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Sur la route d’un électron : comment on planifie un périple de 2000 km

Entrevue avec Samuel Ostiguy, architecte d'aventures.

Par
Christian Letendre
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Dans le cadre de l’expédition ÉlectrON, URBANIA et Hydro-Québec s’associent pour vous entraîner dans une aventure extraordinaire.

Le réseau électrique d’Hydro-Québec est vaste. Très vaste. Et pour le prouver, la société d’État a lancé à Caroline Côté, ultramarathonienne et aventurière aguerrie, le défi de parcourir les 2000 km séparant Natashquan (à l’extrémité est de son réseau) et Montréal.

Pour un électron, c’est l’affaire de moins d’une seconde. Pour un être humain, même si vous êtes une athlète expérimentée comme Caroline Côté, on parle plutôt de 80 jours.

Tout au long du parcours, la Montréalaise documentera son périple, alimentant sur une base régulière les réseaux sociaux (et notre imaginaire) avec des photos et vidéos qu’elle aura elle-même captées. Tout ça sans jamais s’éloigner à plus de 5 ou 6 km du réseau électrique.

Évidemment, on n’entame pas un tel projet sur un coup de tête. Ça prend des mois et des mois de préparation. Pour mieux comprendre les coulisses de cette aventure extrême, on a parlé à Samuel Ostiguy, chef d’expédition de cette folle aventure.

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Commençons par le commencement : c’est quoi ton rôle dans l’expédition ?

Mon rôle principal, c’est de déterminer si c’est faisable ou non de faire une expédition comme celle-là, et si oui, dans quels paramètres. L’idée, c’est de s’assurer que Caroline et l’ensemble de l’équipe soient prêts au jour J.

On voulait trouver un tracé qui soit le plus efficace possible, mais en racontant une histoire pertinente.

Comment on se prépare pour un projet d’une telle envergure ?

La première étape, c’est de clarifier les objectifs de l’expédition. Dans ce cas-ci, en plus de parcourir une longue distance, on doit raconter une histoire en capturant du contenu et en le communicant, ce qui implique des outils particuliers, une autonomie en énergie et un poids supplémentaire à transporter.

Ensuite, il y a la logistique. Caroline aura beau capter des supers images et faire des supers entrevues, si elle n’a pas accès à un réseau pour nous les envoyer, ça ne sert à rien.

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En troisième lieu, il faut déterminer un itinéraire. Comme le projet est de suivre le réseau électrique, on s’est lancé le défi de ne jamais s’éloigner à plus de 5 km des lignes. On est assez fiers d’avoir trouvé une route qui reste à distance de 2 à 5 km des lignes.

Et comment vous l’avez déterminée, cette route ?

On voulait trouver un tracé qui soit le plus efficace possible, mais en racontant une histoire pertinente. Est-ce qu’il y a des projets environnementaux intéressants sur le chemin, des communautés culturelles qu’on voudrait entendre, un endroit au cachet particulier ?

Après, c’est de l’essai et erreur. On a passé beaucoup de temps à analyser les cartes et à rencontrer des experts en géomatique, en cartographie, en réseaux de communication.

Ce qui nous a beaucoup aidé aussi, ce sont les nombreuses entrevues avec des monteurs de lignes qui connaissent bien les régions traversées, et quelques jours de repérage sur le terrain six semaines avant le début de l’expédition.

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Concrètement, c’est beaucoup de Google Earth, d’images satellites et de conseils d’experts qui connaissent le terrain. C’est essayer des chemins, avec la souris, vérifier les distances, réessayer, recalculer…

Comme pour les athlètes olympiques, l’apport psychologique est très important et on prend ça très au sérieux.

Comment Caroline se déplacera-t-elle sur ces 2000 km ?

Pour le moment, elle est en ski de fond. Elle sera éventuellement à vélo pendant 10-12 jours, puis il y aura une portion à pied ou en raquette. Ce sera d’ailleurs l’une des portions les plus difficiles de son parcours : dans les monts Valin, elle va devoir monter et descendre l’équivalent du mont Tremblant plusieurs fois par jour, souvent avec des rivières à traverser.

Entre La Tuque et Grand-Mère, ça va se passer en canot. Et la dernière portion, elle prévoit la faire à la course à pied.

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Qu’est-ce qu’on met dans nos bagages pour ce genre de randonnée ?

Il y a évidemment la nourriture et le combustible, qui comptent pour 1,5 à 2 kg par jour, mais le gros du poids, c’est le matériel de communication et de production de contenu : drone, batteries de rechange, téléphone satellite, GPS, panneau solaire, les fils pour recharger tout ça…

C’est pour ça que Caroline n’est pas partie avec beaucoup de linge. Elle a plusieurs couches de vêtements, mais aucun de rechange.

Évidemment, on a prévu une quinzaine de points de ravitaillement. Périodiquement, on va lui amener du matériel de rechange, des sacs de nourriture, des vêtements propres et secs, et du matériel de communication.

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Avez-vous un contact constant avec Caroline ? Comment savez-vous où et quand lui venir en aide en cas d’urgence ?

Elle peut faire des appels, texter, envoyer des courriels et nous faire parvenir sa géolocalisation via satellite. Elle fait d’ailleurs des rapports de situation quotidiennement.

Chaque matin, elle nous indique le moment où elle quitte et chaque soir, elle nous envoie son état de santé physique, moral, l’état de son matériel et les demandes supplémentaires qu’elle pourrait avoir.

De mon côté, je l’informe s’il y a des changements au niveau de la météo ou de l’itinéraire, si elle a reçu des demandes d’entrevues, etc.

Il y a aussi toutes sortes de protocoles extraordinaires si jamais on n’a pas de ses nouvelles. On a des gens qui sont de garde 24 h sur 24, sept jours sur sept.

Évidemment, le risque zéro n’existe pas, mais on essaie de s’en approcher le plus possible.

Justement, c’est quoi les principaux risques d’une expédition comme celle-là ?

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Le danger principal, c’est l’hypothermie. Avec le printemps, la fonte des neiges, les températures instables et la pluie, on est continuellement exposé à l’humidité. Quand on n’arrive pas rester au sec, c’est là que le risque d’hypothermie est le plus grand.

L’autre risque principal, c’est tout ce qui concerne la traversée des rivières et des lacs. Au printemps, le courant est plus fort, il peut y avoir des blocs de glace et des débris et des branches transportés par le courant. Il faut être très vigilant.

Au niveau mental : est-ce qu’il y a une préparation psychologique en amont ? Malgré toute son expérience, c’est la première expédition en solo de Caroline. Et personne n’a jamais tenté ce qu’elle s’apprête à faire…

Je suis content que tu poses la question parce que c’est un aspect qu’on néglige souvent. Comme pour les athlètes olympiques, l’apport psychologique est très important et on prend ça très au sérieux.

Chaque matin, elle nous indique le moment où elle quitte et chaque soir, elle nous envoie son état de santé physique, moral, l’état de son matériel et les demandes supplémentaires qu’elle pourrait avoir.

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Le plus grand risque psychologique dans une expédition comme celle-là, c’est de perdre sa motivation, de ne plus vouloir être là. Donc c’est important d’identifier les raisons de faire ce qu’on fait, de donner un sens à l’aventure. On crée des ancrages pour s’assurer que même dans les moments les plus difficiles, on sait pourquoi on est là.

Il faut aussi identifier les peurs et les craintes associées à l’expédition. Dans ce genre de périple, on peut s’attendre à beaucoup de moments de solitude. On se met à penser aux risques de blessure, on a peur de ne pas arriver à temps, de ne pas produire du bon matériel…

Ensuite, on élabore des stratégies de contournement pour chacune ces peurs-là, pour les transformer en opportunités et les surmonter.

***

Départ de Natashquan : 4 avril 2018

Arrivée à Montréal : vers la mi-juin

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Distance : environ 2000 km (en passant par les barrages)

Vous pouvez suivre le périple de Caroline Côté sur le site web de l’expédition à electron.hydroquebec.com. Des mises à jour et des vidéos sont également publiées fréquemment sur les pages Facebook et Instagram d’Hydro-Québec.