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Tout ce que j’ai dû faire pour trouver un 3 et demie à 550 $ à Montréal
Les rancuniers et rancunières comme moi se souviendront de la fameuse citation de notre premier ministre François Legault, qui estimait l’an dernier que les loyers à Montréal, « ça peut peut-être commencer à 500, 600 $ par mois ». Eh boboy. Parlez-moi de ça, un homme bien connecté sur la réalité de la province qu’il dirige!
Bon, il faut avouer qu’un logement montréalais à ce prix-là, ça existe encore, et j’en suis la preuve : j’habite seul depuis un peu plus d’un an dans un 3 et demie en face du métro Rosemont, et mon loyer me coûte 550 $ par mois, rien d’inclus.
Suis-je chanceux? Pas à peu près! Est-ce que c’est plus facile qu’on le pense de trouver un logement comme le mien? Zéro pis une barre.
Premièrement, c’est extrêmement rare, et deuxièmement, vous n’avez pas idée de tout le temps, l’énergie, les concessions et les démarches niaiseuses que j’ai dû faire pour trouver un logement à ce prix (mais vous êtes à veille de l’apprendre).
Le temps
La chasse à l’appartement pas cher est une job à temps plein. Je recommande les pages Facebook de transfert de bail. Il y en a d’ailleurs une excellente pour les logements à moins de 1000 $, mais si vous voulez reprendre l’appartement d’un.e inconnu.e, vous devrez rafraîchir la page chaque minute, être parmi les premières personnes à répondre, et parfois, vous sauver d’une bière entre ami.e.s pour aller visiter un logement. Je n’exagère même pas.
En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de reprendre l’appart de quelqu’un de mon entourage, ce qui est toujours l’idéal.
J’ai visité l’endroit pour la première fois en 2017 dans le cadre d’un party. S’il y a d’ailleurs un conseil que je peux vous donner si vous voulez un logement à bas prix, c’est de normaliser le fait de demander à vos connaissances combien coûte leur loyer afin de créer votre propre liste d’attente.
Je suis encore à ce jour sur une quinzaine de listes de rappel de logement parce que j’ai un jour dit à quelqu’un : « J’adore ton appart, le prix est incroyable et si jamais tu penses à déménager, je te le prends immédiatement. » Désolé, il y a déjà 12 personnes qui ont donné leur nom pour reprendre l’endroit où je vis.
On est rendu là, et ce n’est que la pointe de l’iceberg du stress qu’implique la quête d’un logement peu coûteux. Même pendant que je pratique mes loisirs, je suis toujours à l’affût d’un logement. Ce n’est pas parce que j’aime ça, mais parce que c’est désormais nécessaire.
Ceci dit, quand on a une offre, il faut être prêt.e à sauter dessus très rapidement. On m’a proposé mon appartement actuel 18 jours avant que j’emménage. Je n’ai pas eu le choix de dire oui, parce que quelqu’un d’autre l’aurait assurément pris à la seconde où il se serait pointé le nez sur Marketplace. En 18 jours, j’ai dû transférer mon propre bail, trouver des boîtes, faire des boîtes, déménager des boîtes et séduire un nouveau propriétaire. D’ailleurs…
Le concours de personnalité le plus weird au monde
J’ai la chance d’être assez doué en entrevue d’embauche et j’ose croire que ça m’aide à trouver des logements. Ceci dit, le fait de devoir vendre ma personnalité à un.e proprio reste un rituel que je trouve complètement dingue. Je n’ai tout de même pas eu le choix de le faire.
Ce rituel commence par la base, c’est-à-dire avoir un bon crédit, des références et une bonne relation avec le ou la locataire sortant.e si possible. S’ensuivent généralement quelques demandes illégales de la part du ou de la proprio. Cette personne pourrait par exemple vous demander de voir un talon de paye ou d’obtenir un dépôt de garantie, ou simplement vous poser des questions qui n’ont pas tant rapport avec le logement, mais qui sont reliées à ses préjugés.
Mention spéciale à André, mon proprio actuel, qui n’a rien fait de tout ça. Je vais peu parler d’André, à part pour dire que je cherche encore son vice caché. Il est incroyablement gentil et c’est rare. Aussi rare qu’un logement à 550 $.
Laissez-moi vous parler de Jules, par contre!
Jules est un proprio à qui je louais un 3 et demie sur l’avenue de Lorimier pour 625 $ (je sais, je suis chanceux). C’était vraiment le proprio typique d’un logement pas cher. J’ai dû lui avancer le premier mois de loyer, payer un dépôt pour la clé de l’immeuble, débourser pour une enquête de crédit et lui donner un talon de paie et des références de mes trois derniers emplois. Tout ça est illégal, en passant.
Ceci fait, je ne l’ai plus jamais revu. Si je me fie à mon expérience, les logements peu dispendieux sont souvent (mais pas toujours) tenus par des gens qui ne veulent pas en entendre parler. Le processus de signature du bail est rigoureux pour démontrer qu’on est un.e bon.ne locataire, et une fois que c’est fait, s’il y a un problème, on s’arrange. Ce n’est pas idéal, mais c’est parfois ce qu’il faut pour payer ce genre de prix.
Devoir dire oui… à trop d’affaires
Une fois la situation du propriétaire réglée et le déménagement précipitamment noté à l’agenda, on tombe dans un moment plus flou où il faut rester appréciable pour la personne qui nous cède son bail.
Des amitiés sont mortes durant cette étape.
Je n’insisterai jamais assez sur le fait que la crise du logement est terrible et ceci a pour effet que la plupart des parties impliquées dans ce genre de transactions ont du pouvoir. Toutes, sauf le nouveau ou la nouvelle locataire.
Pour convaincre la personne dont j’ai repris le bail de me choisir plutôt qu’un.e autre, j’ai dû par exemple acheter tous ses meubles. C’est quelque chose qui arrive très souvent. C’était toutes des affaires que j’avais déjà et que j’ai dû déménager pour ensuite vendre sur Marketplace. Je ne vous cacherai pas que mon 3 et demie à 550 $ était encore plus petit pendant la période où j’y entreposais deux fours, deux laveuses et deux sécheuses.
Je ne suis pas fier de dire que j’ai aussi accepté de payer une fraction du loyer de la précédente locataire parce que j’ai emménagé le 27 plutôt que le premier. Le logement était inhabité depuis trois semaines, mais j’ai quand même payé 100 $ pour avoir déménagé le 27, car c’était un dimanche. S’cusez, je travaille la semaine.
En conclusion, pour trouver un logement à 550 $ par mois à Montréal, ça prend du temps, de la chance et beaucoup de travail.
Ce n’est pas joyeux comme texte, mais j’estime qu’il est important de savoir à quoi s’attendre si on espère dénicher un logement abordable. Sans blague, j’adore mon appart, mais je trouve la situation tellement absurde quand je pense à tout ce que ça a pris pour que je l’obtienne.
Au final, est-ce que ça vaut la peine de sauver 300 $ par mois si, pour obtenir notre appart, on tombe en burnout? Pas sûr.
Bref, il a raison, François Legault de 2021. Les logements de 500, 600 $ par mois à Montréal, ça existe. Sauf qu’il est loin d’y en avoir assez pour régler la crise du logement.