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Survie en plein air : nourrir le feu de la sororité

Récit d’une journée d'apprentissages avec l’organisme Au cœur de la Tornade.

Par
Jean Bourbeau
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« La survie hivernale, c’est avant tout une question de gestion de chaleur », déclare Charly, posant ainsi les bases de la journée.

Dans cette petite clairière de Saint-Joseph de Kamouraska, le bleu du ciel déploie ses rayons froids, provoquant des nuages de buée à chaque respiration.

Neuf participantes attentives écoutent les instructions de la guide, venues s’initier à une journée d’apprentissage au trek hivernal. Des techniques essentielles, nourries par des ambitions au féminin.

En effet, à l’exception de l’auteur de ces lignes, aucun homme ne participe à l’atelier. N’ayez crainte, ses connaissances très limitées, voire carrément absentes en plein air, l’obligeront à rester en retrait.

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« Ah! Ici, il y a une erreur! Surtout, ne jamais laisser ses mitaines au sol! », lance Jade, complice dans l’aventure de l’organisme Au cœur de la Tornade. Si l’utilisation du terme « erreur » détonne dans cette atmosphère décontractée où les rires fusent, c’est que malgré son ambiance ludique, cette journée aborde avec sérieux la nécessité de prendre des décisions éclairées en milieu hostile.

Que ce soit à travers le ski de randonnée, le yoga nordique, le fatbike ou des expéditions de plusieurs jours en camping sauvage, l’organisme Au cœur de la Tornade offre un espace d’apprentissage bienveillant où les femmes peuvent se retrouver, échanger leur savoir et tisser des liens durables.

L’équipement nécessaire pour les activités de plein air, souvent onéreux, peut constituer une barrière à l’entrée. Par conséquent, Charly et Jade offrent régulièrement des séjours pour les femmes qui ne peuvent pas se permettre de financer de telles sorties.

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Montréalais au froid facile, étranger au bivouac et détenteur d’une seule paire de bas en laine mérinos, je découvre les oreilles grandes ouvertes mes premiers apprentissages terrain : comment filtrer l’eau d’une rivière avec un cache-cou, éviter de manger de la neige et l’importance de la couleur du briquet. Aucun détail n’est laissé au hasard.

Après la leçon sur l’organisation de son sac à dos avant de partir en « expé » (un autre terme que je dois assimiler), le groupe est divisé en trois équipes. Chacune est chargée d’élaborer une structure de campement. Avec l’assistance des professeures, les équipes doivent respectivement ériger un espace toilette, une cuisine-salon et un lieu pour y passer la nuit.

« Usez de votre créativité! », lance Charly, raquettes aux pieds.

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Sans hésitation, un plan d’action est élaboré entre les étrangères qui ne le resteront pas très longtemps.

Pendant une collation dûment méritée, j’apprends l’importance cruciale des calories et des protéines en camping d’hiver, réalisant que prendre une collation nocturne peut parfois être une question de survie plutôt qu’une douce gâterie.

J’apprends que l’humidité représente un défi majeur pour les campeurs. Le sac de couchage ne procure aucune protection contre le froid si l’humidité s’y est infiltrée, et contrairement à une croyance répandue, la tente en soi ne constitue pas une barrière thermique.

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Mais ce n’est pas tout. Loin de là. Comment rendre votre sentier visible dans l’obscurité pour faciliter le déplacement? Où et de quelle manière installer une signalisation de détresse?

Je fais le plein d’astuces. On ne sait jamais, dans le Mile End…

À constamment retirer mes gants pour faire des clichés, je devrais prendre en considération la section : « Surveiller les engelures ». Je fais des allers-retours dans une petite cabane en prétextant que ma caméra n’aime pas le froid, alors que ce sont mes doigts qui risquent de tomber.

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En observant les participantes se familiariser aux nœuds essentiels, il semble qu’elles ne soient pas aussi frileuses que moi.

De cette journée, émerge également la volonté de cultiver un leadership au féminin. Car il devient rapidement évident, à travers les confidences, que dans un contexte de camping mixte, il est souvent question de ne pas avoir le dernier mot et de devoir se laisser guider. Donc pas de « mansplaining » le long de la petite rivière du Loup.

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La prochaine épreuve consiste à allumer un feu. Les participantes sont mises au défi de faire bouillir de la neige pour la rendre propre à la consommation. Une petite compétition de temps vient agrémenter l’expérience.

« Dès que l’on voit apparaître des grosses bulles, c’est prêt! À vos marques, prêtes, Go! »

J’apprends que la mousse de sécheuse est un excellent allume-feu, de même que l’amadou, soit la partie spongieuse d’un champignon. Les participantes, elles, n’auront qu’un silex pour allumer leur feu.

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« En cas de situation critique, il vaut mieux sacrifier une partie de son équipement au feu plutôt que de ne pas en avoir du tout », souligne Charly qui montre comment râper la laine de son bas avec un canif pour obtenir un bon combustible de départ.

Un peu partout, l’odeur de la réussite flotte dans l’air. Des high-fives, des rires, et de la fierté se lisent sur les visages.

Je quitte sous un ciel encore bleu, l’air toujours aussi froid. Au menu, construction de quinzhee et baignade nordique, mais surtout, nourrir la complicité entre femmes devenues amies.

« La gestion de la chaleur », disait-on.

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