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Spéléologie : la passion de l’ombre
Explorer une caverne sombre, humide et parfois bouetteuse n’est peut-être pas la première idée de sortie qui vous vient en tête pour la fin de semaine. Pourtant, grâce à des pionniers comme Daniel Caron, la spéléologie, aka l’exploration de cavités rocheuses, devient de plus en plus accessible dans la province. Portrait d’une pratique en plein essor.
Du côté obscur de la province
Daniel Caron est tombé dedans un peu par hasard, en allant explorer une grotte avec un ami quand il était ado, dans les années 70. Rapidement, il s’est investi corps et âme dans cette activité. «Il n’existait à ce moment-là presque rien en ce qui a trait à la littérature. Quelques frères naturalistes s’étaient intéressés à ça dans les années 1940-50, il y avait aussi un petit groupe d’universitaires», confie le pro de la spéléo. Cinquante ans et des dizaines de découvertes plus tard, il a décidé d’y remédier en cosignant le guide Cavernes du Québec avec Michel Beaupré.
Sa découverte la plus surprenante, il l’a faite à quelques centaines de mètres à peine de chez lui, sur l’île de Montréal. Il a contribué à mettre au jour en 2017 le prolongement de la grotte de Saint-Léonard. La présence d’une petite cavité à cet endroit était déjà connue, mais Daniel Caron et ses collègues sont parvenus à déblayer une galerie dix fois plus longue. La découverte a eu un grand retentissement médiatique, avec même une parution dans National Geographic. L’événement a en quelque sorte permis à la spéléologie québécoise de sortir de l’ombre.
«Le Québec compte une centaine de grottes et de cavités connues, essentiellement dans le sud de la province. Elles se trouvent dans les plaines et les montagnes de basses altitudes : en Outaouais, au Bas-Saint-Laurent, sur l’île d’Anticosti. C’est là qu’il y a le plus de roches calcaires, particulièrement susceptibles d’être creusées par les infiltrations d’eau. On peut aussi se vanter d’avoir quelques grottes s’étant formées sur un modèle assez rare, dit glaciotectonique, comme celle de Saint-Léonard», explique Daniel Caron. Ce sont les glaciers qui recouvraient jadis le Saint-Laurent qui auraient creusé ces fissures en se retirant.
Savoir où et comment aligner sa frontale
La spéléologie demeure encore méconnue au Québec, malgré son accessibilité. Si le Québec n’a pas énormément de grottes comparées à d’autres pays, il a l’avantage d’être un bon spot pour débutant et notamment pour les familles, avec des structures peu profondes et qui peuvent pour la plupart être visitées sans équipement ou formation spécialisée, comme la caverne Lusk dans le parc de la Gatineau ou celles de la montagne du collège à La Pocatière. «C’est l’idéal pour commencer à en faire, savoir si on aime ça», souligne Daniel Caron.
Un casque de vélo pour éviter de se faire une poque sur une stalactite, une lampe de poche ou, encore mieux, une frontale, des vieux vêtements chauds qu’on ne sera pas triste de salir et des vêtements de recharges et on est all set.
Quelques conseils de sécurité s’imposent quand même. « Bien choisir sa caverne en fonction de son niveau, partir à plusieurs, tenir compte de la météo : les grottes sont des égouts naturels, s’il y a une grosse pluie, ça se peut que la caverne soit remplie d’eau», prévient le spéléologue.
«Sous terre, c’est un monde inconnu qui vous amène nécessairement à vous interroger un peu»
Si vous êtes claustrophobes ou que vous voulez show off devant des amis, la spéléologie n’est peut-être pas la meilleure des activités pour vous. «On peut être 200 en SUP sur un lac, mais pas 200 sous terre. Physiquement, l’espace est réduit», illustre Daniel Caron. Les photos Insta dans la quasi-noirceur et avec du vieux linge seront aussi un tantinet moins sexy.
Malgré cet inconvénient, la spéléologie a ses avantages. Pour certains, l’intérêt réside justement dans ce contraste avec la vie moderne à en croire l’expert. «Ce que la spéléo offre de plus que d’autres activités consommables, c’est qu’elle va plus loin. Sous terre, c’est un monde inconnu qui vous amène nécessairement à vous interroger un peu. Le fait d’aller dans une grotte soulève des questions chez les gens : “Pourquoi il fait toujours la même température dans une grotte, été comme hiver, pourquoi y’a si, y’as-tu des animaux?”».
Faites ressortir le Indiana Jones en vous
«Il y a en même temps un côté aventure avec la possibilité de découvrir quelque chose que personne n’a jamais vu. C’est cette sensation de découverte qui fait qu’on y retourne», décrit Daniel Caron.
«Il y a en même temps un côté aventure avec la possibilité de découvrir quelque chose que personne n’a jamais vu. C’est cette sensation de découverte qui fait qu’on y retourne»
Si vous devenez mordu et que vous voulez accéder à des grottes plus difficiles, des formations existent maintenant au Québec pour apprendre à maîtriser le matériel technique, notamment auprès de l’École québécoise de spéléologie de Spéléo Québec.
Et une fois que vous serez un amateur aguerri, ça vous fera une excuse de plus pour partir post-covid découvrir les cenotes du Mexique!
«Comme au Québec, c’est une discipline relativement jeune, il y a un potentiel de trouvailles pour tout le monde qui veut s’y mettre», fait valoir Daniel Caron. Afin de ne pas transformer votre première sortie spéléologique en mission de survie dans le bois, le spéléologue recommande toutefois de commencer par un premier contact avec le monde souterrain dans une structure qui offre des visites guidées. Le Québec en possède un peu moins d’une dizaine, dont celles listées ci-dessous :
Le Top 6 de Cavernes du Québec
- La caverne de Saint-Léonard à Montréal
Une faille étroite et très haute, aux parois lisses, formée à la suite du passage d’un glacier. Accessible l’été sur réservation.
- La caverne La Flèche en Outaouais
La plus grande caverne québécoise aménagée pour le public, on vous propose même d’y passer la nuit!
- Le Trou du Diable à Saint-Casimir, dans la Capitale-Nationale
À l’intérieur de cette grotte, la deuxième plus longue au Québec, vous cheminerez le long d’un ruisseau souterrain sur près d’un kilomètre.
- Les grottes de La Rédemption au Bas-Saint-Laurent
Au fin fond du Bas-Saint-Laurent, un embranchement de cavernes s’enfonce profondément sous terre. On vous propose de le visiter avec un parcours en via ferrata.
- La grotte de Saint-Elzéar, en Gaspésie
Cette spacieuse grotte permet d’observer une variété de stalactites et de stalagmites ainsi que des ossements d’animaux. Une deuxième grotte vient d’ouvrir au public.
- Le Trou de la Fée au Lac-Saint-Jean
On accède à la grotte par une passerelle suspendue au-dessus de la rivière Métabetchouane. La population de chauve-souris qui hibernait dans la grotte a été décimée il y a quelques années, mais on peut toujours y observer amphibiens et petits mammifères.