.jpg)
Toutes ces choses que les employés en restauration ne sont plus capables d’entendre
L’autre jour, je suis retourné voir Le plongeur de Francis Leclerc. Je sais que je suis en retard, mais j’aime le fait qu’un film québécois demeure à l’affiche depuis deux mois. Le film me rappelle également l’époque où je travaillais en restauration.
Je ressens par rapport à ces années en cuisine de la « belle nostalgie » d’une époque épuisante. J’ai adoré les moments passés en restauration bien qu’ils aient été extrêmement demandants de manières physique, mentale et sociale. J’insiste sur l’aspect social, car très souvent, le client a des idées préconçues sur ce qui se passe dans un restaurant et je ne vous cacherai pas que pour certaines, on n’est plus capables de les entendre.
En voici donc quelques-unes que je vous conseille de noter pour ne pas qu’on vous insulte dans l’arrière-boutique.
Pourquoi devrais-je devrais laisser un pourboire alors que c’est au gérant.e d’augmenter vos salaires?
Je suis personnellement très d’accord avec ce point, mais généralement, quand c’est dit par un client, c’est qu’il prévoit de ne laisser aucun pourboire. Et il s’agit là d’un plan que je désapprouve.
Le salaire à pourboire est un système avec un grand nombre de lacunes qui enlève aux propriétaires de restaurants la responsabilité de payer adéquatement leurs employé.e.s. Je considère que c’est complètement étrange, mais débuter une petite révolution au moment de recevoir votre facture ne fera aucune différence dans la vie du patron ou de la patronne. Vous allez simplement coûter de l’argent à un.e gentil.le serveur.euse qui a sans doute fait un bon travail.
Mon humble solution pour combattre ce concept est de faire ses petites recherches pour trouver les restaurants qui se sont sortis de ce système (oui, ils existent) et voter avec son portefeuille.
J’ajoute aussi qu’au bout du compte, il y a aussi la possibilité que l’employé.e aime travailler à pourboire au même titre que certaines personnes aiment travailler à commission. On dit parfois que le client est roi, mais la façon dont l’employé.e préfère être payé demeure son choix. N’en déplaise à Sa Majesté.
Est-ce qu’on peut changer la recette?
La plupart du temps, la réponse est non.
Il va de soi qu’on peut adapter légèrement certaines recettes en cas d’allergies alimentaires ou d’intolérances, mais demander à ce qu’on modifie à outrance une recette frôle l’impolitesse.
Ce n’est pas un hasard si les menus contiennent plus d’un choix. Advenant que le plat de carbonara contienne un ingrédient qui n’est pas à votre goût, vous avez alors l’option de commander une salade au lieu de demander à ce qu’on change les lardons pour du poulet. (Pardon, un petit trauma culinaire du passé, ici.)
Il y a une raison pour laquelle la personne qui dirige la cuisine s’appelle un.e chef.fe. Il s’agit d’une position de pouvoir basée sur un menu que cette personne a construit à travers son expertise et son expérience et qui a été approuvé tel quel afin de représenter l’identité du restaurant et de son ou sa chef.fe.
On parle ici de ses recettes qui sont cuisinées dans sa cuisine; si vous voulez faire votre propre recette, eh bien faites-la dans votre cuisine!
Il y a aussi un processus de préparation que vous ne voyez pas toujours. On ne vous reproche pas de ne pas aimer la coriandre dans la salsa, mais j’espère de tout cœur que vous ne pensiez pas qu’on cueillait les tomates à la seconde où vous avez terminé de parler au serveur ou à la serveuse. Tout est préparé autant à l’avance que possible pour que votre assiette puisse justement être devant vous en un temps record.
J’en profite aussi pour dire que lorsque le restaurant est plein, nous n’avons définitivement pas le temps de créer. J’inclus ce commentaire pour toutes les personnes ayant déjà demandé : « Surprenez-moi avec quelque chose de délicieux qui n’est pas sur le menu ».
Vous allez vous ramasser avec un steak cuit au micro-ondes.
C’est ben long! Est-ce qu’ils font un power nap en cuisine?
Ouf… S’il y a une chose qu’on ne veut pas entendre au milieu d’un double shift en cuisine, c’est bien se faire dire qu’on est paresseux.
Je parle en me basant sur mon expérience et celle de mes dizaines d’ami.e.s qui travaillent dans les restaurants, bistros, cafés, auberges et tout ce qui impliquerait un menu.
PERDRE DU TEMPS EN CUISINE, ÇA NE SE PEUT PAS! Très désolé d’avoir crié.
Premièrement, quelqu’un qui se traîne les pieds en cuisine ne finira pas la semaine. Ce n’est pas un monde où la paresse peut être tolérée.
Il y a toujours quelque chose à faire en cuisine, et ce, même durant les temps morts. Il y a de la vaisselle à laver, de la sauce à préparer, des vidanges à sortir, de la préparation, de l’organisation, de la laitue à rincer (on n’a jamais assez de laitue). Bref, je vous promets qu’on ne se tourne pas les pouces.
Si c’est un peu long avant que vous receviez votre commande, il y a de fortes chances que vous l’ayez passée durant un rush, que la cuisine manque de personnel ou encore que votre commande soit longue à préparer et que le serveur ait oublié de vous prévenir.
Je donne un exemple rapide : un végé-burger prend au moins deux fois plus de temps à cuire qu’un burger de viande. Si vous voyez un hamburger arriver à une autre table avant votre délicieux Beyond Meat, ce n’est pas contre vous, c’est simplement que les gens en cuisine font bien leur travail.
Est-ce qu’ils sont en train de s’insulter dans la cuisine?
Ahhh, vous êtes cute!
Il y a de bonnes chances que non. La cuisine n’échappe pas au risque d’intimidation en milieu de travail, cependant.
Il arrive parfois qu’on se parle un peu durement, mais ce n’est vraiment pas parce qu’on ne s’aime pas. C’est plutôt parce qu’on est dans l’heure de pointe et qu’on n’a pas le temps d’être poli.
Je me souviens de mon premier shift de plongeur où j’ai été confronté à Yvette qui avait pratiquement créé son propre langage. Elle m’a crié et je cite : « Vindeucratedœufs!!!! »
C’était une façon plus rapide de dire : « Vincent deux crates d’œufs! », ce qui est aussi une abréviation pour : « Vincent, pourrais-tu aller me chercher deux caisses d’œufs, s’il te plaît? Et un gros merci d’avance! » Sur le coup, ça sonnait bête, mais Yvette criait beaucoup d’affaires et quand on comprenait son langage, la cuisine roulait parfaitement.
J’ai aussi eu droit à mon lot de : « SONT OÙ MES CÂL**** DE CUILLÈRES ? » Ça aussi, c’est rough, mais ce serveur était le premier à me féliciter pour mon efficacité à la fin du quart de travail. Si je l’avais gardé équipé en cuillères, il me donnait même une partie de son pourboire alors qu’il n’était pas obligé.
C’est un peu ça, la gentillesse en cuisine. On sera aimable quand on aura le temps, mais d’ici là, il ne faut le prendre personnel si les ustensiles sont demandés sur un ton un peu sec. On en a besoin maintenant et on prendra le temps pour le renforcement positif après.
L’essayer c’est (pas vraiment) l’adopter
Bref, la restauration, c’est l’un de ces nombreux métiers que le client pense comprendre, mais qu’il faut vraiment avoir vécu pour s’en faire une idée réaliste.
Je me permets donc de suggérer un petit deux semaines dans un restaurant à ceux qui n’en auraient pas eu la chance jusque là. En plus, ils cherchent en ce moment des employés en cuisine qui ont plus de 13 ans.
Mais si ça ne vous dit rien comme plan d’activité, soyez juste aveuglement plus aimable.