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Suis-je trop vieux pour me réorienter?

Un orienteur et une « late bloomer » confirment que non, vous n’êtes jamais « périmé » professionnellement.

Par
Eve Myette
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Pour Frédéric Piot, conseiller en orientation, les hésitations liées aux réorientations professionnelles persistent en raison d’un problème social bien précis : les travailleurs sont conditionnés à performer en tout temps, et ce, sans marge d’erreur.

« Ça met énormément de pression [sur les gens], parce qu’on se torture l’esprit à vouloir tout réussir », souligne-t-il.

Comment approcher ces transitions professionnelles que plusieurs perçoivent comme des échecs – d’autant plus quand elles se font sur le tard?

Se satisfaire du statu quo

Selon Frédéric, en Amérique du Nord, le simple fait de faire appel à un conseiller en orientation est tabou. Pas étonnant qu’il ait pu constater, au cours de sa pratique, que beaucoup de travailleurs gardent un emploi même si celui-ci ne les satisfait pas.

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Ça a été le cas de Siham Chraibi. Celle-ci a pratiqué la physiothérapie pendant 30 ans en France et au Maroc pour finalement prendre la courageuse décision de se réorienter professionnellement dans sa cinquantaine. Elle est aujourd’hui adjointe administrative pour le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAC). Ce poste lui permet notamment d’atteindre son principal objectif, soit celui d’avoir une meilleure conciliation entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle.

La science est d’ailleurs unanime sur la question de la satisfaction professionnelle et du bonheur : une étude de la revue scientifique Science Advances s’est penchée sur le cas d’étudiants qui, après leur curriculum scolaire, ont priorisé l’argent plutôt que le fait d’avoir du temps pour eux-mêmes et leurs loisirs. Résultat : leur niveau de bonheur a chuté.

À la lumière de ces constats, Frédéric souhaite souligner que « c’est souvent en prenant des risques qu’on apprend le plus ». Et Siham abonde en ce sens : « Il faut savoir sortir de sa zone de confort pour être mieux après », me lance toute souriante celle qui est venue rejoindre sa fille qui étudie à Montréal.

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Une question de préparation

Toutefois, même si Siham et Frédéric sont convaincus que les « deuxièmes chances professionnelles » en valent la peine, ils sont bien conscients qu’elles ne se font pas sans sacrifices.

L’orienteur préfère mettre en garde : le processus de réorientation peut s’échelonner sur une longue période (des mois, voire des années) et peut se solder par une déception, advenant le cas où le domaine choisi ne convient finalement pas aux attentes du travailleur. Selon lui, il est primordial de prendre le temps d’évaluer ses options au préalable, et surtout, d’apprendre à se connaître en tant qu’individu. Les réponses à ces trois questions sont généralement assez révélatrices :

qu’est-ce qui motive réellement le changement de carrière? Qu’est-ce qui manque dans votre vie professionnelle actuelle? Qu’est-ce qui vous stimule?

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Vous remarquerez, ici, que je n’ai pas parlé de « passion ardente ». J’ai choisi de ne pas le faire parce qu’on ne rappellera jamais assez que, même si c’est important d’aimer son travail, ce n’est pas non plus nécessaire d’en faire sa passion et de se définir à partir de celui-ci – c’est même plutôt une excellente recette pour l’épuisement professionnel.

Siham est bien placée pour soutenir qu’un changement de vie aussi drastique qu’une transition professionnelle nécessite énormément de préparation. En plus, le processus d’immigration s’est ajouté à son changement de carrière. On peut s’en douter : pour un tel changement de vie, ça prend de l’argent de côté.

Dans son cas, plusieurs années d’épargne ont été nécessaires pour assurer sa sécurité financière lors de son arrivée au Québec pour sa réorientation. D’autant plus que pendant sa formation d’un an et demi à Val-d’Or, la cinquantenaire ne générait pas de revenus. Heureusement, elle a pu trouver de l’aide auprès du service d’encadrement offert par Québec métiers d’avenir, qui l’a guidée dans les différentes démarches administratives, tant pour son immigration que pour sa transition.

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Au-delà des prévisions financières, Siham a surtout dû s’armer d’humilité et accepter de plonger dans de nouveaux apprentissages, faire face à la critique.

« Quand on se reconvertit, on doit être conscient qu’on ne possède aucune expérience [dans le domaine] et qu’on repart à zéro. »

Elle conçoit que pour plusieurs, surtout ceux qui font une transition professionnelle sur le tard, ça peut représenter un frein important à la réorientation, mais elle a plutôt choisi de le voir comme une manière de s’épanouir.

Jamais trop tard

Si vous souhaitez vous réorienter, armez-vous de patience, et faites preuve d’introspection : c’est ce que recommande Siham. Selon elle, la première question à se poser quand on envisage une transition de carrière, c’est : pourquoi? Si la réponse à cette question réside dans un épuisement en lien avec votre emploi actuel, elle juge qu’un changement de carrière n’est pas nécessairement l’approche à préconiser. Bien au contraire, c’est un cheminement qui peut s’avérer très exigeant et qui nécessite la sollicitation de plusieurs ressources financières, émotionnelles, et de temps. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle recommande d’aller chercher de l’aide extérieure.

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Malgré tout, l’ancienne physiothérapeute ne regrette aucunement sa décision. Si elle n’a pas pu voyager pendant ses années de formation, n’a pas cotisé à son régime de retraite et devait restreindre ses dépenses personnelles, elle a aujourd’hui trouvé un équilibre personnel qui la rend réellement heureuse : « Je suis tellement heureuse d’avoir choisi, surtout à mon âge, la vie que j’ai envie de vivre aujourd’hui! »