-ce que cette expérience t’a appris?

Florence: J’ai personnellement vécu un gros clash quand je suis revenu à Montréal. J’ai réalisé que le niveau de «gravité» des choses est très relatif. Lorsque tu as été dans des situations de survie, comme traverser une rivière mouvementée qui risque de t’emporter à tout moment, mettons que ça diminue le stress qu’une boîte de courriels pleine peut générer.

En tant que groupe, je crois que ça nous a fait réaliser que le bonheur se trouve parfois dans les moments les plus difficiles. Le directeur photo Samuel Trudelle m’a confié récemment que même si on passait 12 heures par jour à avoir mal et à être extrêmement challengés, il estimait que ces 20 jours furent les plus heureux de sa vie.

Sinon, l’expérience m’a également appris qu’on ne peut pas tout contrôler dans la vie, une leçon qui m’a bien servi au cours de la dernière année avec la pandémie.

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Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi?

Florence: Ce que je trouvais le plus contrariant, c’était d’avoir constamment besoin des autres pour accomplir les trucs les plus simples, comme par exemple mettre son sac à dos. On le met et l’enlève plusieurs fois par jour et chaque fois il faut demander à quelqu’un de nous aider sinon on risque de se blesser tellement c’est lourd. Cette vulnérabilité est pesante sur le moral après un bout de temps.

Outre ces petites frustrations quotidiennes, je dirais que la traversée de la rivière, celle que l’on voit à la fin du documentaire, a été l’ultime épreuve pour tout le monde. Il a plu énormément cette année-là et les passages que les guides du parc nous avaient indiqués n’étaient plus accessibles. Ça nous a pris 24 heures pour trouver un autre endroit propice où traverser, ce qui était un peu démoralisant.

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Lorsque notre guide de rivière nous a montré comment traverser en gang, Caroline et moi étions super stressées qu’il arrive quelque chose à l’une des filles. On savait en plus que Christine avait une peur de l’eau vive donc ça en rajoutait une couche. Disons qu’on était très soulagés d’atteindre l’autre rive sans incident!

Quel est le message que vous vouliez faire passer avec votre projet?

Florence: Il y en a plusieurs. D’une part, on voulait montrer que c’est toujours possible de pousser ses limites, peu importe l’âge ou le bagage de vie. Ensuite, on souhaitait faire découvrir un territoire que la majorité des gens ne connait pas. Et finalement, on avait envie de montrer toute la beauté entourant l’entraide entre des personnes inconnues qui s’unissent pour surmonter une épreuve d’envergure.

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Le documentaire est disponible sur les plateformes des Cinémas Beaubien, du Parc & du Musée ainsi que sur celle du Cinéma Le Clap.

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