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Silva Herbo : retour aux racines à Métis-sur-Mer

Les deux pieds dans le jardin d’une jeune herboriste en Gaspésie.

Par
Cloé Giroux
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Quelque part entre l’estuaire du fleuve Saint-Laurent et la forêt de Métis-sur-Mer se trouve la ferme-atelier Silva Herbo, spécialisée dans les produits à base de plantes locales, médicinales et tinctoriales, où Frédérique Martin crée ses produits à partir de la graine jusqu’au pot.

La jeune entrepreneure m’a généreusement accueillie chez elle pendant quelques jours afin que je puisse capturer en images et en mots son quotidien en diapason avec le rythme de la nature sauvage de la Gaspésie.

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Germination

C’était la première fois que je mettais les pieds à Métis-sur-Mer et je dois avouer être tombée sous le charme de ses vastes paysages, de ses maisons longeant le littoral et de son air salin.

Installée à proximité du fleuve dans son atelier aux mille effluves, Frédérique crée dans la lenteur en utilisant les ressources du territoire qu’elle habite. « Pour moi, créer lentement à partir d’ingrédients naturels et locaux, c’est un peu comme faire du militantisme. Je nage à contre-courant de l’industrie qui mise sur la productivité et je me bats pour qu’on réintègre cette philosophie du retour à la simplicité, de la patience et de l’autonomie », peut-on lire sur son site internet.

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Silva Herbo a vu le jour il y a près d’un an. Après avoir travaillé en mer pendant quelques années au sein de la marine marchande, Frédérique a pris conscience de la distance que parcourent les produits qu’on consomme avant de se tailler une place dans notre assiette.

Ce cheminement l’a menée à travailler sans bouleverser les différents écosystèmes, entre autres grâce à l’utilisation d’un engrais vert, en travaillant le sol à échelle humaine – sans tracteur et en évitant de compacter la terre – et en effectuant des récoltes sauvages responsables seulement avec les espèces présentes en abondance dans la région.

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Sur la bande-son du vent et du chant des insectes, le parfum tonique de la camomille allemande, de la mauve musquée et du basilic sacré au nez, elle passe de longues journées accroupie dans son jardin, à récolter tout ce dont elle aura besoin pour la saison.

Aujourd’hui, le jardin de Silva Herbo comporte une variété d’un peu plus de 200 espèces de plantes avec lesquelles la jeune herboriste crée des produits pour le corps et des tisanes et teint naturellement des tissus.

« Avec les plantes tinctoriales (plantes utilisées en alternative à la pétrochimie pour teindre des tissus), j’ai envie de développer une collection de foulards teints avec une palette de couleurs locale de Métis-sur-Mer, en utilisant seulement des plantes qui poussent dans la région. »

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Le territoire comme garde-manger

« Nous sommes tous et toutes installés au bord du fleuve parce qu’il y a de la bouffe, mais on ne la consomme plus parce qu’on n’a plus les connaissances de ce qui s’y trouve, alors on mange ce qui vient de l’autre bout de la planète, sans prendre le temps célébrer le territoire sur lequel on habite », déplore Frédérique.

Lorsque vient le moment d’acheter un produit, un important dilemme peut s’installer : payer un peu plus cher pour un produit conçu localement par des gens d’ici, ou épargner son portefeuille et se procurer le bon vieux made in on-ne-sait-pas-où par on-ne-sait-pas-qui dans on-ne-sait-pas-quelles-conditions?

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Il est normal de se questionner par rapport à la viabilité du marché d’artisan.e.s et de productrices et producteurs locaux dans la province, puisque nos modes d’approvisionnement étant industriels, les consommateur.trice.s s’habituent à payer des produits à très bas prix.

« En achetant à grosse échelle, on encourage directement les salaires et les conditions de vie médiocres des travailleurs, explique Frédérique. On gagnerait beaucoup en tant que société à encourager davantage les artisans et producteurs d’ici. »

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Comme l’entrepreneure a pour objectif de démocratiser l’utilisation de plantes d’ici, des spécimens séchés en vrac sont en vente sur son site web pour permettre à tous et toutes de les apprivoiser, de les goûter et de les utiliser selon leurs propriétés médicinales.

« Je récolte les plantes au summum de leurs propriétés médicinales et de la puissance de leurs parfums, avant de les sécher dans des conditions optimales pour conserver leur intégrité et leurs arômes, indique Frédérique. Je travaille aussi sur la confection de petites fiches descriptives pour chaque plante. »

Curiosité

Mes quelques jours passés en compagnie de Frédérique m’ont menée à une réalisation : mes connaissances en termes de plantes sont presque nulles. Par souci d’efficacité (ou de paresse?), la plupart de ces connaissances ont arrêté de se propager d’une génération à l’autre, les tablettes d’épiceries et de pharmacie sachant combler tous nos besoins.

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Progressivement, Frédérique arrive à faire tomber la barrière imaginaire qui se dresse entre l’humain et les plantes grâce à son entreprise.

L’entrepreneure et son copain ont d’ailleurs plusieurs beaux projets en tête pour Silva Herbo. « Mon rêve, c’est de construire une grange-atelier qu’on utiliserait comme laboratoire de mise en valeur du territoire à travers l’artisanat, dit-elle. On pourrait y offrir des ateliers de teinture végétale, de couture, de poterie, de travail du bois, de permaculture, d’herboristerie, etc. »

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Je reviens de ce petit paradis côtier avide de connaissances en me faisant la promesse d’investir plus de temps pour faire les choses moi-même, sur une base régulière. J’ai déjà hâte à ma prochaine sortie en forêt pour voir quelles plantes je saurai identifier.