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Sur les bancs d’université à 70 ans

Portrait d'une étudiante pas comme les autres.

Par
Marie-Philip Bergeron
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Imaginez vivre le stress d’une fin de session universitaire plus de 60 fois. Une vision d’horreur pour la majorité des étudiants! C’est pourtant ce qu’a fait Reine-Marie Côté, une étudiante de l’Université du Québec à Chicoutimi très connue et respectée, qui entame sa 62e session au sein de cet établissement avec déjà huit diplômes universitaires en main.

À quelques mois de son 70e anniversaire, elle reste l’une des étudiantes les plus impliquées de l’université. Discrète et petite sous son manteau pesant, Reine-Marie peut être aperçue tous les jours à la même table de la cafétéria. Devant elle : son album photo et une pile de papiers qu’elle garde précieusement (afin de ne jamais rien oublier, elle prend absolument tout en notes).

La première rentrée

C’est en 1971 que Reine-Marie faisait son entrée à l’UQAC. Elle s’inscrit alors au baccalauréat en théologie, un programme dédié à la formation des prêtres. On lui a rapidement signifié que cette destinée était inatteignable pour elle, vu qu’elle n’avait pas le « bon » sexe et n’était pas « assez croyante ». C’est donc dès le début de son parcours universitaire que Reine-Marie a entrepris une lutte qui a guidé le cours de sa vie : faire avancer les choses et briser les normes établies.

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Elle a contesté le programme et a remis en question des idées plus grandes qu’elle : l’impossibilité d’être une femme prêtre, l’importance de l’Église et l’incohérence de la hiérarchie religieuse. « Je trouvais ça vieux jeu de croire que parce qu’on parlait de Dieu, c’était impossible de se faire du fun et de révolutionner les idées », raconte Reine-Marie en repensant à cette époque.

Cette approche avant-gardiste lui a valu plusieurs menaces d’expulsion, mais Reine-Marie Côté a appris plus tard que, grâce à ses remarques, le programme de théologie avait modifié ses assises et s’était ouvert aux femmes, et à l’humain en général.

Pourquoi s’arrêter?

Au lieu d’accrocher ses patins d’étudiante une fois son diplôme de théologie en main, Reine-Marie Côté s’est lancée tête baissée avec un seul but en tête : apprendre toujours plus.

Tout en enseignant à temps plein les sciences religieuses au secondaire, elle a trouvé le temps de prendre des cours du soir jusqu’à l’obtention :

– d’un certificat en sciences de l’éducation

– d’un baccalauréat d’enseignement en études françaises

– d’un certificat en rédaction

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– d’un diplôme de programme court de deuxième cycle en études religieuses

– ET d’un baccalauréat en études littéraires françaises

Rien que ça!

En 1996, après 25 ans de cours, d’examens, de rédactions et de devoirs, elle a pris une pause. Mais en 2014, âgée de 64 ans, Reine-Marie Côté est retournée à l’université avec un nouvel objectif en tête : écrire un roman qui racontera l’histoire de sa vie.

Elle s’est donc inscrite au certificat en cinéma et en vidéo et au certificat en création littéraire afin de « s’ouvrir à un nouveau monde qui la fascine » et d’acquérir les compétences nécessaires à l’écriture de ce livre autobiographique qui, espèrerons-le, apparaîtra un jour sur les tablettes des librairies de la région.

Étudiante engagée

Pour ce dernier retour sur les bancs d’école, elle a voulu une expérience plus complète que la simple présence à ses cours. Il s’agissait pour elle de « vivre l’université » en s’impliquant, mais également en tentant de changer les choses. Elle a donc sauté à pieds joints dans toutes les activités possibles. Elle est ainsi devenue représentante dans le conseil exécutif des étudiants en arts, secrétaire dans le conseil exécutif des étudiants en lettres, représentante des étudiants en lettres au conseil du département, etc.

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En 2018, elle a été nommée « personnalité du festival étudiant », parce qu’elle participait à plusieurs activités socioculturelles et elle est même venue encourager son association durant le célèbre party universitaire du jeudi.

Pour les autres étudiants de l’UQAC, Reine-Marie Côté est un exemple de travail acharné, de dévotion au monde universitaire, de générosité et de persévérance sans pareil.

Quand on lui demande ce qui pourrait un jour la pousser à ranger ses cahiers et ses crayons, elle répond : « Mes yeux ! Mes yeux m’obligeront probablement à mettre un terme à mes études. Mais d’ici là, j’ai toujours le temps d’apprendre le braille. » Car comme elle le dit si bien : « il y a toujours de l’espoir ».